Des rapports

Fallait-il nommer une commission d’enquête, qui a siégé pendant plus de trois ans, pour découvrir que la justification de l’ex-présidente de la République selon laquelle elle avait utilisé 62 fois une carte bancaire par inadvertance était, pour le moins, risible ? Et qui plus est, elle a répété 62 fois la même erreur par inadvertance pour acheter des bijoux, des chaussures et du maquillage. Cette tentative d’explication ridicule avait été soulignée par la presse alors que pleuvaient les menaces de procès pour viol de secret bancaire et de tentatives antipatriotiques pour faire fuir les investisseurs étrangers. C’est à cette même période que le vice-Premier ministre Collendavelloo affirma, le plus sérieusement du monde, qu’il lui avait suffi de regarder Alvaro Sobrinho dans les yeux pour déterminer qu’il était un honnête homme qui n’avait rien à se reprocher. J’espère que, depuis, le leader du Muvman Liberater aura eu le temps de consulter un ophtalmologiste. Surtout après les accusations qui ont plu sur le sieur Sobrinho, pour qui, le gouvernement avait déroulé le tapis rouge, ouvert les salons VIP de l’aéroport, organisé des dîners présidentiels et facilité ses démarches auprès des institutions chargées de faire respecter les règles de bonne gouvernance dans le secteur financier. C’est sans doute en raison du traitement de faveur accordé par le gouvernement au sieur Sobrinho que quelque smois plus tard, Maurice se retrouvera sur plusieurs listes allant du gris au noir.

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Ce qui choque dans la publication du rapport de la commission d’enquête sur l’ex-présidente, ce ne sont pas tant ses conclusions que l’utilisation qu’en a fait Pravind Jugnauth. De son propre aveu, le rapport lui est parvenu le 2 septembre, mais ce n’est que quatorze jours plus tard qu’il l’a rendu public lors d’une de ces conférences de presse mise en accusation qu’il semble affectionner. Il ne s’est pas contenté de rendre public le rapport, mais il l’a surtout présenté comme un acte d’accusation doublé d’un jugement, précédant une condamnation. Le ton du Premier ministre ressemblait tellement à celui d’un juge lisant une sentence que certains téléspectateurs ont cru que l’ex-présidente allait être arrêtée et incarcérée sur-le-champ. N’importe quel homme de loi vous le dira : les conclusions d’une commission d’enquête ne sont pas des preuves qui peuvent mener à une condamnation. Ces conclusions doivent faire l’objet d’une enquête, dont les conclusions seront soumises au DPP, qui décidera s’il y a matière à poursuite. Avant ça, il y a la possibilité que l’ex-présidente de la République demande une judicial review des conclusions. Mais on le sait, Pravind Jugnauth aime mettre la charrue avant les bœufs et a l’accusation et la condamnation facile. Souvenez-vous d’Ivan Collendavelloo révoqué comme vice-Premier ministre sur la foi d’un rapport — un autre ! — jamais rendu public sur l’affaire St Louis. Plus de deux ans après, on attend toujours les conclusions de l’enquête, mais selon le révoqué dans une récente déclaration, « il n’y aura aucune suite à l’affaire St Louis. » Quid du fameux rapport qui lui avait valu sa révocation ? Plus récemment, il y a eu la déclaration du Premier ministre et responsable de la police commentant une enquête en cours et se félicitant de l’arrestation d’un avocat qui « ti lor mo radar ! »

Le problème avec les conférences/accusations de Pravind Jugnauth, c’est qu’il se trompe de registre — son radar ne doit pas être performant ! — et que, plus il essaye d’enfoncer quelqu’un, moins on le croit. On a pu le constater tout récemment avec l’affaire Sherry Singh. Du coup, son cinéma de vendredi dernier n’a pas vraiment desservi l’ex-présidente. Il lui aura donné la possibilité de se défendre, d’attaquer et de souligner certains détails gênants de cette affaire. Comme la lettre anonyme — rédigée par un super conseiller du PMO — sur laquelle le Premier ministre s’était basé pour demander l’ouverture d’une enquête sur l’ex-présidente. Le Premier ministre a affirmé que l’affaire de la carte bancaire utilisée 62 fois par inadvertance par l’ex-présidente avait écorné l’image du pays à l’étranger. Il a raison. Mais il n’est pas sûr que ses conférences de presse/accusations donnent meilleure image de Maurice. Elles donnent l’image d’une République avec un Premier ministre qui ne respecte pas les règles de la démocratie et de la bonne gouvernance, et utilise l’appareil d’État pour tenter de régler ses comptes politiques.

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