AMEENAH GURIB-FAKIM, candidate de l’Alliance Lepep au poste de première présidente de la République : «Je ne réponds pas aux bassesses du PM»

Ameenah Gurib-Fakim est la candidate de l’Alliance Lepep au poste de première présidente de la République. Cette candidature ne semble pas avoir plu au leader de l’alliance PTr-MMM, Navin Ramgoolam. Mercredi dernier à Phoenix, il a mis en doute les «compétences» du Professeur Gurib-Fakim, à qui nous sommes allés demander une réaction.
Ameenah Gurib-Fakim, pourquoi avez-vous accepté d’être présidente de la République si l’Aliance Lepep remportait les prochaines élections générales ?
Je suis arrivée où j’en suis, professionnellement, grâce au sacrifice de mes parents qui ont tout fait pour que leurs filles fassent des études. Je suis également là oùj’en suis grâce à Ramgoolam père qui, en instaurant l’éducation gratuite, m’a ouvert les portes du secondaire. Quand je suis revenue à Maurice à la fin des années 1980, après mes études universitaires, j’ai bénéficié des mesures prises par sir Anerood Jugnauth pour relancer l’économie du pays. Une alliance politique engagée dans les élections, l’Alliance Lepep, m’a proposé de devenir éventuellement présidente de la République et j’ai accepté, ce qui est une façon de rendre à mon pays ce qu’il a fait pour moi. C’est ma manière à moi d’afficher mon patriotisme. Mais j’ai bien précisé qu’il n’était pas question pour moi de faire de la politique active, partisane, car pour moi le poste de Président est apolitique;au-delà des partis politiques.
Vous n’êtes donc pas engagée dans la campagne électorale ?
Pas du tout ! Je ne suis pas mêlée de près ou de loin à la campagne électorale, et je n’ai fait aucune déclaration politique. Je pense que pour respecter la fonction présidentielle, il faut être et rester apolitique.
On a été un peu étonné que la proposition de faire de vous l’éventuelle première présidente de la République n’ait pas été saluée par les associations féminines et les mouvements qui militent pour la reconnaissance des droits de la femme
Depuis que j’ai accepté la proposition qui m’a été faite, j’ai rencontré beaucoup de personnes, aussi bien des hommes que des femmes. Elles m’ont dit avoir apprécié qu’on ait approché une personne apolitique pour le poste d’éventuel présidente de la République. Une personne qui a eu un parcours hors de la politique. Maintenant, en ce qui concerne les associations féminines, il faudrait aller leur poser directement la question. Je ne milite pas dans ce genre d’associations.
Vous n’êtes pas féministe ?
Je ne suis pas féministe dans le sens où certaines l’entendent. Je suis pour une forte représentativité féminine, surtout dans un pays où les femmes sont en majorité. Tous les pays qui ont adopté une politique donnant aux femmes la place qu’elles méritent dans la politique et dans tous les secteurs d’activité sont des pays qui ont fait des bonds en avant à tous les niveaux. Maintenant, est-ce que les associations féminines sont contentes qu’on ait proposé à une femme le poste de présidente de la République ? Il faudrait aller poser la question à leurs responsables.
En tant qu’observatrice, que pensez-vous de la campagne électorale en cours ?
Je pense à la campagne faite par l’équipe de Barack Obama en 2008. C’était une campagne technique, scientifique utilisanttous les outils de la communication moderne pour faire passer le message. J’étais au Brésil le mois dernier et j’ai eu l’occasion de suivre la campagne présidentielle. C’était une autre campagne moderne, alors qu’ici j’ai l’impression qu’on est restés figés dans le temps, dans le style de campagne électorale des années post indépendance. Je crois qu’il faut moins d’oriflammes et moins de meetings mais beaucoup plus de débats d’idées, sur des objectifs, des programmes, des propositions. Dans l’actuelle campagne électorale mauricienne, on est rapidement passés du débat aux attaques personnelles, dont j’ai été une des victimes.
En effet, le leader de l’alliance PTr-MMM vous a prise pour cible. À un meeting tenu à Phoenix mercredi soir, Navin Ramgoolam a faitla déclaration suivante : «Dan liniversité pann trouv li bon, aster li pou bon pou vinn prézidant répiblik ?»Votre réaction ?
Nous sommes en démocratie et Navin Ramgoolam, qui est également Premier ministre du pays, a droit à son opinion. Mais permettez-moi de rappeler que le même Premier ministre m’a décorée en 2008. Il m’a fait remettre le titre de Commandeur de l’ordre de The Star and the Key of The Indian Ocean (CSK) pour ma contribution dans les domaines de l’éducation et de la recherche scientifique. Si l’on se fie au jugement du Dr Ramgoolam, j’aurais régressé au niveau professionnel en six ans, à mois que, déjà à l’époque, il avait recommandé une incompétente pour une décoration nationale ! Si jamais je le rencontre un jour, je lui dirai la fameusephrase de Voltaire « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire. ». Cela étant, je ne reponds pas aux bassesses.
Avez-vous été blessée dêtre traitée d’incompétente ?
Je ne suis pas blessée et je ne suis pas une victime. Tout au long de ma carrière professionnelle, atypique à Maurice, j’ai appris à développer une carapace pour faire face aux attaques, pour qu’elles passent, comme on dit en kreol, kouma dilo lor bred sonz. Pour moi, ce qui estvital, c’est le temps et l’énergie qu’il faut mettre dans des choses positives, constructives. J’utilise le temps et l’énergie pour construire, pas pour détruire. Je mets tout ce qui ne relève pas de cet ordre de côté et je poursuis mon chemin car, comme dit un proverbe arabe, le chien aboie et la caravane passe.
Mais alors, pourquoi avez-vous accepté de répondre au commentaire de Navin Ramgoolam ?
Je ne lui réponds pas directement car, comme je vous l’ai déjà dit, je ne m’abaisse pas à répondre aux bassesses. Mais cela étant, nous vivons dans un village global et le commentaire en question a été publié sur internet. J’ai le devoir de m’expliquer, de mettre tout cela en perspective afin que les gens qui vont consulter internet sachent que j’ai réagi au commentaire. Un commentaire qui ne vient pas de n’importe qui mais du chef du gouvernement du pays. Je réponds pour que ma réaction soit enregistrée.
 Irez-vous voter pour l’alliance qui vous propose le poste de présidente de la République ?
En tout cas, j’irai voter. Car le vote est sacré, surtout pour les femmes qui ont dû se battre plus longtemps que les hommes pour l’obtenir. Mais je ne vous dirai pas pour qui, parce que c’est une question personnelle. Si vous le permettez, j’aimerais ajouter une chose concernant le commentaire du Premier ministre sur ma personne. Au moment même où Navin Ramgoolam s’interrogeait sur ma compétence à Phoenix, à Dakar au Sénégal, les chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie rendaient hommage aux femmes qui ont joué un rôle dans l’avancement de la cause féminine en Afrique. En toute modestie, et juste pour faire le parallèle, je signale que je fais partie des femmes à qui la Francophonie a rendu hommage.

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