Enjeu — Politique et diplomatie—Le Mozambique, une bouée pour Collendavelloo

L’approvisionnement en Liquified Natural Gas (LNG) du Mozambique, pièce maîtresse des discussions bilatérales et du MoU envisagé avec la State Trading Company

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L’EDB propose la mise en place d’une Gas Trading Platform avec une Regional Supply Chain pour la distribution régionale de LNG à partir de Port-Louis

La présence du président du Mozambique, Filipe Jacinto Nyusi, aux célébrations du 184e anniversaire de l’abolition de l’esclavage se présente comme une bouée de sauvetage politique pour le Deputy Prime Minister et ministre des Utilités publiques, Ivan Collendavelloo. Et surtout pour son ambitieux projet avec des investissements massifs de Rs 8 milliardspour la combined cycle gas turbine plant à Fort-George. Avec la mise en opération prochaine du premier on-shore LNG development au Mozambique dans le cadre de l’exploitation des réserves en ressources gazières, Maurice pourrait intégrer ce réseau économique régional. En tout cas, le dossier du liquefied natural gas (LNG) a figuré on top of the agenda des discussions formelles entre Maurice et le Mozambique en marge des célébrations procolaires, avec le président Nyusi en tant que Chief Guest. Les différentes options avec le LNG en toile de fond ont été évaluées lors d’une séance de travail de haut niveau vendredi, sous la présidence du secrétaire financier, Dev Manraj, et l’Economic Development Board assumant le rôle de secrétariat pour faire progresser et aboutir les discussions. D’ailleurs, il était prévu qu’un memorandum of understanding avec la State Trading Corporation en tant que partenaire privilégiée devait être signé (voir texte consacré aux délibérations du Business Forum d’hier matin plus loin). Le textile, en dépit de la menace de la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) d’éliminer la moitié de son personnel à Maurice au cours des trois prochaines années, et la pêche, sans oublier le secteur des services financiers, constituent autant de filières porteuses pour une relance sur de nouvelles bases de la coopération économique entre Maputo et Port-Louis.

Des discussions bilatérales cruciales ont été menées en fin de semaine, d’une part, au nom de Maurice par le secrétaire financier et des représentants de l’Economic Development Board et, d’autre part, pour le Mozambique par Lourenço Sambo, directeur général de l’Agency for Investment and Export Promotion (APIEX), Pascoal Bacela, National Director of Energy, Augusto Macuvele, directeur du National Petroleum Institute, Omar Mitha, Chief Executive Officer et Chairman du National Hydrocarbon Company (ENH), Jorge Manjate, Head of Department de l’Agrarian Development Fund, Kabir Ibraimo, Deputy Executive President de la Confederation of Business Associations (CTA), Dixon Chongo, CTA, et Mayisha Mangueira, Head of Office of Chairman, ENH. D’aucuns affirment que la composition de cette instance s’apparente à la commission de pilotage annoncée lors de la séance de travail de jeudi matin à l’hôtel du gouvernement. Des recoupements d’informations effectués par Week-End auprès des sources concordantes laissent comprendre que le secteur d’avenir de coopération avec le Mozambique s’articule autour de l’exploitation du LNG.

Un enterrement
de première classe

Avant d’entrer dans le vif de ces consultations, force est de constater que le projet de centrale thermique à Fort-George pourrait bénéficier d’un second souffle. Pourtant, les dernières initiatives des Finances indiquaient un enterrement de première classe pour la centrale thermique du CEB en dépit du soutien à toute épreuve du Deputy Prime Minister et ministre des Utilités publiques. D’abord, il y a eu les directives aux banques commerciales, allant jusqu’à littéralement interdire tout montage financier pour le compte du Central Electricity Board à ce chapitre. Ensuite, de nouvelles conditions plus laborieuses pour la réévaluation des bids suite à la décision de l’Independent Review Panel d’annuler l’adjudication du contrat à la société METKA de Grèce.

Dans la conjoncture, que ce soit au niveau du Central Electricity Board ou dans l’entourage du leader du Muvman Liberater, qui n’ont pas baissé les bras pour la réalisation du projet de combined cycle gas turbine plant de Fort-George, l’on préfère jouer la carte de la prudence au lieu de jubiler à la lumière de ce développement. La principale raison est qu’actuellement, toute la production de LNG du Mozambique est destinée à l’Afrique du Sud. Dans un avenir pas très lointain, le Mozambique compte démarrer deux autres possibilités d’exploitation de 12 millions et de 15 millions de tonnes de LNG annuellement.

Lors des échanges de vendredi, la partie mozambicaine a mis l’accent sur le fait que dans le cas du LNG, « the concept of volume is of the utmost importance » et aussi que « there needs to be a strong exchange of information on the volumes of production and prospection to confirm possibilities of agglomeration. » La délégation mozambicaine a également sondé les possibilités d’investissement et de know-how de la part de Maurice sur le plan de l’exploitation économique de LNG. Le Mozambique, qui est engagé dans l’exploitation de LNG depuis 2004, dispose d’une LNG penetration dans le secteur énergétique de quelque 450 MW, avec des capacités additionnelles de 400 MW d’ici à 2022.

Une gas trading
platform

Devant les contraintes formulées par la délégation du Mozambique et en en dépit de la possibilité que des « small scale LNG systems should be looked into », l’Economic Development Board, par le truchement d’Azim Currimjee, vice-président, a évoqué des perspectives visant à faire de Port-Louis une gas trading platform et la mise en opération d’une regional supply chain for trading of LNG for aggregation and re-export.

À cet effet, la State Trading Corporation est présentée comme l’interlocuteur approprié du Mozambique pour poursuivre les négociations, notamment en ce qui concerne les moyens « to meet Mauritius’s requirements in electricity to LNG (electricity, transport and then bunkering » ou encore pour constituer « the support for the development of financial, audit, accounting, financial structuring for the development of oil and gas sector in the region », avec « Mozambique being identified as a source of supply. »

Outre le secteur du LNG, qui permet à Ivan Collendavelloo et au CEB d’envisager le projet de combined gas cycle plant avec une lueur d’espoir, le Mozambique et Maurice étudient des formules de coopération dans les domaines de la pêche, du textile et des services financiers, tout en renforçant les échanges commerciaux. La possibilité d’un accord, calqué sur le modèle entre Port-Louis et Mombassa, facilitant les opérations de cargo disaggregation, a été abordée. La Mauritius Ports Authority devrait être appelée à ouvrir des discussions avec les autorités compétentes au Mozambique à cet effet.

Les deux parties se sont donné jusqu’à la fin de mars pour définir une roadmap, car l’objectif déclaré est que « the initiatives should go beyond signing of Memoranda of Understanding (MOUs) and should be geared towards achieving short and medium-term results. » La première réunion de la commission mixte est prévue pour le mois de juin. L’industrie du tourisme ne sera pas pour autant délaissée, car l’Economic Development Board et la Mauritius Tourism Promotion Authority ont signifié leur intention d’apporter leur contribution pour le développement de ce secteur au Mozambique.

Instantanées d’une visite de 72 heures

Filipe Nyusi : « Tribute to those who suffer of slavery »

À son arrivée à Maurice mercredi après-midi, le Chief Guest aux célébrations marquant le 184e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, le président du Mozambique, Filipe Jacinto Nyusi, à la tête d’une délégation de 35 officiels, y compris quatre ministres, a été privé des honneurs dus à son rang. Les pluies torrentielles affectant le Sud et le Sud-Est ont eu raison de la welcoming ceremony protolaire au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport. Mais dès jeudi matin, le programme présidentiel a été entamé tambour battant.

Après une visite de courtoisie à la State House pour un premier tête-à-tête avec le président de la République par intérim, Barlen Vyapoory, Filipe Jacinto Nyusi et les VVIP de sa délégation étaient reçus à l’hôtel du governement par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, entouré des principaux membres de son gouvernement. Cette working session se déroulant dans le receptorium de l’Assemblée nationale avait débouché sur la signature de trois accords bilatéraux portant sur le tourisme, l’environnement et les investissements.

Cette tranche du programme a été l’occasion pour les deux parties de faire un tour d’horizon de l’état des relations bilatérales, avec le Premier ministre soulignant que « nous voyons dans le Mozambique un allié dans l’océan indien que nous partageons. » En cours d’après-midi, il sera reçu au QG du secteur des Services financiers à Ébène, notamment à la Shri Atal Bihari Vajpayee Tower.

L’escale présidentielle à la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) à La Tour Kœnig sera marquée de l’annonce par le patron de ce groupe textile, François Woo, de la poursuite de la politique de délocalisation de sa production textile. Il prévoit de réduire de moitié la main-d’œuvre dans ses unités à Maurice, soit de 10 000 à
5 000 en trois ans. En parallèle, les unités de la CMT au Bangladesh devront renforcer leur potentiel d’emplois de
7 500 à 15 000. Justifiant cette démarche en présence du ministre de l’Industrie, Ashit Gungah, François Woo dira que « we cannot compete anymore in Mauritius. It is a reality. Il poursuivra que « les visionnaires de ce pays ont tracé notre chemin. Je crois fermement dans ce qu’on fait. Si pei nepli krwar ladan, mwa, kouma mo kapav krwar ladan ? »

En début de soirée de jeudi, au moment des toasts lors du banquet d’État, le Chief Guest mettra en exergue le soutien de Maurice au développement économique du Mozambique avec des investissements de quelque Rs 100 milliards durant les cinq dernières. Il a plaidé pour la collaboration de son pays avec Maurice dans la lutte contre le trafic de drogue et des activités de pêche illégale dans cette partie d’Afrique. Il a étendu une inviation au gouvernement en vue de participer au 12th United States – Africa Biennal Summit à Maputo en juin. Quelque 2 000 délégués effectueront le déplacement pour discuter des échanges commerciaux entre les États-Unis et les pays africains.

De son côté, Pravind Jugnauth a préféré mettre l’accent sur le potentiel de coopération économique et social entre les deux pays. Il a tenu à remercier les autorités mozambicaines pour le soutien inconditionnel à la résolution portant sur la revendication de Maurice pour la souveraineté sur les Chagos.

Au Morne, village emblématique de la lutte engagée par les esclaves avant l’abolition d’il y 184 ans, Filipe Jacinto Nyusi a laissé parler ses émotions. Intervenant en portugais avec traduction en instantané, il a souligné : « C’est une histoire triste qui lie Maurice au Mozambique. Le trafic des esclaves était un fait regrettable, mais qui a marqué notre existence. Nous partageons le passé douloureux et cela nous a été imposé. »

Le président du Mozambique, qui se félicite de l’intégration des descendants d’ancêtres mozambicains à Maurice, ajoutera que « 180 ans après l’abolition de l’esclavage, nous devons tirer des leçons et enseigner aux générations présentes ce que nous avons souffert durant la longue nuit de l’esclavage afin qu’elles soient au courant et sachent dans quelle direction nous nous dirigeons. L’esclavage a pris fin et il nous faut lutter contre toutes les formes d’asservissement dans d’autres domaines, car une fois de plus, nous vivons une guerre géopolitique et stratégique pour le contrôle des ressources naturelles. »

Au lunch offert par le président de la République par intérim à la State House le 1er février, le président Nyusi a rendu hommage aux victimes de l’esclavage en déclarant : « I join in the toast to pay tribute to those who suffered of slavery and that has built our nation. » Après cette demi-journée de fonctions officielles sous une chaleur torride, le président du Mozambique allait déclarer forfait pour deux autres sorties au programme officiel, soit la visite du complexe cannier d’Omnicane à La Baraque, L’Escalier, et aux terres de sept couleurs à Chamarel.

Dans la soirée, place aux visites de courtoisie, avec dans l’ordre le chef juge de la Cour suprême, Keshoe Parsad Matadeen, la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, et le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, et hier matin le business forum organisé par l’Economic Development Board.

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