BONNES QUESTIONS ET MAUVAISES REPONSES

L’affaire Angus Road est en train de se transformer en saga. Si depuis des semaines toutes les oppositions font feu de tout bois sur Pravind Jugnauth, il faut dire que le silence de ce dernier contribue pour beaucoup à alimenter la polémique. Un silence qu’il observe au Parlement, mais qu’il rompt à chaque fois qu’il en a l’occasion dans les nombreuses célébrations où il prend la parole. Des célébrations qu’il utilise surtout pour critiquer ses adversaires tout en répondant, un tout petit peu, aux attaques dont il fait l’objet.

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C’est ainsi que lors d’une cérémonie il a lancé qu’il était en train de rassembler ses papiers pour répondre aux attaques sur l’acquisition de sa propriété à Angus Road. Une petite phrase qui laisse perplexe, comme dirait l’autre.

Comme le commun des mortels, Pravind Jugnauth n’a-t-il pas, à portée de main, un dossier contenant tous les documents essentiels sur les acquisitions qu’il a pu faire ? Même si, comme tout citoyen raisonnable, il n’a pas le temps de constituer ce dossier, est-ce qu’il n’a pas quelqu’un qui s’occupe de ses affaires et qui est capable de regrouper tous les documents dont il peut avoir besoin, sans prendre des semaines pour les rassembler ? Et tandis que Pravind Jugnauth essaye de rassembler ses documents pour répondre à la question posée depuis des semaines, l’opposition rend publique une partie de ces documents : des reçus pour les paiements effectués en espèces pour l’acquisition de la propriété d’Angus Road !

A chaque fois qu’il en a l’occasion, Pravind Jugnauth se décrit comme un homme de principes. C’est l’expression qu’il a utilisée, entre autres, en deux occasions spécifiques. La première, c’est quand il a poussé à la démission l’ex-présidente de la République, en 2018, dans le cadre de l’affaire dite de la carte de crédit. La seconde, c’est quand il a révoqué manu militari Ivan Collendavelloo du poste de vice-Premier ministre dans le cadre de la Saint-Louis Gate, il y a quelques mois. Dans les deux cas, Pravind Jugnauth a proclamé que face aux soupçons il se devait, en homme de principes, d’agir. Or, et ses adversaires le soulignent aujourd’hui, dans les deux cas, aucune enquête n’avait encore été ouverte par les autorités mauriciennes, y compris l’ICAC, contre les deux personnalités précitées. Or, soulignent encore ses adversaires, Pravind Jugnauth explique son silence, que les membres de l’opposition qualifient de refus de répondre aux questions parlementaires, par le fait que l’ICAC a ouvert une enquête sur les allégations faites dans le cadre de son acquisition à Angus Road. Contradiction qui a donné l’occasion à l’ex-présidente de se demander si en ne répondant pas à la question, le Premier ministre ne se comporte pas comme s’il était au-dessus de la loi. L’autre victime des principes de Pravind Jugnauth, son ancien vice-Premier ministre, est lui aussi sorti de son silence pour pointer du doigt le fait que le Premier ministre ne pratique pas ce qu’il prêche, ne fait pas ce qu’il fait aux autres. Le titre de l’interview qu’il a accordée samedi à un de nos confrères se passe de tout commentaire : «Demandez à Pravind Jugnauth pourquoi il ne démissionne pas.»

Il y a les questions auxquelles on refuse de répondre en évoquant divers prétextes, mais il y a aussi les demandes légitimes auxquelles on refuse d’accéder et qui peuvent coûter politiquement très cher. C’est ainsi que la MBC, après avoir diffusé un reportage sur les squatters mettant en cause l’Église catholique, a refusé de lui accorder un droit de réponse. La direction de la MBC, qui se considère comme l’instrument du gouvernement, pensait sans doute qu’elle n’avait de compte à rendre à personne et que personne n’oserait contester sa décision. S’estimant lésée, l’Église catholique a déposé plainte auprès de l’IBA qui a été forcée de reconnaître qu’elle avait raison et a exigé que la MBC lui accorde un droit de réponse. Si la MBC avait accordé à l’Église catholique un droit de réponse à son reportage sur les squatters, le gouvernement aurait sans doute fait l’économie de l’homélie prononcée par le cardinal Piat pour la fête du Père Laval, en présence du Premier ministre. Une homélie que la MBC a été obligée de retransmettre en direct sur ses chaînes et qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux.

Comme quoi, le refus de répondre ou de permettre de s’expliquer peut se révéler politiquement contre-productif. Comme la majeure partie des coups de com concoctés par les stratèges autoproclamés — du PMO ou de la kwizinn — au service de Pravind Jugnauth.

 

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