Pour se faire, elle s’adjoint le concours de spécialistes alliant savoir-faire agricole et passion pour l’écologie
Père J.M. Labour: « C’est notre contribution pour atténuer les effets de la crise sur les pauvres»
Alors que les conséquences socio-économiques de la crise Covid-19 se font déjà sentir, l’église catholique, par le biais de la Commission diocésaine Justice et Paix, lance un ambitieux projet de bioagriculture communautaire à l’intention particulière des plus démunis. Pour se faire, elle s’est adjoint le concours d’une équipe de spécialistes alliant à la fois savoir-faire agricole et passion pour l’écologie. En vue de l’aboutissement de ce projet, l’église compte aussi sur l’aide de l’état. Le vicaire-général, le père Jean-Maurice Labour, explique que ce projet est la contribution de l’institution religieuse aux efforts d’atténuation des effets de la crise sur les économiquement faibles.
Au commencement, il y a eu la lettre pastorale 2011 de l’évêque de Port-Louis, le cardinal Maurice Piat. Intitulé «Pour un art de vivre écologique», ce document était déjà une invitation à un nouveau mode de vie plus respectueux de l’environnement.
Le père Jean-Maurice Labour, vicaire général et aumônier de la Commission diocésaine Justice et Paix, explique à ce propos que suivant la publication de ce mandement de carême, le diocèse catholique devait joindre le geste à la parole.
«En vue de réduire son impact carbone et s’assurer une certaine autosuffisance en matière de production d’énergie électrique, l’église a d’abord pris l’initiative d’installer des panneaux photovoltaïques dans un certain nombre de ses établissements scolaires», indique le vicaire général. Et de poursuivre : «Parallèlement, nous avions aussi mis en chantier des projets de jardins endémiques et de potagers bio dans d’autres écoles».Puis, en 2015, le pape François faisait publier son encyclique Laudato Si.
Entièrement consacré à l’urgence écologique, le chef de l’église universelle appelle dans ce puissant document à forte dimension sociale à une conversion : celle de l’abandon du consumérisme exacerbé qui menace la planète pour un mode de consommation bien plus sobre et respectueux de l’environnement.
Le père Labour rappelle que la Commission diocésaine Justice et Paix a pour vocation de mettre en pratique tout l’enseignement social de l’église. C’est ainsi que, dit-il, ce mouvement a trouvé nécessaire de traduire concrètement dans les faits les recommandations contenues dans les deux documents.
D’où la conception du projet «Save Our Common Home» (SOCH). Une appellation qui sonne comme un clin d’œil au pape François, qui désigne la planète Terre dans son encyclique comme « notre maison commune ». Ce projet d’église, indique l’aumônier de Justice et Paix, vise à atteindre quatre objectifs dans les institutions scolaires catholiques ainsi que dans les communautés paroissiales. Ces quatre objectifs sont : (I) l’installation d’un maximum de panneaux photovoltaïques; (II) la promotion de la collecte des eaux de pluie à usage domestique; (III) le tri des déchets et (IV) aider à la promotion de la biodiversité des cultures en aménageant des jardins.
Frère Rémi et père Jauffret, les précurseurs
Le père Labour rappelle que, dans le passé, en matière d’initiation au travail de la terre, le frère Rémi Carosin et le père Robert Jauffret avaient déjà donné l’exemple. Le premier en tant qu’éducateur au Collège de La Confiance et le second avec ses jardins communautaires créés à Barkly et à Chebel durant les années 1980 du temps où il était curé de la paroisse du Sacré-Cœur à Beau-Bassin.
De nos jours, avec la crise Covid-19, une égale précarité menace les plus démunis comme au tout début des années 1980 quand le taux de chômage avait atteint un niveau record. Le vicaire général souligne aussi que la présente crise est venue mettre en exergue la grande nécessité de se garantir une autosuffisance alimentaire maximale.
Il y a aussi l’urgence écologique mondiale. «Mais l’écologie, c’est une question de passionnés», fait valoir à ce propos l’aumônier de Justice et Paix. C’est ainsi que pour cet ambitieux projet de bioagriculture communautaire, le mouvement d’église s’est adjoint les services d’un certain nombre de spécialistes alliant à la fois savoir-faire agricole et passion pour la chose écologique. Parmi ceux-là: Jean-Marie Sauzier, directeur d’Exotica et spécialite en horticulture, Pascal Laroulette, militant écologiste connu et apprécié et éric Mangar, agronome et farouche partisan de la culture bio. Selon ce qui est contemplé, il s’agira d’abord de mettre à contribution des parcelles de terre appartenant à des paroisses et qui sont, à ce jour, à l’abandon.
Des démarches vont aussi être entreprises en vue de prendre avantage des ressources disponibles au niveau du Covid-19 Solidarity Fund. L’idée est de garantir sur une période donnée une allocation à de petits artisans et autres « self-employed » menacés de chômage avec la crise Covid-19, notamment ceux opérant dans le tourisme.
Le père Labour explique que ces derniers seront formés comme il se doit aux techniques culturales et au travail de la terre. « Concrètement, ce sont eux qui seront appelés à planter. à la récolte, les produits seront revendus à des prix forfaitaires aux économiquement démunis. Pas question que ce soit, en effet, une ‘profit-making’ enterprise», indique le vicaire général.
Potagers, arbres fruitiers, élevage
à cet effet, ce dernier cite en exemple le projet existant de jardin communautaire au Relais d’Espérance de Caritas à Solitude. Le père Labour rappelle qu’il y a aussi, déjà, le jardin potager d’O’Connor de Caritas aux Casernes à Curepipe de même que le jardin du Thabor à Beau-Bassin.
Autant de structures existantes susceptibles d’être mises à contribution pour la fourniture, par exemple, de semis de plantes et autres plantules pour ce projet d’église. De même, laisse entendre l’aumônier de Justice et Paix, de l’aide matérielle sera aussi sollicitée d’institutions publiques et privées existantes.
En vue de parer au plus pressé, des bénéficiaires de semences et de plantules seront invités, dans l’immédiat, à s’adonner à du «backyard gardening» chez eux dans des bacs en cas d’absence d’espaces cultivables. Puis viendra, dans un deuxième temps, l’aménagement de biojardins potagers communautaires.
Outre des légumes, le père Labour pense aussi à la culture d’arbres fruitiers — fruit à pain, banane, papaye, entre autres, de même que des cultures de base comme la patate, le manioc ou le taro (arouille violet) . Le vicaire général qui, décidément, voit grand, songe même à un projet d’élevage.
Il caresse, à ce propos, l’idée de pouvoir conclure un accord avec les autorités de l’état pour qu’une parcelle de terre excentrée située au flanc de la montagne du Pouce à la lisière de la région de Tranquebar à Port-Louis soit mise à la disposition de l’église en vue d’un projet d’élevage intégré. « En ces temps de crise qui se manifeste déjà, l’église veut, par ce projet de bioagriculture communautaire, apporter sa pierre en vue d’un soutien aux plus faibles, particulièrement, toutes celles et ceux qui courent le risque de perdre leur emploi s’ils ne l’ont pas déjà perdu ».
Caritas, l’église, rappelle le père Labour, a une longue expertise éprouvée au service des plus pauvres. « Nous comptons sur l’aide des autorités pour ce nouveau projet». étant entendu, déclare le vicaire général, que pour toute aide reçue, l’état aura le droit tout à fait légitime de réclamer un inventaire. «Face aux conséquences socio-économiques de la crise Covid-19, il faut donner une raison d’espérer à tous ceux qui, autrement, courent le risque de sombrer dans la clochardisation », conclut le père Jean-Maurice Labour.