Dans une maison abandonnée sans électricité — Une mère élève ses enfants, dont un bébé, à la lueur des bougies

Guylaine, 35 ans, vit dans deux pièces insalubres d’une maison à l’abandon avec trois de ses sept enfants, dont un nourrisson. L’accès à l’eau potable est aléatoire. L’électricité a été coupée en novembre dernier. Depuis, ses deux petites filles sont privées du seul loisir que leur procurait la télévision. À la tombée de la nuit, la mère éclaire la maison avec une lampe rechargeable et s’occupe de son bébé à la lueur d’une bougie. Guylaine, qui rêve de vivre avec sa famille dans de meilleures conditions, subvient aux besoins basiques de ses enfants grâce aux aides sociales. 

- Publicité -

En novembre dernier, la connexion à l’électricité dans quelques foyers bénéficiaires d’aide sociale est interrompue. Ces maisons précaires sont des logements construits en urgence il y a plusieurs années dans les basses Plaines-Wilhems pour abriter des familles sans toit après le passage d’un cyclone. L’électricité leur était jusqu’à récemment fournie gratuitement. C’est la National Empowerment Foundation (NEF) qui prenait en charge les factures. Dans un souci de ne plus encourager l’assistanat, la NEF a mis un terme à ce soutien. La maison qu’occupe Guylaine (prénom modifié) ne fait pas partie de ces anciennes longères. Mais grâce à une connexion improvisée (le fameux système pran kouran kot enn vwasin), elle pouvait alimenter la sienne.

Pendant que Guylaine nous racontait son quotidien sans courant, une petite fille, enveloppée dans un peignoir rose, est apparue dans l’obscurité, debout entre les deux pièces de la maison. Il n’est pas loin de 20h. Il fait tellement sombre par endroit qu’on ne peut même pas voir une bassine posée sur le sol, où deux tortues se prélassent dans une eau sale. L’enfant, à peine âgée 5 ans, a profité d’un moment d’inattention de l’occupante des lieux pour entrer par la porte de derrière. S’approchant de Guylaine, elle attend le feu vert de la jeune femme, sans lui dire un mot. « C’est comme ça tous les soirs ! » dit Guylaine en lui donnant l’autorisation d’utiliser les toilettes insalubres de sa maison. Plus tôt, l’enfant l’avait interpellée à voix haute, de la rue. « Mo mama pe demande si mo kapav servi twalet », criait la fillette. Mais Guylaine, qui tenait son nourrisson dans les bras, lui avait répondu  par la négative.

Lasse, épuisée parce que tout va mal, dit-elle, Guylaine n’avait pas le courage de lui ouvrir la porte d’entrée. Il y a quelque temps, Guylaine avait puisé dans les allocations sociales qu’elle perçoit pour ses enfants afin d’acheter de la tôle et du bois pour barricader sa cour. « Quand j’étais à l’hôpital pour accoucher, on a essayé de forcer l’imposte de ma chambre. Sans les antivols on m’aurait cambriolée », raconte-t-elle. Avec la présence de la drogue synthétique, la sécurité n’est pas le point fort du quartier. La fillette, entre-temps, est passée par la porte de derrière pour entrer discrètement dans la maison. Il n’y a pas de sanitaires chez la petite. Ses parents utilisent ceux des voisins qui veulent bien les dépanner.

Chantage

Malgré les chantages financiers qu’exercerait la mère de l’enfant sur Guylaine, celle-ci dit ne pas être en mesure de lui priver d’accès à ses toilettes où il n’y a pas même pas d’eau courante. Un autre problème auquel est confrontée la mère de famille. Entre-temps, le bébé qui s’était endormi s’est réveillé et réclame un biberon. Guylaine allume une bougie. « Mo’nn aste enn pake nef tanto-la » dit-elle en s’asseyant à côté de la petite table dans sa chambre, où elle a déposé la bougie. Elle va allaiter son bébé à la lueur de celle-ci, comme elle le fait à chaque fois que l’obscurité envahit sa maison.

Cette maison, la mère de famille l’occupe depuis moins d’un an. Selon elle, ainsi que le voisinage, le propriétaire, qui n’avait pas d’héritiers, est décédé. À l’abandon, la maison de quatre pièces est compartimentée avant d’être squattée par un couple en situation de précarité. C’est une des occupantes des longères qui informe Guylaine, enceinte, de sa disponibilité. Mais ce geste ne sera pas gratuit. « Elle m’a réclamé Rs 4 000 », raconte Guylaine. Cette dernière, qui n’a connu que des échecs et situations d’instabilité depuis l’enfance, croit alors avoir trouvé un toit pour elle et ses deux filles. Sans maison et endettée, Guylaine s’empresse d’accepter la proposition de la femme. « Elle m’a dit qu’elle l’avait retapée. J’ai dû lui donner cet argent, car elle me harcelait », confie-t-elle.

Guylaine emménage ensuite dans ces deux pièces délabrées, sans fenêtre et y empile ses effets. Pour ce qui est de l’eau courante, elle arrive par un tuyau d’une connexion également improvisée. Mais Guylaine n’étant pas la seule à profiter de cet arrangement, l’eau ne lui parvient pas toujours. Mais quand il pleut, le toit se transforme en véritable passoire.

Pas de télévision

« Zour ti koup kouran, mo ti ena enn ti kas lor mwa. Mo’nn resi aste enn lalamp resarzab », explique la mère de famille. Une de ses amies a accepté de recharger la batterie tous les matins. Celle-ci, qui est placée entre les deux pièces de la maison, éclaire la famille à partir de 19h jusqu’à ce qu’elle s’éteigne tard dans la soirée. Toutefois, Guylaine doit aussi compter sur des bougies, surtout lorsqu’elle doit s’occuper de son dernier né. Depuis, ses filles sont privées de télévision, leur seul loisir. De retour de l’école, les devoirs sont faits rapidement avant la fin de l’après-midi, car sans ouvertures appropriées, la lumière du jour ne peut entrer dans la maison.

Bientôt, l’une des petites, qui est en Grade 6, prendra des leçons particulières. Guylaine concède qu’elle ne sait pas comment faire pour que sa fille puisse étudier dans de meilleures conditions. Depuis qu’elle n’a plus accès à l’électricité, le réfrigérateur et la bouilloire ne sont plus en service. Les deux fillettes prennent leur bain à l’eau froide. Pour Guylaine, cette situation n’est qu’une suite de ses malheurs. Négligée par ses parents, elle n’a jamais été scolarisée. Elle ne sait ni lire ni écrire. À 18 ans, quand elle a cru que le mariage lui apporterait la stabilité familiale, elle commençait une vie remplie de déceptions et de souffrances. Les hommes qui lui ont promis un foyer lui ont donné des enfants avant de disparaître de sa vie.

Après son accouchement, elle a souhaité une ligature des trompes. « Ase la ! » dit-elle en allaitant son bébé. Pendant qu’elle se confiait, la petite fille en peignoir rose s’en est allée, sans faire de bruit.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -