Dévaluations

Pravind Jugnauth et les inaugurations. Après un arrêt d’autobus à Réduit, un sub-hall à Petit-Verger, une piste synthétique inesthétique dans la région de Gymkhana, qui est désormais une source d’inconvénients — parce que les “batère boule” qui le fréquentent les week-ends ne sont pas du coin, plutôt venus de loin, ont décidé de se garer sur la route et même sur les arrêts d’autobus — et comme si tout cela ne relevait pas assez d’une énorme incongruité, maintenant, c’est une grotte de la Vierge, le jour de l’Assomption.

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A Providence. Au nom décidément inspirant. Une grande première pour le jour d’une fête chrétienne et loin de la tradition établie selon laquelle les politiques restent loin des célébrations et ne sont présents qu’à titre d’invités. Lorsqu’il y a un nouveau lieu de culte chrétien à lancer, il y a toujours un prêtre qui offi cie, qui dit quelques mots et qui fait une petite prière. Et puis tout le monde s’en va. Il y a le temps du recueillement et il y a le temps de la récupération politique. La particularité de ce 15 août 2018, c’est probablement l’oeuvre d’un agent zélé qui aura probablement bénéfi cié d’un “soutien” pour construire sa “grotte”. C’est lui qui doit être derrière cette initiative de la participation du Premier ministre et député de la circonscription et qui, pour la première fois, a donné la parole à un politique pour s’affi cher, avec la télévision publique en relais appuyé. Fidèle à sa vocation religieuse de paillasson. Pravind Jugnauth doit cesser de dévaluer la fonction de Premier ministre.

On peut, en effet, comprendre que, faute de légitimité populaire, il veuille se faire voir partout, surtout dans sa circonscription, mais un chef de gouvernement qui respecte sa fonction, qui regarde avec une certaine hauteur la charge dont il est investi, s’attelle avant tout à régler les problèmes nationaux. Ce qui n’exclut pas un besoin d’être au plus proche des gens. Mais, de grâce, pas ces exercices de com, bon marché, voyeurs et ridicules surtout lorsque les images d’un chef de gouvernement enfourchant un appareil de musculation défi lent en longueur sur la MBC, décidément, très friande de caricatures. Le Premier ministre qu’elle fi lme ressemblant à ses gosses qui affi chent cette expression ébaubie devant leurs nouveaux jouets le matin de Noël. C’est pour rester dans le registre des comportements déplacés qu’on ne peut pas passer sous silence le fait que Navin Rammgoolam se soit si facilement laissé prendre, vendredi, au jeu des questions politiques après avoir participé à un exercice qui se voulait très solennel : la signature de livres de condoléances à la haute commission indienne suivant le décès de l’ancien Premier ministre

Atal Bihari Vajpayee. Ce n’était ni le lieu ni le moment de parler de “task force” et des secousses qui frappent la State Bank. Il y a un temps pour les thèmes de la petite politique mauricienne et celui du deuil. Le moment était mal choisi. Le leader du PTr aurait pu saisir une autre occasion pour commenter l’actualité. Prendre son téléphone et appeler les rédactions, organiser une conférence de presse: ce ne sont pas les avenues de communication qui manquent aux leaders politiques. C’est parce qu’il y a toutes ces entorses d’en haut que ceux qui se trouvent plus loin ou plus bas dans l’échelle des responsabilités ne respectent, eux non plus, pratiquement plus rien. La police fait plus l’actualité pour ses propres dérives que pour ses réalisations en matière de maintien de l’ordre et de la sécurité publique. L’uniforme est aujourd’hui complètement dévalué. Lorsqu’un haut gradé de la police se transforme en gardien du Sun Trust, il y a de quoi être révolté. Ce qui est plus grave, c’est qu’il semble considérer n’avoir rien fait de mal, son souci premier étant de se faire bien voir de ceux qui l’ont fait grimper dans la hiérarchie. Une espèce de renvoi d’ascenseur.

C’est ce climat de copinage malsain, ce sentiment qu’il y a des lois exceptionnelles pour des citoyens qui vivent de passe-droits, de favoritisme au quotidien et d’amnistie permanente qui sont appliqués à ceux qui appartiennent, pour le moment, au bon versant politique, qui explique les dérapages que l’on constate, par exemple, sur les routes. Elles sont devenues une jungle où chacun s’arme comme il peut pour régler ses comptes avec ceux qu’ils croisent. Ça va mal se terminer un de ces jours sur nos routes. Et la police portera une grave responsabilité si cela dégénère, parce que sa priorité est avant tout de faciliter les cortèges VIP plutôt que de réguler intelligemment le trafi c et traquer ceux qui commettent même le plus petit délit routier.

Qui n’a pas été étonné de constater que l’automobiliste, le cycliste ou le piéton qui commettent une infraction au Code de la route sous le nez d’un agent de la circulation, qui les laisse passer tranquillement leurs chemins ? C’est ainsi que chacun prend la loi entre ses mains et que tout un chacun se met à régler ses comptes sur la voie publique. Mais devant toute cette dégénérescence qui n’épargne plus rien, il est des jours où même des confrères peuvent faire rire ou, à bien voir, pleurer. N’a-t-on pas entendu sur une radio, hier matin, un animateur nous annoncer, sur un ton des plus sérieux, que ce “gouvernement a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille depuis 2014”.

C’est probablement pour cela qu’on a des accusés de corruption qui trônent toujours au PMO, un chapelet de scandales dénichés, non pas par les agences qui sont grassement payées pour le faire, mais par la presse et qu’on a eu, depuis bientôt quatre ans, pléthore de lois pour traquer les voleurs, les blanchisseurs patentés et que la Declaration of Assets a été considérablement renforcée… Qu’on se le dise, la dévaluation, c’est à tous les niveaux.

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