Ameenah Gurib-Fakim : « Lorsque j’étais à la State House, j’ai créé cinq jardins (…) »

L’ancienne présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim, qui est avant tout une chimiste et botaniste de renommée internationale qui a consacré la majeure partie de sa vie à la recherche et aux plantes, a pris le temps de nous répondre. Après la parution de l’article sur l’état du jardin de Pamplemousses, la Dr Ameenah Gurib-Fakim a elle aussi vivement réagi sur Facebook, et c’est avec la même vivacité et la même ténacité qu’elle répond à nos questions.

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Vous avez réagi sur les réseaux sociaux à l’article publié sur l’état du jardin de Pamplemousses. En tant que citoyenne et botaniste, cette situation vous attriste-t-elle ?

Le Jardin botanique SSR a été créé il y a près de 300 ans et est devenu une référence dans l’hémisphère Sud. Les botanistes du monde entier reconnaissent ce jardin pour la biodiversité unique qui s’y trouve. Comme je l’ai déjà dit, l’archipel des Mascareignes fait partie des points chauds de la biodiversité mondiale où l’on trouve des plantes uniques. C’est un bijou qui ne s’apprécie pas. Le méconnaître par les collectivités locales est un problème, mais le répertorier parmi les attraits du secteur touristique en est un autre… car ce faisant, nous avons le devoir de veiller que le jardin soit dans un état digne de ce nom. Pourtant, au fil des ans, le jardin s’est détérioré rapidement par négligence, et c’est une honte.

Vous évoquez aussi, dans votre publication Facebook, d’autres jardins mauriciens laissés à l’abandon…

Vous n’avez qu’à vous rendre au Jardin botanique de Curepipe. Je ne sais pas combien de Mauriciens savent qu’il n’y a qu’un seul spécimen d’un palmier extrêmement rare qui y pousse. Récemment, des ouvriers ont été aperçus en train de brûler des feuilles séchées non loin de là ! L’état des bords de nos routes est déplorable… Il suffit de regarder l’état de nombreux ronds-points ! Les mauvaises herbes ont dépassé les rares plantes ornementales qui poussent à l’intérieur.

L’UNESCO a listé 35 sites, 35 jardins historiques. Pourquoi, selon vous, ces jardins historiques et patrimoniaux sont-ils traités de la sorte à Maurice ?

Il vaut mieux poser cette question aux autorités compétentes, car les Mauriciens se sont déjà exprimés sur cette question. De plus, au cours des dernières années, avec l’avènement du “métro” ainsi que des extensions de routes, il y a eu une ruée vers l’abattage d’autant d’arbres alors qu’ils auraient pu être déracinés et plantés ailleurs. Les outils existent. Vous savez qu’il faut en moyenne 20 ans ou plus pour qu’un arbre atteigne sa maturité et à l’ère du changement climatique, la plantation d’arbres est un must. De nombreuses grandes villes à travers le monde font exactement cela et connaissent une baisse des températures pendant les mois d’été. Il ne faut pas oublier que les arbres préviennent aussi l’érosion des sols. Le dernier massacre que j’ai vu c’est le village de Réduit avec les palmiers indigènes abattus pour faire place au… “métro” !

Et pourtant, ce jardin de Pamplemousses semble être devenu un haut lieu “sacré” où reposent les anciens dignitaires du pays. L’État devrait logiquement y accorder plus d’importance, non ?

Avant de devenir ce “lieu sacré” auquel vous faites référence, il était et restera un magnifique jardin botanique, dépositaire de plantes uniques appréciées de tous. Il peut devenir un lieu où chacun en apprend davantage sur notre biodiversité unique et ce qu’elle représente pour la science et comment elle sous-tend notre survie sur cette planète.

Lors de votre passage au château de Réduit, aviez-vous une considération particulière pour les plantes ?

Lorsque j’étais à la State House, j’ai créé cinq jardins dans son parc : cactus, médicinal, bambou, endémique, et une section réservée aux plantes endémiques de Rodrigues. Le jardin des plantes médicinales était accompagné d’un livre que j’avais édité quand j’y étais. J’espère que les plantes vont toujours bien.

Un appel à lancer aux autorités ?

Je n’ai rien à dire aux autorités, car ma philosophie qui a toujours été constante est qu’on laisse l’institution renforcée quand on la quitte…

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