Le jugement dernier !

Alain Perdrau nous a quittés ce matin. Il a succombé au combat inégal qui l’opposait à la maladie, mais il peut se réjouir, là-haut, là où il se trouve, que de son vivant, et cela est rarissime, il a reçu l’hommage de toutes les parties et de l’auteur de ces lignes, où un récent éditorial saluait sa contribution aux courses hippiques, sa réussite exceptionnelle et l’héritage qu’il laisse au monde hippique mauricien et à ses proches. À toute sa famille, et en particulier à ses enfants et ses frères et soeurs, Turf Magazine adresse ses sincères condoléances.

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Nul n’est parfait et chacun doit se soumettre au jugement dernier et faire la balance entre le bien et le mal fait sur terre, mais cet homme, qui a consacré sa vie aux courses hippiques, doit être triste et révolté de constater que depuis notre dernier éditorial, le décor chaotique et l’état de santé de l’hippisme mauricien se sont encore assombris, et rien de ce qu’il adviendra dans les semaines ou mois à venir ne va permettre de sortir de l’ornière sans gros fracas. Les plus pessimistes annoncent un enterrement en première classe dans un court délai, alors que d’autres rêvent d’un rebondissement salutaire après les événements de ces derniers six jours marqués par un affrontement violent entre le magnat des paris Jean Michel Lee Shim et ses sous-fifres, et l’entraîneur Vincent Allet, redevenu depuis vendredi dernier le chômeur banni de l’industrie sur une décision scélérate de la Gambling Regulatory Authority, qui a démontré que l’indépendance de la Horse Racing Division était une chimère et qu’elle était le bras armé de cette toile d’araignée qui piège ses proies du monde des paris hippiques et autres.

Les courses hippiques mauriciennes sont entrées cette fois de plain-pied dans une phase d’autodestruction dans le sillage des choix assumés du gouvernement mauricien, pas sur l’autel mensonger d’une refonte et remise sur rail d’une industrie moribonde depuis ces dix dernières années, mais sur l’autel d’assurer au principal parti au pouvoir un financement pérenne déjà largement entamé et confirmé par le magnat des paris Jean Michel Lee Shim pour les dernières élections mais, selon les initiés, depuis 2014 au moins.

La primauté sur le monde des paris ayant été assurée par de multitudes amendements à la loi à travers le Finance Bill, dont l’élimination des bookmakers hors du Champ de Mars, ce qui a ouvert une voie royale à SMS Pariaz et toutes les officines de l’empire des paris de JMLS, c’est finalement la mainmise sur l’organisation des courses elle-même qui a été achevée après une année de cogestion avec le MTC, étranglé financièrement, infiltré de l’intérieur par des traîtres, mais aussi un délitement de la qualité de sa gestion et de ses dirigeants au fil des années.

À en croire le déroulé de l’actualité depuis vendredi dernier, on s’achemine droit vers une implosion, dans une ambiance tendue et de baisse des revenus, avec ce choc des titans qui a délaissé les conversations téléphoniques injurieuses au profit, sans doute salutaire, de celle plus rassurante et rationnelle de la justice de notre pays avec cette aile majoritaire et libre qui a su garder cette indépendance qu’une infime minorité a du mal à assurer pour en avoir pris du plomb de la soumission à des échanges de bons procédés.

Pour en revenir aux faits, pour ceux qui auront manqué certains épisodes, tant l’actualité hippique foisonne de nouvelles qui succèdent aux palabres, il faut savoir qu’une conversation téléphonique entre Vincent Allet et Khulwant Kumar Ubheeram a pris l’allure d’un règlement de comptes houleux, injurieux et de bas étage entre l’entraîneur Vincent Allet et l’actionnaire majoritaire de People’s Turf PLC, Jean Michel Lee Shim.
L’une des raisons évoquées publiquement est que les services de ce dernier ont prélevé unilatéralement des frais pour l’entretien de la piste des revenus des stakes money remportés par l’entraîneur, dans un contexte de sécheresse absolue de revenus suite à la double baisse conséquente de ces fameux stakes money depuis le début de la présente saison. Et ce, bien que le gouvernement ait pris à sa charge une partie des dépenses de l’organisateur des courses, notamment les dépenses de la HRD, dont le contrôle antidopage, mais aussi les salaires des officiels qui veillent (?) à l’intégrité des courses, en particulier les boards d’appel.

Bref, le nerf de la guerre est le manque basique et massif de revenus à tous les niveaux pour tous les acteurs hippiques, dont PTP, qui, parallèlement, s’est engagé dans des aménagements coûteux d’infrastructures qui n’auraient pas dû être si le plan initial de prendre la haute main sur le MTC et MTCSL avait abouti. La crise financière des ménages sur le plan local en est la cause majeure, mais il est aussi un fait que la crise de confiance du public dans le système et la collusion GRA-HRD et PTP pèse de tout son poids dans cette baisse généralisée des enjeux. Le ministre des Finances, aux questions de l’opposition, a dû concéder cette situation de baisse des revenus, au point où la GRA a approuvé l’appel au secours de quatre journées de courses supplémentaires pour venir à la rescousse de PTP et consorts, alors que le manque de chevaux va se faire criant en cette fin de saison.

Le litige téléphonique Allet/Lee Shim a pris une tout autre dimension avec la plainte à la GRA de Me S.S. Murday pour le trio PTP, Ubheeram et Lee Shim contre l’entraîneur. Y est évoquée une partie tronquée de la teneur de la conversation téléphonique et la supposée mise à exécution des menaces proférées de Vincent Allet lorsque celui-ci s’est rendu aux courses avec des bouncers pour attenter à l’intégrité physique des dirigeants de PTP. Mais il n’en fut rien. En tout cas, c’est sur cette base que la GRA a suspendu la Personal Management Licence (PML) de Vincent Allet et que la HRD lui a enlevé son statut d’entraîneur et de propriétaire, et retiré ses cinq chevaux au programme de samedi dernier.

Au lieu de répondre à la demande de la GRA de fournir des explications pourquoi sa PML ne devrait pas être enlevée dans les quatorze jours suivant sa suspension, Vincent Allet a préféré retourner à la GRA sa PML. Entre-temps, l’équipe légale de Vincent Allet s’est tournée vers la Cour suprême pour une demande de révision judiciaire, tout en confiant ses 32 chevaux à l’entraînement Chandradutt (Preetam) Daby pour leur bien-être et peut-être pour poursuivre la compétition. Dans sa plainte signée Dya-Ghose Radhakeesoon, il est demandé à la Cour suprême d’autoriser la demande de révision judiciaire et de renverser la décision de la GRA et la suspension de cette décision en attendant le verdict de la cour. L’affaire ne sera pas prise par la cheffe juge lundi prochain comme souhaité par les poursuiveurs, mais que le 4 septembre, alors qu’il s’agit d’une affaire urgente, dans la mesure où le gagne-pain de celui interdit de travailler va être impacté.

Le demande de Vincent Allet est assortie du volet, selon lui, des paroles attribuées à Jean Michel Lee Shim dans cette conversation téléphonique du 7 juillet, où le magnat des paris aurait dit à l’entraîneur : « Mo ousi mo pi….ar twa. Enn go….to pa pou kapav fer. » Mais le plus grave et choquant, ce sont ses révélations à l’effet que lors d’une rencontre le 29 septembre 2022 au Labourdonnais Waterfront Hotel, en présence de son propriétaire, Vimal Damry, Jean Michel Lee Shim l’aurait menacé de fermer son écurie et de lâcher la MRA à ses trousses s’il ne coopérait avec lui. Il lui aurait aussi conseillé d’enlever ses trois partants de la journée du samedi 1er octobre car, selon JMLS, il se pourrait que cette journée n’ait pas lieu, sans en dire plus… Étrangement, cette journée du 1er octobre devait débuter avec du retard puisque la piste avait été sabotée avec des vis et des pièges en fil de fer, entre autres… Heureusement que les préposés du MTC avaient découvert les pièges avant que la journée ne débute, ce qui a évité un véritable carnage.

Cette affaire avait choqué les Mauriciens déjà sous le choc des misères faites à l’époque au MTC, puisqu’il constituait une tentative d’attentat contre le club bicentenaire, déjouée de justesse la veille du Maiden, qui est le symbole suprême de l’histoire des courses à Maurice et par là même du MTC. Jusqu’ici, à part de menus fretins, la police n’a toujours aucune piste sérieuse. L’impression générale qui s’est dégagée jusqu’ici est qu’il n’y avait pas une réelle volonté des autorités d’aller au bout de cette histoire.

Cette prémonition supposée n’est pas une preuve en soi de la connaissance de ce qui allait se passer ce fameux samedi 1er octobre 2022. Mais elle entretient le doute sur ce que nombreux pensaient tout bas à l’époque, mais qui n’a jamais été dit tout haut. La réponse à ce doute à nouveau instillé consistera à savoir qui sont les vrais auteurs, les vrais commanditaires et à qui aurait profité le crime s’il n’avait pas été déjoué à temps… pour laver tout soupçon sur des personnalités connues, dont certaines pointées du doigt à tort ou à raison.

Le retour à cet événement peu glorieux pour nos courses rappelle que la police a été incapable malgré son Safe City Network — qui a coûté plus d’une vingtaine de milliards de roupies — de retracer les coupables dans cette affaire, comme son incapacité de dénicher les assassins de Kaya Kistnen, pourtant le proche agent politique des candidats MSM au N°8. Et c’est cela qui prolonge les certitudes que lorsque les puissants du jour sont soupçonnés, les autorités policières et judiciaires sont impuissantes.

Ce témoignage de Vincent Allet dans un document légal contre Jean Michel Lee Shim n’est pas une preuve de délit, mais jette le doute. C’est en tout cas une nouvelle étape dans l’escalade des différends et la guerre des mots opposant les deux protagonistes avec, cette fois aussi, témoin à l’appui cité par l’une des parties.

Dans tous les cas, cette propension de la GRA à miner, punir ou détruire tout ce qui s’oppose à PTP et à JMLS est édifiant, comme l’est aussi son silence lorsque des propriétaires insultent des officiels et ne reçoivent que des remontrances ou des modiques amendes. Tout ce beau monde aura des comptes à rendre à la prochaine alternance, qu’elle soit dans l’année qui vient ou à d’autres plus lointaines, dans cinq ou dix ans… Il y a toujours un jugement dernier et chacun y paiera de son passage sur terre !

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