Des prétextes fallacieux

Si ce n’était pas encore un coup de canif porté à la démocratie, on aurait franchement rigolé des prétextes fallacieux mis en avant par les intervenants de la majorité pour justifier le troisième renvoi des élections municipales mardi soir à l’Assemblée nationale. Encore une nuit des longs couteaux pour ce texte infâme voté aux petites heures et évidemment vite approuvé par la marionnette du MSM qui fait office de président de la République.

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C’est parce qu’il veut réformer l’administration régionale que le gouvernement a de nouveau privé les élections des villes de leur droit sacré de choisir leurs représentants. Vraiment ? À la veille de l’échéance régionale et à quelques mois des générales, ce gouvernement centralisateur serait prêt à céder certaines de ses prérogatives aux élus locaux ? Il n’y a personne pour croire à de telles sornettes.

Si le désir de réforme était sincère et réel, pourquoi ne s’est-il pas exprimé bien plus tôt ? Pravind Jugnauth était au gouvernement entre 2000 et 2005, mandat au cours duquel fut discuté et approuvé un projet de municipalisation de toute l’île, avec ce que cela comprend d’autonomie pour les collectivités locales. C’était dans l’esprit de la dévolution des pouvoirs comme cela s’était passé à Rodrigues en 2001. Revenu au pouvoir en 2010 grâce au PTr, qui l’avait porté à la partielle de 2009, pourquoi n’a-t-il pas repris ce projet de municipalisation ? Il peut dire que les rouges l’en ont empêché et qu’il n’a pas fait long feu au sein de ce gouvernement PTr-MSM-PMSD en raison de l’affaire MedPoint. Mais pourquoi n’a-t-il pas enclenché cette réforme depuis 2015 ?

L’autre argument brandi pour tenter de justifier le report à 2025 des élections municipales est que cela coûte de l’argent. Depuis quand la démocratie a-t-elle un prix ? Ce gouvernement qui dilapide les caisses publiques, qui se fait taper, avec une rare sévérité, sur les doigts pour sa propension au gaspillage et à la corruption par le directeur de l’Audit et par le Public Accounts Committee, qui a jeté des milliards dans l’affaire Betamax et BAI, suivant des décisions mal inspirées, qui est capable de donner 25% du coût du projet aux constructeurs de ses logements sociaux, se serait subitement converti à la discipline fiscale et économique ? Qui va gober une telle explication bancale ?

Paul Bérenger a eu tout à fait raison de dire depuis samedi dernier que, s’il n’y avait pas eu, en 1982, l’amendement constitutionnel qui rend quasi impossible le renvoi des élections générales, les petits dictateurs qui nous gouvernent auraient aussi allègrement repoussé l’échéance nationale. Pourquoi pas, avec la promesse d’une réforme électorale et de l’organisation simultanée du scrutin général et régional ? Ou alors qu’il y aurait trop de punaises dans les salles de classe qui servent de centres de vote ! Ou même que le Premier ministre n’a pas encore fini de compter les comprimés qui se trouvent dans le coffre de Navin Ramgoolam !

Une chose est sûre, c’est que l’histoire retiendra que ce gouvernement n’a pas introduit le moindre texte qui élargit l’espace démocratique. La Freedom of Information Act enterrée, pour des raisons tout aussi risibles que ce qui a été mis en avant pour renvoyer les municipales, les libertés sont restreintes, les arrestations arbitraires se multiplient, toutes les institutions sans exception ont été noyautées par des agents politiques et des proches de Lakwizinn et, véritable vitrine de cette dérive autocratique, cette infecte MBC.

Fort heureusement qu’il y a de temps en temps des cales placées dans les convois engagés dans cette folle expédition liberticide. En une semaine, le judiciaire a administré une double claque aux pantins que le chef du MSM a nommé à la tête de la police, de la police parallèle et en roue libre, et à l’ICAC. C’est la même magistrate, Bibi Azna Bholah, qui a été à la manœuvre pour mettre un frein aux dysfonctionnements caractérisés de la police et de l’ICAC. Mardi, elle a rayé les charges provisoires qui pesaient sur Rama Valayden en retenant le point de vue exprimé par le représentant du bureau du Directeur des Poursuites publiques à l’effet qu’il y ait une certaine réserve à commenter des enquêtes en cours.

Et, plus fondamental, le DPP a suggéré au commissaire de police à ne pas recourir immédiatement et invariablement aux charges provisoires, mais de rechercher au préalable un avis légal du DPP « which is constitutionally mandated to decide in all criminal proceedings ». Premier « striking blow » sur les doigts pour la police et sa « striking team ». Ce n’était pas fini. Le DPP a aussi statué qu’il n’était pas nécéssaire, à ce stade de l’enquête sur le cas de « perverting the course of justice » visant Rama Valayden de loger des charges provisoires, dont l’absence ne peut, en aucun cas, porter préjudice à l’exercice d’investigation en cours. Pour conclure ce rappel à l’ordre poli mais ferme, le DPP a enjoint la police à compléter son enquête et de référer ensuite le dossier à son bureau pour qu’il décide « on the basis of sufficient evidence and the public interest ». Second coup de semonce.

Jeudi, c’était au tour de l’ICAC de se faire rabattre le caquet dans l’affaire Monulpiravir. La magistrate Bibi Azna Bholah a rayé les charges qui pesaient sur Brijendrasingh Naeck non sans avoir accusé les enquêteurs de la commission de s’être embarqués dans une « fishing expedition » et d’avoir épargné ceux qui se trouvent à l’échelon décisionnaire supérieur. Oui, sur la tête du Chief Pharmacist Naeck, il y avait la Permanent Secretary Dalida Allagapen, la sœur du ministre Alan Ganoo qui, au lendemain de l’éclatement de l’affaire du comprimé dont le prix s’était multiplié par dix, suivant une Private Notice Question de Xavier Duval, avait vite fait de prendre sa retraite. La cour a, en quelque sorte, statué que l’ICAC « get finir ». Ce n’est pas une nouvelle, mais lorsque c’est la justice elle-même qui le dit, l’argument n’en a que plus de poids !

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