Derrière l’affiche

Pas de base militaire à Agaléga, a réitéré le Premier ministre, lors de sa toute première visite en cette île, à la fin de la semaine écoulée. Et il nous faut apparemment le croire sur parole ? Non, ce n’est tout simplement pas possible après ses volte-face.

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C’est ce même Pravind Jugnauth qui avait protesté auprès des autorités indiennes contre le projet métro du gouvernement de Navin Ramgoolam, pour ensuite s’empresser de faire démarrer et concrétiser le même projet, une fois installé à la Gouvernment House.

C’est bien lui qui avait entré un procès contre la nouvelle carte d’identité en 2013 qui, à peine 10 ans plus tard, lance un nouveau projet coûteux de carte avec encore plus de fonctionnalités numériques “dangereuses” que la précédente.

Et si on voulait revenir, comme le font si bien les “factcheckers” du net, dans un souci de démasquer l’hypocrisie des uns et des autres, on pourrait aussi se rappeler les propos du leader du MSM sur Somduth Dultumun et ses “compétences” en services bancaires, lui qui, apparemment en tant qu’apporteur d’affaires, s’est retrouvé directeur d’une nouvelle banque, le Patronus.

Alors, autant dire que la parole du chef du gouvernement est à prendre avec les précautions d’usage. Pas de base militaire au sens traditionnel du terme, peut-être, mais Agaléga a manifestement tout d’un point de chute stratégique pour la marine indienne avec ses bateaux et ses avions de patrouille et de reconnaissance. 

Quel aurait été l’intérêt d’un gouvernement étranger de construire à si grands frais un quai en eau profonde et une piste d’atterrissage de trois kilomètres et de grands hangars, précisément à Agaléga, si cela ne lui était pas indispensable dans son ambition d’être le principal acteur de cette partie du monde ?

Le but non-avoué mais réel étant de contrer l’influence chinoise qui n’a cessé de croître, ces dernières années. Les derniers développements politiques aux Maldives, qui ont vu l’arrivée aux affaires des pro-Chinois aux dépens des pro-Indiens, avec des positions de plus en plus hostiles entre les deux camps, est l’illustration la plus éloquente de cette guerre de présence et d’influence qui se joue dans la région de l’océan Indien et de l’Afrique australe.

Qu’est-ce qui peut justifier le déploiement de ressources financières et logistiques aussi conséquents sur un territoire qui n’abrite que 350 personnes ? Le désir altruiste de voir se développer un archipel retiré ? Alors même que les vols commerciaux ne sont pas pour demain et que, si la fréquence du va-et-vient entre Maurice et Agaléga est appelée à s’améliorer, ce sera essentiellement par voie maritime avec le nouveau quai et la mise en service du Peros Banhos.

Non, il y a bien plus derrière cette générosité. Il y a définitivement plus que la campagne de communication de ces derniers jours. Si, ici, on ne peut que se fier aux déclarations officielles, en l’absence de la publication de l’accord conclu entre l’Inde et Maurice, la presse de la Grande Péninsule, bien renseignée, ne cache pas les vrais desseins du gouvernement de Narendra Modi.

Et si la République de Maurice avait vraiment le sens des priorités, elle aurait pu faire d’une pierre deux coups avec l’aide de la Grande Péninsule. Comme agrandir, d’abord, Plaine Corail pour que Rodrigues puisse accueillir de gros porteurs et ainsi faciliter l’accès des touristes à cette destination très prisée de ceux qui en ont assez du bétonnage à outrance et des dégâts écologiques qui enlaidissent le produit mauricien, et doter Agaléga d’un meilleur système d’accès tant maritime qu’aérien.

Une autre question qui taraude autant les Agaléens que les Mauriciens, c’est pourquoi les autorités mauriciennes n’ont pas profité de ces deux grands chantiers que sont le port et l’aéroport pour construire en parallèle des maisons pour les Agaléens ?

Le PM a prétendu que c’est en raison de la difficulté d’approvisionnement en matériaux que ce projet n’a pu aboutir jusqu’ici. Mais les matériaux lourds et autres agrégats sont bien arrivés à Agaléga et, facilement et rapidement, avec ça, pour les projets qu’il a inaugurés il y a quelques jours.

C’est quand même étrange que le développement infrastructurel et social ne se soit pas déroulé en concomitance ! Une économie d’échelle, de ressources et de temps aurait été réalisé. Mais non. À moins que certains aient anticipé une psychose dans la petite population agaléenne devant tant de constructions et qu’elle aurait pris le parti de déguerpir et de laisser le champ libre à la constructrice occupante.

Qui peut empêcher des imaginations débordantes et fertiles d’échafauder de telles hypothèses lorsque tout n’est pas dit ni mis sur la table pour que tout le monde soit fixé, une fois pour toutes, Agaléga n’étant la propriété ni du MSM ni de Pravind Jugnauth.

En attendant que l’avenir prenne soin de rétablir la vérité sur le dossier Agaléga, il faut dénoncer un autre affichage, tout aussi trompeur lui aussi. Dimanche dernier, se tenait au SVICC à Pailles, la Journée Internationale des droits des Femmes. Une activité officielle financée par l’argent des contribuables qui est systématiquement récupérée et transformée en plate-forme partisane à la gloire du PM.

Le 8 mars est dévoyé et son sens profond, corrompu. Un discours politique et partisan du leader du MSM, des clubs du 3e âge mobilisés à travers l’île dont les membres ont été invités à tenir des pancartes avec des déclarations d’amour à Pravind Jugnauth confectionnées au Sun Trust, voilà le programme !

Et pendant que l’on faisait semblant de célébrer la femme, une conseillère de district était dans le viseur de la machinerie implacable du MSM. Elle s’est retrouvée sous le coup d’une tentative de révocation, déjouée par la justice, parce qu’elle a osé projeter de se marier avec le président du Conseil, qui lui est apparenté travailliste.

Voilà le grand respect des femmes dont se gargarisent les dirigeants. Ils vont jusqu’à décider qui convole avec qui. L’hypocrisie est vraiment sans limite.

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