La Nécessaire Union Sacrée

Actuellement en circulation sur les réseaux sociaux, une liste détaille une cinquantaine de chevaux, révélant que près de 7% d’entre eux sont out of training (hors entraînement), 61% sont retired (retraités), et 22% sont dead (morts). La nature précise de ces décès, qu’ils soient naturels ou liés à l’abattage, n’est pas spécifiée. Dans une année où People’s Turf Plc est l’unique organisateur de courses et où une majorité importante des chevaux appartient exclusivement aux propriétaires du système de propriété équine de Jean Michel Lee Shim, il est pertinent de s’interroger sur le destin de ces chevaux qualifiés de retired.

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La question se pose quant à savoir s’ils auront l’opportunité, à l’instar des dernières années du Mauritius Turf Club, qui avait mis en place un Comité pour les Chevaux Retraités, de connaître une reconversion paisible. Sinon, seront-ils simplement dirigés vers les couloirs de la mort de Petit Gamin, abattus et soumis au four crématoire de ce centre qui aspire à devenir bientôt le rendez-vous hippique des Mauriciens ? L’infortune des 22% de chevaux répertoriés comme dead demeure inconnue, suscitant légitimement des inquiétudes parmi les véritables amoureux des chevaux qui souhaiteraient connaître les raisons derrière le sort qui leur a été réservé.

Il y a effectivement des préoccupations légitimes concernant le sort de ces chevaux, mais aussi de tous les autres classés comme out of training, retired, ou dead, il est impératif de garantir qu’ils bénéficient d’une prise en charge appropriée et humaine. Dans de nombreuses juridictions, les chevaux prenant leur retraite de la compétition ou n’étant plus à l’entraînement sont généralement orientés vers des programmes de retraite équine mis en place à Maurice ces dernières années sous la pression populaire. Ces programmes visent à assurer une vie décente et exempte de cruauté aux chevaux après leur carrière dans les courses. Cela peut inclure leur réorientation vers des activités équestres non compétitives, des programmes de thérapie équine, ou simplement une retraite paisible dans des sanctuaires équins.

Cependant, le bien-être des chevaux dépend souvent de la responsabilité des propriétaires, des entraîneurs et des organismes de régulation équine. Si les chiffres avancés sont exacts, des préoccupations éthiques et de bien-être pourraient émerger concernant le devenir des chevaux retirés de la compétition. Il est, dans ces cas, fortement recommandé de se conformer aux organismes existants qui gèrent les chevaux à la retraite, qui sont à ce jour quelques centaines dans des centres équestres à travers le pays, aux organisations de protection des animaux ou aux autorités équines locales pour obtenir des informations précises sur le sort que le pays préconise pour les chevaux retirés de la compétition. Il est crucial de s’assurer que ces animaux reçoivent des soins appropriés et qu’ils soient traités avec respect, quel que soit leur statut. C’est le moins qu’on doive à ces champions, mais aussi aux autres moins performants qui ont fait vibrer la fibre d’amour et de respect du public turfiste et de tous les autres amoureux de la race chevaline.

Dans ce contexte, les turfistes pourraient être amenés à assister aux courses sur un nouvel hippodrome qui se dessine dans la région de Balaclava au lieudit Petit Gamin et qui attend, pour la deuxième fois, l’aval de la Horse Racing Division, qui n’a jusqu’ici pas fait connaître son appréciation sur la question. Pour l’heure, il n’y a pas eu d’aval pour une inauguration à court terme. Certes, des tribunes en tôle ont été érigées et des travaux d’accès sont en cours avec l’aménagement d’un chemin et éventuellement d’un parking à quelques dizaines de mètres du centre résidentiel de Royal Park, un lieu d’habitation où des terrains ont été vendus à prix fort pour le calme et le cadre de vie. Cela pourra bien changer. Comme la vie des habitants de Petit Gamin, où l’étroite route pourrait être synonyme de danger pour ceux qui s’asseyent et vivent au bord de la route avant de regagner leur demeure. L’absence d’une étude d’impact appropriée (EIA) depuis le début de ce projet est une entorse grave aux lois du respect de l’environnement et des êtres vivants qui vivent dans la proximité de ce projet qui a été mis sur pied au prix d’une ambition démesurée qui ne cadre avec les projets hôteliers et d’habitations de cette région qui relèvent d’une qualité et d’un modernisme haut de gamme.

Il serait inconvenant de ne pas saluer le courage, la volonté, l’abnégation et les ressources humaines et financières colossales que le seul Jean Michel Lee Shim — qui revendique à raison d’avoir gardé l’activité en marche — a mis dans ce projet de centre équin doté finalement de pistes d’entraînement qui aspirent à être homologuées pour devenir le deuxième hippodrome du pays. Certes, en termes de composition de la piste, de sa largeur et sa configuration particulière, il est prometteur, mais il y a de quoi regretter que le reste soit encore trop loin des aspirations et des ambitions hippiques modernes que mérite notre pays. Il est dommage qu’un tel projet n’ait pas bénéficié d’un partenariat élargi avec le monde hippique existant et l’État pour ériger un hippodrome digne des développements qu’a connus le pays depuis ces vingt dernières années. À l’image de Hong Kong qui de Happy Valley, son Champ de Mars, a mis sur pied un hippodrome moderne du nom de Sha Tin pensé autour du cheval, des courses et du public turfiste, où brille l’un des meilleurs fils du sol, le jockey Karis Teetan.

Désolé de le dire aussi crûment, le projet de Petit Gamin porte bien son nom ! Mais il a le mérite de proposer éventuellement une alternative au Champ de Mars, bien abîmé ces derniers temps avec le développement d’infrastructures indignes de ce lieu mythique où s’est écrite l’histoire des courses mauriciennes et de l’indépendance de notre pays. Ce lieu historique a un urgent besoin d’un relifting en profondeur aussi bien pour ses pistes que pour ses installations, d’aujourd’hui et d’hier, lorsque tous les travers et imperfections renforcés ces derniers temps, et ils sont nombreux, auront été corrigés. Si au moins cela avait été pensé… comme quoi à chacun son métier !!!

En attendant un éventuel développement qui ne serait apparemment pas d’actualité de sitôt à la Horse Racing Division, où il est impossible ces jours-ci d’avoir des informations crédibles, la GRA, centre névralgique de toute décision pour l’hippisme mauricien, se donne le temps de la réflexion malgré les pressions incessantes. Elle entend évaluer à sa juste mesure toute action qui est susceptible de porter préjudice à l’image du gouvernement dans la perspective des prochaines élections qui devraient avoir lieu plus tard en fin d’année ou début de la prochaine. Un gouvernement qui avait mis au centre de l’une de ses réalisations d’éliminer une mafia des courses — tolérées et soutenues d’après eux par le Mauritius Turf Club —, mais qui se retrouve aujourd’hui avec une autre mafia plus active et plus en appétit qui initie des courses truquées à un rythme jamais vécu au Champ de Mars. Pouvait-il en être autrement avec une autorité, la HRD, aux mains attachées, un GRA complice et des politiques incultes sur le plan hippique ? Pouvait-il en être autrement lorsque « limem bookmaker, limem tote, limem proprieter souval, limem organiz lekours… et bientôt peut-être limem proprieter ipodrom. E sirtou, limem finans parti politik ki donn li tou permi. »

Cela dit, le pouvoir politique se trouve aujourd’hui dans l’expectative générée par sa déception que le nouveau paradigme qu’il a favorisé et qui était censé donner une nouvelle impulsion à l’hippisme mauricien a lamentablement échoué. Au point où les Mauriciens en sont arrivés à regretter les courses hippiques d’avant, certes imparfaites, puisqu’elles ont été l’objet d’une commission d’enquête. Mais plus crédibles, car les centres de pouvoirs sectoriels n’étaient pas nécessairement liés, bien qu’il y eût aussi des maldonnes et des protégés qui étaient sous les radars des enquêteurs et de la Police des Jeux.

Il ne faut pas se mentir, les taux de courses truquées, des jockeys kamikazes, des juges hippiques qui font mine de ne rien voir ni comprendre sont outrageusement plus élevés aujourd’hui et prennent en ce début de la fin de la saison hippique des proportions et une tournure dangereuse avec une frustration grandissante des parieurs qui n’hésitent pas à manifester leurs frustrations, pour ne pas dire leurs ires dans une période où gagner de l’argent pour son travail est difficile, alors que la vie chère s’impose à tous. Prolonger la saison jusqu’à mi-décembre n’est vraiment pas une bonne idée pour une population qui rêve de se faire une fortune aux courses et qui va en réalité perdre son salaire et son bonus de fin d’année, au grand désespoir de leur famille.

Les courses mauriciennes méritent mieux que ce bricolage à la semaine des occasions manquées et qui sont en fait des recettes mortifères susceptibles de tuer ce qui a été le ciment de la société mauricienne dans sa diversité depuis plus de 200 ans. Sans une remise en question profonde, qui exclut la logique politicienne, et favorise une vraie volonté de dialogue de toutes les bonnes volontés pour éliminer la mafia des courses, l’avenir est aussi sombre que celui de notre football, qui a bien du mal à renaître de ses cendres… Plus que jamais, l’union sacrée pour une renaissance est d’actualité !

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