Accusations et proposition

Le meeting du 1er-Mai est, en théorie, consacré au bilan du combat mené par les travailleurs pour faire reconnaître leurs droits. À Maurice, le 1er-Mai sert de prétexte aux partis politiques pour faire le procès de leurs adversaires, comme l’a démontré Pravind Jugnauth lundi dernier. L’essentiel de son intervention a été consacrée à critiquer et attaquer ses adversaires. Il les a accusés d’être « des corrompus, des voleurs et des fraudeurs, qui pratiquent le blanchiment d’argent » et d’être associés à la mafia des courses hippiques. Venant d’un Premier ministre qui a tout fait pour mettre fin aux activités du MTC afin de les offrir, sur un plateau, à quelqu’un qui a déjà déclaré qu’il est un des bailleurs de fonds du MSM, cela ne manque pas de piquant. Visiblement, le leader du MSM prend les Mauriciens pour des imbéciles. Mais Pravind Jugnauth ne se contente pas d’accuser, il joue aussi aux prophètes. Au cours du meeting de lundi dernier, il a déclaré, toujours à propos de l’opposition, accusée d’être associée à la mafia de la drogue, que « les masques vont tomber. » Quelques jours plus tard, un ex-garde du corps du leader du PTr, était interpellé par la Special Striking Team de la police, qui aurait découvert dans son sac un paquet de poudre blanche de dix kilos. Selon la police, cette poudre serait de l’héroïne valant quelque Rs 150 millions. En attendant que le laboratoire confirme la théorie de la police, on ne peut s’empêcher de penser à une récente affaire d’arrestation, ultra médiatisée, où, finalement, les tests en laboratoire ont établi que la poudre saisie n’était pas de la drogue. Personne ne dit que la police s’est encore une fois trompée, mais avec le précédent cité, il vaut mieux éviter d’annoncer des kilos de drogue avant les tests en laboratoire. Même si le Premier ministre avait quelque part déjà donné un aperçu de la bande-annonce du film au cours du meeting du 1er-Mai.
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Du côté de l’opposition, les négociations pour la concrétisation de l’alliance préélectorale continuent entre les trois grands partis. Du côté des plus petits, une proposition a été émise vendredi lors d’une émission radio. Nando Bodha, leader du Rassemblement Mauricien, a déclaré que pour conclure une alliance avec Roshi Bhadain, du Reform Party, il était disposé à partager avec lui le poste de Premier ministre. Le leader du Rassemblement Mauricien a fini par admettre publiquement son aspiration — d’autres disent son obsession — à devenir Premier ministre. Une aspiration qui repose sur une règle non écrite, mais respectée depuis l’indépendance : que le poste de Premier ministre doit revenir obligatoirement à un membre de la caste des Vaish. Depuis l’indépendance, en effet, ce poste n’a été occupé que par des Vaish : les Ramgoolam père et fils, et les Jugnauth père et fils, avec l’exception qui confirme la règle que fut Paul Bérenger, de 2003 à 2005. Depuis, les politiciens mauriciens sont revenus à la règle non écrite, ce qui explique que malgré ses deux cuisantes défaites électorales consécutives, Navin Ramgoolam sera présenté comme candidat au poste de Premier ministre de l’alliance en voie de concrétisation. C’est, on l’a répété sur tous les tons au sein du PTr, une condition non négociable. Condition à laquelle ont fini par se rallier les leaders du MMM et du PMSD, qui pensaient le contraire en 2020, quand ils ont rompu la première alliance rouge-bleu-mauve en raison de l’impopularité de Navin Ramgoolam.
Selon les mauvaises langues, c’est en raison de la promesse de Paul Bérenger de le présenter comme candidat au poste de Premier ministre que Nando Bodha a démissionné du MSM. Il savait que même s’il était un des disciples préférés de sir Anerood Jugnauth, il ne pourrait jamais concurrencer son fils pour la succession au poste de Premier ministre, dont il estime pourtant posséder toutes les qualités. Mais c’était mal connaître le leader du MMM et sa capacité à changer de stratégie, d’alliance et de candidat pour le poste de Premier ministre. Écarté des réunions des trois « grands » partis, dont il prenait connaissance des décisions par des conférences de presse, il finit par comprendre que son espoir était, comme on le dit si bien en kreol, « mor ant de ros » et commença par faire cavalier seul avant de se rallier à Linion Pep Morisien de Rama Valayden. Toujours dans la poursuite de son rêve, Nando Bodha s’est dit, vendredi dernier, disposé « à partager le poste de Premier ministre avec Roshi Bhadain » dans le cadre d’une alliance avec le RP. En faisant sa proposition, Nando Bodha semble avoir oublié un élément fondamental : on ne peut pas partager ce qu’on ne possède pas !

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