Qui a le temps ?

La 55e conférence de la Fédération internationale des autorités hippiques (IFHA), qui s’est tenue virtuellement en octobre dernier pour la deuxième année consécutive, pour cause de pandémie de Covid-19, a mis un accent appuyé sur l’évolution des courses mondiales et les défis futurs. Elle a été marquée par l’élection du nouveau président de l’IFHA, Winfried Engelbrecht-Bresges, qui, dans un hommage appuyé en prélude à cette conférence, a fait les éloges de son prédécesseur après le départ à la retraite de Louis Romanet : « Il ne fait aucun doute que sous la direction de Louis Romanet, la Fédération internationale a réalisé des progrès significatifs dans la réalisation de sa mission de véhicule pour mobiliser les efforts collectifs au profit du développement futur et de la prospérité des courses de pur-sang. »
Louis Romanet était un grand fan des courses mauriciennes et se faisait un plaisir d’assister aux regrettées inoubliables journées internationales qui concluaient en grande pompe les saisons hippiques mauriciennes dans un récent passé, mais qui ont été rayées de la carte depuis que l’État a mis son grain de sel, puis sa mainmise sur l’hippisme local à travers sa Gambling Regulatory Authority (GRA). L’absence du MTC, l’organisateur des courses, membre à part entière de cette association des autorités hippiques mondiales, et unique autorité hippique mauricienne reconnue par l’IFHA, à cette conférence virtuelle est une faute grave. Elle aurait pu avoir clamé sur cette plateforme internationale puissante ce véritable hold-up dont il est victime. Ce manque de vision, ce manque d’audace est un signe des temps.
S’il est vrai que lorsque se tenait à Paris cette conférence mondiale, les commissaires administratifs se faisaient du coude pour se rendre à ces journées de courses festives auréolées du fameux Prix de l’Arc de Triomphe, ces deux dernières années, l’intérêt s’était assombri par cet affrontement latent avec la GRA, qui s’est autoproclamée autorité hippique suite à des actes législatifs qui étendent ses tentacules quasi autocratiques à un maximum de secteurs d’activité liés aux courses pour une mainmise absolue et suprême. La prochaine Horse Racing Division (HRD), dans les faits, sera une succursale de la GRA malgré les assurances gouvernementales que le dernier-né des institutions publiques serait indépendante. Personne n’y a jamais vraiment cru… même pas eux !
Devant cette absence de résonance internationale et un renoncement local choquant des contre-pouvoirs — dont nombre ont lâchement cédé au chantage ou aux raisons bassement pécuniaires, ou encore pour trouver du travail pour un proche —, la réduction à sa plus simple expression du MTC était inéluctable, d’autant que les équipes dirigeantes du club bicentenaire qui se sont succédé ces derniers temps s’assuraient plus d’une retraite au soleil pour services rendus qu’à l’avenir des courses plus modernes et plus compétitives.
Certes, l’effet de la pandémie a assommé l’intérêt des vrais turfistes pour ces pseudo-courses qui se déroulent chaque week-end au Champ de Mars devant des gradins vides, mais les zougader, les money launderers, l’illegal betting ont, eux, connu leurs meilleures saisons à l’abri des regards indiscrets, avec la couverture des parrains, pardon, d’un parrain, qui truste aujourd’hui la grosse majorité des officines de paris et des volumes d’argent échangés à l’abri des regards des gardiens du temple devenus des complices pour voler légalement des victimes expiatoires et malgré elles consentantes.
Les courses mauriciennes, qui ont connu de grandes heures de gloire avec de grands champions, chevaux, jockeys et entraîneurs, se singularisent aujourd’hui par des déroulements d’épreuves d’un niveau médiocre, souvent sans enjeux, tant les différences de qualité de chevaux sautent aux yeux. Si quelques entraînements ont bien quelques cracks de classe achetés à prix d’or dans leur box, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils affrontent peu de concurrents à leur niveau. Au contraire, dans l’ensemble, il y a un recul dans la qualité des chevaux achetés ces derniers temps avec l’arrivée de nouveaux propriétaires (?) inconnus du bataillon hippique. Il y a là souvent une odeur de prête-noms de racegoers qui ont encore tout à apprendre pour devenir de véritables turfistes. Les courses mauriciennes sont frappées du syndrome de la descente aux enfers, où le gambling et le zoudagérisme se sont substitués à ce qui est encore ailleurs un sport de haut niveau, un loisir sain et un lien social fort entre turfistes de toutes origines.
La pandémie a sans doute accéléré le désintéressement à l’hippisme sain mauricien, mais son délitement trouve sa source dans ce qui est la mainmise de la mafia de la drogue et des mercenaires du betting illégal sur le milieu hippique. Cette donne s’est dessinée avec le renforcement de la lutte contre le money laundering dans les autres secteurs d’activité économiques du pays. En particulier les secteurs financiers et offshore qui sont sous la loupe des institutions internationales qui, malheureusement, s’intéressent encore trop peu aux secteurs hippiques et sportifs, qui sont un terrain de jeu par excellence de nettoyage de l’argent sale.
Faut-il s’étonner que les autorités politiques mauriciennes aient rejeté le cashless-betting après avoir montré un réel intérêt ? Faut-il s’étonner que les autorités financières montrent une lenteur complice pour installer un système électronique de contrôle de paris qui engloberait tous les acteurs et tous types de paris ? Faut-il s’étonner que ceux qui veillent sur les paris soient si inefficaces et n’attrapent dans leurs filets que de petits larbins sans intérêts ? Faut-il s’étonner que les plus grands mafieux des courses aient leurs entrées libres dans les places fortes de l’État censé les mettre hors d’état de nuire ? Non, on ne s’étonne plus de rien aujourd’hui, car les pouvoirs n’ont qu’un seul objectif : asseoir davantage leur mainmise systématique sur tout, sur le long terme afin d’accumuler des millions, des milliards pour assurer la retraite de leurs arrière-petits-enfants.
Devant cette étroitesse de vision et d’exploitation actuelle des courses mauriciennes devant lesquelles trop de personnes ont fermé leurs yeux, trop ont renoncé à leurs idéaux pour sauvegarder quelques privilèges, on en oublie comme évoqué lors de la 55e édition de la conférence des autorités hippiques internationales que l’hippisme mondial est confronté à d’autres menaces et défis qu’il faut tacler de front pour que le sport hippique sain puisse croître et prospérer. Les sujets d’intérêt incluent la numérisation et les médias, le bien-être équin et le changement climatique et la durabilité.
Devant le désintérêt qui gangrène l’hippisme mauricien et le sauve-qui-peut général dans ce qui est devenu la folie destructrice du MTC-MTCSL qui se poursuit avec le départ du Compliance Manager et le flou qui entoure l’affectation de l’enquêteur Hector Tuyau,
Qui a le temps d’avoir les réflexions sur l’avenir des courses qui ne se résument heureusement pas au simple betting ?
Qui a le temps d’examiner comment les courses doivent s’adapter et intégrer les nouvelles technologies et approches pour se connecter avec la prochaine génération adepte de TikTok ou d’Instagram et autres réseaux sociaux ?
Qui a le temps de s’intéresser sur le bien équin avec un accent particulier sur la nécessité d’une traçabilité complète de son parcours vétérinaire, et de son bien-être à la retraite dans un pays qui en abat chaque année une centaine qui ne trouvent pas preneurs pour une vie saine, une vie tout court après les courses, bien qu’ils aient fourni du bonheur à leurs propriétaires ?
Qui a le temps de réfléchir à la menace posée par le changement climatique sur les courses, la fragilisation et la vulnérabilité de la piste du Champ de Mars à la moindre pluie, au lieu le plus propice pour un nouvel hippodrome, l’hébergement adéquat des chevaux et l’importance de la durabilité ?
Qui a le temps de penser comment l’industrie hippique mauricienne peut faire face à cette menace du changement climatique et comment planifier l’adaptation des opérations au sport hippique pour travailler ensemble vers des émissions nettes de carbone zéro ?
Dans le sillage de la COP26, à ces questions fondamentales, le patron mondial des autorités hippiques, Winfried Engelbrecht-Bresges, pose avec clairvoyance qu’ « agir contre le changement climatique est une obligation et non un choix. »
Au moins là-bas, ils ont le temps de la réflexion !

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