De jolis rayons

Heureusement qu’il y a, comme ça, de temps en temps, de jolis rayons qui percent pour nous rappeler que la lumière existe. Au milieu de la sinistrose et des nouvelles, chaque jour un peu plus sordides, il y a les belles prestations de nos athlètes du handisport et la remarquable performance de nos cyclistes qui ont décroché la médaille d’or, en relais mixte, aux championnats d’Afrique sur route qui se sont déroulés en Égypte, la deuxième après celle en argent obtenue par les filles au contre-la montre par équipe.

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Cela fait du bien de savoir que pendant que le ridicule et honteux asté-vandé se poursuit et que certains sont prêts à monnayer leur conscience contre quelques roupies sonnantes et trébuchantes, il y a des Mauriciens qui, par leur travail personnel et leur mérite propre et sans piston des puissants, sont capables de briller sur le plan continental et international.
Ce rayon de lumière est venu nous sortir de notre état de sidération devant des drames qui se multiplient. Qui choquent un jour, qui continuent à exaspérer le lendemain, et qui finissent par tomber dans l’oubli quelque temps après. En attendant le prochain drame…
Les cas de femmes succombant sous les coups de leurs conjoints ou proches atteignent des proportions inquiétantes. Quatre femmes tuées en quinze jours, entre le 7 et le 22 mars, c’est triste autant que révoltant. S’il n’est pas question de jeter le blâme sur les autorités, il est néanmoins permis de s’interroger sur l’efficacité des services publics.

Oui, il y a des tabous à Maurice. Oui, comme nous l’avons maintes fois écrit ici : il y a l’éducation des garçons à faire et même à refaire parce que certains d’entre eux ne savent pas gérer leurs émotions, n’acceptent pas d’être largués et qu’il y a ceux qui se considèrent comme les propriétaires des filles avec qui ils sortent et, qui, à la moindre contrariété et au premier accroc, peuvent commettre l’irréparable.

Nous avons personnellement été témoins de la grande rudesse de ton avec laquelle des jeunes hommes s’adressent à celles qui, pourtant, semblent être leurs petites amies. Comment des adolescents, de jeunes adultes peuvent-ils s’adresser ainsi aux filles? Qu’ont-il appris à la maison et à l’école? N’y a-t-il pas un autre moyen d’échanger et de dialoguer à part les injonctions et les ordres?

S’il faut apprendre aux garçons à maîtriser leurs émotions et à traiter les femmes et les autres avec respect, il est devenu aussi urgent d’insister auprès des femmes pour qu’elles dénoncent leur mari, concubin et petit ami à la première claque reçue. C’est souvent parce qu’il n’y pas de dénonciation que le conjoint violent pense qu’il a le droit de continuer à frapper, pour ensuite étrangler et, enfin, tuer.

Un fait assez troublant a émergé de deux des cas de féminicides récents. La petite enfant tuée par son grand-père n’était âgée que de 19 ans. Elle avait un enfant de quatre ans. Elle a, donc, accouché à 15 ans et probablement dans un service hospitalier public. Est-ce que son cas a été rapporté aux autorités? Elle tombait certainement sous le coup d’un cas de relations sexuelles avec mineur. Et quel suivi y a-t-il eu dans son cas?

Peut-être qu’un encadrement et un accompagnement au moment de devenir mère à 15 ans auraient pu l’aider à gérer un peu mieux son existence, au lieu de se retrouver dans la situation d’une personne démunie face à une bouche à nourrir à un âge aussi précoce, celui où la loi prévoit que l’on soit obligatoirement à l’école.

L’autre cas est celui de la jeune femme tuée cette semaine même, le jour du double féminicide. Elle avait 31 ans et un fils de 15 ans. Là aussi, elle semble avoir échappé aux radars. Explique-t-on dans nos écoles les multiples problèmes que la grossesse précoce pose?

Tout ce qui se passe en dit aussi beaucoup sur la faillite de l’éducation sexuelle dans nos établissements publics, un sujet toujours tabou, alors que les jeunes et même les très jeunes sont exposés au pire sur les réseaux sociaux. Et que leur appréciation des rapports intimes avec l’autre est complètement déformée.

On doit toujours commencer quelque part. Il y a maintenant des académies mixtes et cela se passe généralement très bien, les filles et les garçons apprenant dans des conditions correctes et en bonne intelligence, malgré la nouveauté de la situation. Un passage obligé à l’adolescence pour mieux vivre sa relation avec l’autre.

Mais les pédagogues alertent aussi sur la coupure devenue un peu ridicule de la mixité entre le primaire et le secondaire supérieur. Cette interruption dans l’apprentissage commun des filles et des garçons n’a plus sa raison d’être.

Le temps est venu pour que les écoles soient mixtes de la première classe à la dernière. Le cheminement commun à toutes les étapes de la scolarité est ce qu’il y a de plus sain pour l’épanouissement commun des filles et des garçons.

Lorsque tout aura été dit, il faudra un jour ou l’autre voir d’un peu plus près pourquoi l’île Maurice est devenue aussi violente? Pourquoi pour une simple peccadille, on est capable de tabasser son voisin jusqu’à lui ôter la vie, pourquoi le plus petit incident sur la route devient une affaire grave et que certains sont prêts à en venir aux mains pour régler leur différend?

Il faudra se pencher sur la part du vécu personnel, la condition sociale et de l’histoire familiale. C’est là où les accompagnants scolaires ont un rôle important à jouer pour identifier ceux qui sont dans des situations fragiles pour les écouter et les aider.
Ceux qui ont des responsabilités ont aussi le devoir de l’exemplarité. Certains ne se contentent plus de propos injurieux, ils se rendent aussi coupables de gestes violents en public. À l’instar de Bobby Hureeram.

L’auteur du désormais célèbre “si to piti torpa” adressé à Shakeel Mohamed n’a rien trouvé de mieux à faire que de balancer avec violence une copie de journal par terre lors d’une sortie publique à Pointe aux Sables, cette semaine. L’exemple vient d’en haut, aime-t-on répéter. Et quel exemple!

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