Chronique d’une mainmise annoncée

Le gouvernement l’a emporté dans la bataille qui l’opposait, depuis des années, au Mauritius Turf Club à travers le Gambling Regulation Authority.

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Pour disposer du club bicentenaire, le gouvernement ne s’est épargné aucun effort et a utilisé toutes les armes à sa disposition dans cette bataille dont le but officiel est le contrôle de l’organisation des courses hippiques à Maurice.

On pourrait se demander si l’organisation des courses de chevaux doit être la priorité du gouvernement d’un pays qui a subi la pandémie sanitaire et qui doit faire face à une crise économique majeure ? Mais au vu des efforts et des moyens déployés pour remporter la bataille, la réponse à cette question que se posent de nombreux Mauriciens est oui. La preuve : une “autorité” a été créée pour réguler le jeu à Maurice et un des principaux conseillers du Premier ministre nommé pour la piloter. Une loi a été rédigée, présentée puis votée au Parlement avec une majorité qui a montré sa fonction première : celle de rubber stamp des textes proposés par le gouvernement. Mais comme le club montrait une volonté inattendue de résister pour préserver ce qu’il avait construit au fil des siècles, d’autres méthodes ont été employées.

Des membres susceptibles de soutenir la démarche gouvernementale ont été approchés et des promesses de se retrouver en bonne place dans la nouvelle organisation créée pour remplacer le vieux club ont été faites. Convaincus par la démarche, ils ont changé de position, fait des compromis — qui pour certains étaient des compromissions — et ont été à l’image du mythique cheval de l’Antiquité. Celui en bois que les Grecs firent entrer dans la ville de Troie pour la prendre par surprise.

La résistance ne faiblissant pas, des tracasseries administratives — allant de la menace de procès au contrôle fiscal — ont été utilisées. La bataille devenant plus âpre, les valeurs de la chevalerie — comme le courage, la loyauté ou la courtoisie — ont été abandonnées au profit des codes en vigueur chez les mafiosi, comme le chantage. Un président, dont la tête, le franc-parler et la supposée appartenance politique, ne plaisant pas aux “autorités”, a dû démissionner pour permettre à la paye mensuelle des employés du club d’être faite. Son successeur, dont la compétence est établie, a été récusé par les mêmes autorités parce qu’ayant une sensibilité politique opposée à celle du gouvernement. C’est la qu’on a découvert que le nombre de ceux qui étaient passés de l’autre côté avait augmenté puisque la direction du club — ou ce qui en restait — a accepté le diktat des “autorités” et “choisit” un troisième président désigné. En ce faisant, la direction du club bicentenaire a démontré qu’elle était devenue l’égale des députés de la majorité : un rubber stamp du gouvernement.

Elle pensait sans doute que cette ultime compromission allait permettre au club de continuer à organiser — en tant que partenaire minoritaire obéissant — les courses hippiques. Elle se trompait. Une semaine après avoir suivi à la lettre les instructions du PMO, la direction du MTC apprenait, par un communiqué, que le gouvernement avait décidé de lui retirer la gestion du Champ de Mars pour la confier à un nouveau corps paraétatique incorporé depuis quelques semaines et dont les membres officiels sont de hauts fonctionnaires qui ne semblent avoir aucune expérience dans l’organisation des courses hippiques.

Mais qu’est-ce qui a poussé Pravind Jugnauth à s’en prendre au Mauritius Turf Club, au point d’utiliser tous les moyens de l’État pour essayer de faire disparaître le club bicentenaire du Champ de Mars ? Est-ce une inimitié personnelle contre un ou des membres du club ou tout simplement la nécessité de récompenser un de ses plus importants bailleurs de fonds en lui offrant l’organisation des courses ? Comme les rois offraient autrefois une concession ou une récompense à un serviteur zélé. Mais est-ce que, comme cela se dit dans les milieux politiques avisés, l’expulsion du MTC du Champ de Mars fait partie d’une stratégie politique mise en place pour les prochaines élections ? Elle permettrait au leader du MSM de proclamer sur les estrades « Mo finn b… zot deor depi Senn Mars ! », avec ce qu’il faut de ces arrière-pensées communales que Pravind Jugnauth qualifie pudiquement de « réalités électorales du pays » ? Est-ce qu’il y a aussi dans cette mainmise une volonté de ne pas toucher aux paris clandestins, dont une partie alimente les caisses de certains partis politiques ?

Jean-Claude Antoine

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