COURT OF INVESTIGATION – NAUFRAGE DU WAKASHIO : Le ministère de l’Environement et la NCG épinglés dans un rapport

L’officier de surveillance de la NCG, le PC Ujoodha sous le feu de vives critiques

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La Court of Investigation, qui a été mise sur pied pour faire la lumière sur le naufrage, le 25 juillet 2020, du MV Wakashio, a repris mardi et mercredi après plusieurs semaines d’arrêt. Le capitaine Alan Stephen, Port Inspector à la Mauritius Ports Authority (MPA), qui a été le premier témoin appelé à la barre, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère dans ses dires. Il s’appuie sur l’extrait d’un rapport qu’il a rédigé pour justifier le fait que “la marée noire qui a souillé les côtes mauriciennes est la conséquence d’une absence de décision et de négligence de la part de la National Coast Guard et du ministère de l’Environnement.” Le premier officier de la NCG, le PC Ujoodha qui a témoigné jeudi, a essuyé des critiques de la part de l’ancien juge Abdurafeek Hamuth, et ses deux assesseurs, Johnny Lam Kai Leung et Jean-Mario Geneviève, qui lui imputenty une grande part de responsabilité dans le naufrage du vraquier.

Séance du mardi 18 mai
« Qui vérifiait le Système d’identification automatique ? »
«Manque de prévoyance, négligence et laxisme», ont été les maîtres mots lors de ces deux séances. Deux spécialistes maritimes, Alan Stephen et Dani Appave, et un ancien capitaine, Yves Goilo, ont déposé mardi. Comptant une trentaine d’années dans la marine, Alan Stephen a, dans son rapport de 84 pages, brossé un tableau complet des failles décelées après le naufrage. Selon lui, la marée noire a été causée par négligence et il pointe du doigt l’Etat, le ministère de l’Environnement et la NCG. «Les autorités étaient au courant de risques de déversements de pétrole, mais ont fait fi du danger que représentaient les 4000 tonnes de fioul à bord», soutient le capitaine qui ajoute que «la responsabilité de sauver ce qui pouvait encore l’être incombe au ministère de l’Environnement et non au ministère de la Navigation». Lors de cette séance qui s’est déroulée devant l’assistant-solliciteur général,

Me Rajkumar Baungally et le représentant du DPP, Ricky Bhookhun, Alan Stephen a blâmé les autorités de ne pas avoir «installé des bouées après le naufrage du MV Benita en juin 2016», après avoir, au préalable, estimé que l’usage des barrages (booms) pour éviter la propagation d’huile lourde n’était pas la solution. Le capitaine affirme, par ailleurs, que l’Etat est allé vite en besogne en se focalisant uniquement sur les instructions de l’équipe de sauvetage au sujet des risques de marée noire. «Cette équipe, dont l’expertise s’arrête au sauvetage des navires, aurait peut-être fourni des informations qui ne sont pas correctes», souligne-t-il.

Un extrait du rapport rédigé par Alan Stephen, a attiré l’attention de l’ancien juge Abdurafeek Hamuth et de ses deux assesseurs. Celui où le capitaine s’interroge sur l’officier de surveillance la NCG qui vérifiait le système d’identification automatique (SIA) au moment où le MV Wakashio accostait les côtes mauriciennes. Ce système d’échanges automatisés de messages par radio VHF permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic de connaître l’identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans la zone de navigation. «S’agissait-il d’un officier d’expérience? Vu que le capitaine du navire ne répondait pas au moment des faits», s’est demandé Alan Stephen. «Ça tombe bien puisque « l’officier Ujoodha de la NCG, qui était en charge ce jour-là, témoigne à la barre demain (mercredi)», a déclaré l’ancien juge Abdurafeek Hamuth.
Le spécialiste Dani Appave, qui a succédé à Alan Stephen à la barre, a fait ressortir que «l’entière responsabilité du drame, qui était tout à fait évitable, incombe à l’équipage». ll souligne aussi le manque de supervision des garde-côtes comme étant un des facteurs à l’origine du naufrage. L’ancien capitaine Dani Appave a quant à lui mis l’accent sur les conditions de travail de l’équipage et la pandémie qui a rendu la situation plus compliquée.

Séance du mercredi 19 mai
« Il me semble que vous avez échoué »
«J’étais le premier, à 19h10, à avoir averti les officiers du NCG, à Pointe-du-Diable, de la présence du navire à six milles nautiques des côtes», a soutenu l’officier de surveillance la NCG, le PC Ujoodha lors de son audition jeudi. L’assesseur Jean-Mario Geneviève lui a répondu: «Le MV Wakashio a été détecté pour la première fois à 18h05 par les radars de la garde-côte nationale, à Port-Louis, où vous étiez, ce jour-là, en charge de la vérification du système d’identification automatique. Je note également que c’est l’officier Sujeebhun qui a appelé le NCG en premier et non pas vous.» Ce à quoi le PC Ujoodha a répliqué que «le MV Wakashio n’était pas considéré comme une menace à 18h05, contrairement au moment où il s’est rapproché de nos côtes à 19h10.»

Ce qui lui a valu des remontrances de la part du président de la Court of Investigation, Abdurafeek Hamuth: «Il semble que vous ayez échoué dans votre tâche», dira l’ancien juge, sous le regard interloqué de l’officier qui n’était pas au bout de ses peines après avoir été confronté au feu roulant des questions d’Abdurafeek Hamuth sur la supervision des écrans de contrôle lorsque le navire s’approchait des côtes. «After the call I did not follow Wakashio on the screen because I was preparing rounds reports», a répondu l’officier. L’ancien juge lui a répliqué que «you washed your hands from the matter. You did not keep monitoring. You are admitting that you were negligent».Récapitulatif des précédentes séances

Le 19 janvier
Non-respect du passage plan
Le capitaine Avisa Coopen, Deputy, Director of Shipping, auquel a été confiée la responsabilité de mener l’enquête préliminaire, a insisté sur le fait qu’«il y a eu non-respect du passage plan qu’aurait dû suivre le navire en Indonésie, à l’île de Rondo et durant les cinq jours qui ont précédé le naufrage du MV Wakashio sur les récifs de Pointe d’Esny».

Le 20 janvier
Un capitaine décontenancé
Le capitaine Manu, patron de la NCG, a été incapable de répondre à une question du Marine Engineer Jean-Mario Géneviève au sujet du «seul appel qui a été enregistré à la NCG, sur les cinq effectués, à bord du MV Wakashio». Avare de détails, le capitaine Manu a évoqué l’éventualité qu’il y ait eu un problème technique.

Le 22 janvier
Pourquoi n’ont-ils pas jeté l’eau pompée à la mer ?
Lors de cette séance, Jean-Mario Geneviève a demandé à Euloido Espellago et Amisto Sarausos, deux ingénieurs du Wakashio, «la raison pour laquelle ils n’ont pas pompé l’eau infiltrée dans le navire et la jeter à la mer, comme il est autorisé en cas d’urgence, au lieu de la transférer dans un autre réservoir?» Euloido Espellago a répondu que «l’eau s’est mélangée à de l’huile lourde, ce qui aurait provoqué une pollution».
Cette réponse n’a pas convaincu Jean-Mario Geneviève qui souligne que «l’équipage aurait dû, compte tenu de la gravité de la situation, s’évertuer à ce que le navire ne prenne pas l’eau et ne sombre pas».

Le 23 janvier
La fête d’anniversaire
«Pour ma fête d’anniversaire, j’avais apporté deux bouteilles de whisky et une boîte contenant 24 cannettes de bière.» Telle est la version des faits du quatrième ingénieur du MV Wakashio, Joe Marc Monica, lors de cette quatrième séance qui s’est déroulée le lundi 29 janvier. Répondant aux questions de Me Rajkumar Baungally, le «birthday boy», comme l’appelle ce dernier, a souligné qu’il avait terminé son service à midi ce jour-là et que dans l’après-midi ses collègues ont organisé une fête pour lui dans la salle à manger.

Le 27 janvier
« J’aurais pu donner l’alerte »
Le jeune matelot Marc Martinez fait une révélation de taille, sur ce fatidique 25 juillet. «Le Chief Officer m’a informé que je pouvais me reposer ce jour-là et de ne pas effectuer de tour de garde dans l’après-midi. C’était quelques heures avant le naufrage. Je ne suis pas au courant si j’ai été remplacé ou pas», a déclaré le jeune matelot à qui incombe la responsabilité de faire le guet à l’aide de jumelles. A une question d’Abdurafeek Hamuth, il a répondu que «si j’avais été sur le pont ce soir-là, j’aurais pu donner l’alerte».

Le 4 février
“The Wakashio picked up the telephone network of Mauritius”
Le chef cuisinier philippin Jose Junior Gonzaga Carullo a révélé qu’il a reçu, le jour du naufrage, un message sur son smartphone aux alentours de 17 h 30. «I then realised that the MV Wakashio picked up the telephone network of Mauritius and was very close to the island», a-t-il dit. Ce qui étaye les témoignages de certains membres de l’équipage selon les quels, des instructions leur ont été données de se rapprocher le plus possible des côtes mauriciennes pour capter le réseau.

Le 8 février
« Le capitaine n’a pas respecté le plan de voyage initial »
«Le capitaine MV Wakashio, Sunil Kumar Nandeshwar n’a pas respecté le plan de voyage initial. Ses décisions constituent la cause principale du naufrage», a fait ressortir Subodha Janendra Tilakaratna, le Chief Officer et no 2 du capitain. Le Chief Officer a admis avoir menti dans une déposition officielle faite à la police selon laquelle le naufrage serait dû au mauvais temps. «J’ai menti à la demande du capitaine», souligne-t-il.

Le 16 février
La réplique du capitaine !
Le capitaine du navire, Sunil Kumar Nandeshwar (qui est toujours en détention à l’heure actuelle), a balayé les arguments mis en avant le 8 février par son no 2, Subodha Janendra Tilakaratna. Il jette le blâme sur Subodha Janendra Tilakaratna, «aux commandesle jour du naufrage», qui a, selon lui, «fait fi de mes instructions en se rapprochant trop près des côtes mauriciennes».

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