Présenté le 24 janvier, près de trois longs mois après les élections générales du 7 novembre un jour de cyclone classe 2, il a fini par être rattrapé par le Covid-19
Les conditions du renvoi de la séance du 3 avril contestées par Paul Bérenger et Navin Ramgoolam
Ah, ce maudit Discours-Programme 2020-2024 ! Il a tellement été jalonné d’obstacles que les plus superstitieux et ceux qui, en ces jours de confinement, voient des signes du ciel dans tout ce qui passe dans ce pays, en arrivent à douter, comme l’opposition, de la victoire de Lalians Morisien.
Au-delà des croyances populaires sur le « mofine ou le « soy », il est quand même un fait indéniable que ce fameux discours-programme qui nous promettait des miracles, de l’intelligence artificielle à tous les étages, les 2.0 ici, les 4.0 par là, a, depuis sa conception, été jalonnée d’obstacles. C’est le 7 novembre 2019 que se tenaient les élections générales avec le résultat, dans quelques circonscriptions, tardif, le lendemain, 8 novembre. Une fois le Conseil des ministres constitué, c’est au discours-programme que s’attelle l’équipe déclarée comme victorieuse.
Ce qui devait être une affaire de quelques jours, quelques semaines avec la reconduction d’une équipe qui était déjà en place, quand bien même composée de nombre de néophytes, a duré près de trois mois. Son élaboration a été confiée à un comité ministériel présidé par le ministre Nando Bodha, devenu plus disponible après avoir été débarrassé, allégé même, de l’inconfortable maroquin des Infrastructures publiques, du métro et des accidents de la route. Ce comité, qui comprenait quelques autres ministres, notamment ceux qui se réclament de la culture militante, a mis 27 semaines pour accoucher d’un document qui, au final, s’est révélé en manque cruel de souffle et d’originalité. Il a, en plus, failli ne pas être présenté le jour fixé, le 24 janvier 2020.
C’était mal parti
L’île Maurice était sous les eaux et en plein classe 2 encore à 16 heures, lorsque la lecture du programme a été faite par le nouveau président de la République, Pradeep Roopun. Ce cyclone n’avait pas encore été baptisé et, hasard du calendrier ou manipulation horaire, le pays passait en classe 3 quelques heures après la présentation du document. C’était mal parti, disaient ceux qui croyaient dur comme fer que les dernières élections générales avaient été entachées de faits pas très réguliers.
Le débat lui-même a mal commencé. En voulant faire dans la nouveauté, c’est la députée corrective du N°18, Tania Diolle, la petite protégée d’Alan Ganoo, qui a été envoyée au front pour la présentation de la traditionnelle motion de remerciements au président, qui signe l’entame des débats sur les propositions contenues dans le programme.
L’intervention de la néophyte, qui devait faire date, a effectivement marqué les esprits. Mais pas pour les bonnes raisons. Entre Shakespeare et Rihanna, ce qui fait un grand voyage dans le temps et entre les genres, la députée, au ton polémique, a raté son entrée dans l’hémicycle. La manière de se tenir elle-même derrière le micro laissant à désirer.
Les débats se sont poursuivis les lundis et les vendredis, et pas les mardis pour ne pas avoir à subir les questions parlementaires de l’opposition et ils étaient même absents dès que le Premier ministre tournait le dos pour une mission à l’étranger. C’est ainsi qu’ils ont traîné en longueur et qu’ils ont néanmoins permis de faire dramatiquement chuter le bel enthousiasme qui avait accueilli ce qui était perçu comme un renouvellement réussi des effectifs.
De nombreux députés de la majorité, des débutants prétentieux et arrogants, qui se croyaient toujours en campagne électorale, des interventions mal articulées, au phrasé approximatif, bref, un désenchantement total qui a pu faire regretter à certains ceux de l’ancienne mandature qui s’étaient distingués par leur absence de maîtrise de l’anglais, du français et même du kreol. Le plus important semblait un concours de qui chanter plus et mieux à la gloire de « Pravind Kumar Jugnauth ». Jamais on a vu, un tel exercice indécent de cireurs de pompes.
Un suspense déplacé
Après quelques interventions de bonne facture des deux côtés de la Chambre, dont celle du leader du PMSD, Xavier Duval, les Mauriciens attendaient la fin des débats pour avoir du sérieux à se mettre sous la dent avec les interventions annoncées de Paul Bérenger, d’Ivan Collendavelloo, du leader de l’opposition, Arvin Boolell, avant lé résumé des débats par Tania Diolle.
Après la dernière séance du 20 mars, en pleine pandémie du coronavirus, c’est le vendredi 3 avril que devait se terminer, enfin, l’exercice du Discours-Programme. Or, après avoir tergiversé pendant que les cas de personnes contaminées progressaient sensiblement et que le confinement généralisé se prolongeait, pas d’ordre du jour trois jours avant la séance comme le veulent les Standing Orders. Un suspense déplacé.
Ce n’est que le 1er avril qu’un communiqué a été émis par le secrétariat de l’Assemblée nationale pour dire que les travaux étaient reportés sine die. Les conditions de ce renvoi sont très contestées par au moins deux leaders des partis de l’opposition. On ne sait pas si Arvin Boolell, qui est complètement mutique sur la question, a une fois de plus été consulté pour ce renvoi de la séance du vendredi 3 avril et s’il a donné son accord, mais Paul Bérenger et Navin Ramgoolam ne l’entendent pas de la même oreille.
Après avoir proposé qu’en prévision de la séance de vendredi tous les parlementaires qui sont assis très près les uns des autres, que le personnel du secrétariat et tout autre employé de l’Assemblée nationale soient testés au Covid-19 pour qu’ils ne se contaminent pas les uns les autres, Paul Bérenger a, dans un message posté sur sa page Facebook jeudi, opiné que rien dans les textes n’octroie la prérogative au Speaker de renvoyer l’Assemblée nationale.
Rappelant ce qui est prévu par la Constitution, le leader du MMM a dit que le Premier ministre dispose du pouvoir de demander au président de la République de proroger le Parlement, mais qu’une prorogation annule tous les textes, motions et l’existence même des comités parlementaires. Tout devient, dans les faits, caduc. Paul Bérenger a aussi regretté qu’avec ce renvoi, il n’y ait aucune possibilité pour les députés de poser des questions et réclamer les éclaircissements sur le coronavirus. Il a cité ce qui se passe dans des démocraties comme la France ou la Grande-Bretagne où, malgré le confinement, les Premiers ministres rendent des comptes à la nation.
Pour un comité de parlementaires
Il a, à cet effet, suggéré que, comme cela se fait ailleurs, un comité parlementaire soit constitué pour interpeller le gouvernement sur sa politique pour contenir la pandémie de coronavirus. Plus sévère, Navin Ramgoolam s’est hier exprimé sur ce renvoi sur les ondes d’une radio en parlant de « gaffe monumentale » et de décision « illégale » de la part de Sooroojdev Phokeer. Son interprétation des Standing Orders lui fait dire que le Speaker n’a pas le pouvoir de renvoyer le Parlement. Pour lui, c’est le Premier ministre qui aurait dû venir avec une motion proposant soit l’ajournement de la séance ou soit demander un renvoi. Jusqu’à ce qu’il avise le président de la République de la date du rappel de l’Assemblée nationale.
On ne sait pas quand vont reprendre les travaux parlementaires, mais une chose est sûre, c’est que ce serait d’un ridicule achevé que l’on poursuive, comme si de rien n’était, avec le discours-programme qui, désormais, semble dater d’un autre siècle tant les données nationales, régionales et internationales ont été chamboulées depuis le 24 janvier. Depuis que le Covid-19 est venu bousculer les certitudes et le confort…
Le communiqué du 1er avril
« Further to the coming into operation of the Curfew Order made by Dr the Honourable Minister of Health and Wellness under regulation 14 (1) of the Prevention and Mitigation of Infectious Disease (Coronavirus) Regulations 2020, published in the Government Gazette of Mauritius as General Notice No. 548 of 2020, whereby Dr the Honourable Minister of Health and Wellness is satisfied that it is necessary and expedient for the purpose of preventing the spread of the coronavirus, and directed that, subject to the curfew order published in the said General Notice, no person shall remain outdoors in Mauritius until 15 April 2020 at 8 p.m., the Speaker has, this day, given notice that the sitting of the Assembly scheduled for Friday 3 April 2020 at 3.00 p.m.stands postponed to such a day and at such a time, being a date and time as soon as reasonably practicable after the curfew order lapses, to be appointed as may be deemed appropriate with regard to the prevailing public health conditions, or earlier if the public interest so requires and the Assembly shall meet accordingly. »