Fabrications

Même le plus ringard des scénaristes de feuilletons télé n’aurait osé inventer une telle situation. Dans une République qui a la prétention de croire qu’elle est un exemple digne d’admiration, survient une crise au sommet de l’État. Suite à un scandale bancaire, le Premier ministre demande à la Présidente de la République de démissionner. Elle refuse et décide de nommer une commission d’enquête sur les accusations portées contre elle. Le PM exige sa démission et la menace de révocation. Au Parlement, il brandit une lettre anonyme – dont il ne révèle pas le contenu – et déclare qu’elle suffit pour obliger la Présidente à soumettre sa démission. Il ajoute qu’il confiera cette lettre à l’ICAC pour ouvrir une enquête sur son contenu qui incrimine la Présidente qui fait honte à la République. Toute cette affaire se passe alors que le pays célèbre le 50e anniversaire de son accession à l’Indépendance. Convaincue que cette lettre contient des révélations terribles contre la Présidente, la population accepte la parole indignée du PM. La Présidente démissionnera et aura à faire face à une commission d’enquête qui, quatre ans après avoir commencé ses travaux, n’a toujours pas soumis ses conclusions.

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Et puis, on apprend cette semaine l’identité du corbeau – c’est le terme pour designer les rédacteurs des lettres anonymes. Il s’agirait d’un des principaux conseillers du PM. Selon le rapport d’un graphologue, c’est son écriture que l’on retrouve sur les corrections de la missive. On se retrouve dans la situation suivante : un super conseiller payé par l’argent du contribuable a écrit une lettre anonyme pour permettre au PM de réaliser son vœu de l’époque : pousser la Présidente de la République à la démission. Le super conseiller fait parvenir la lettre anonyme au PM. Est-ce que le PM était au courant de la fabrication de la lettre anonyme ? L’histoire ne le dit pas. Pas encore. Toujours est-il que le PM – qui est un avocat de profession – brandit cette lettre anonyme – dont il est supposé ne pas savoir qui en est l’auteur – comme une preuve absolue au Parlement. Que révèle cette sordide affaire ? Que le bureau du PM est devenu une officine où la principale occupation d’un de ses conseillers est la rédaction de lettres anonymes. Et l’on ose s’étonner que Maurice soit de plus en plus percue comme une république bananière !?

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Les oppositions dans l’opposition parlementaire n’arrêtent pas de se ridiculiser en entamant ce qui leur reste de crédibilité, comme le démontre leur dernier sketch. En début de semaine a été lancée une opération médiatique visant visiblement à faire oublier les critiques sur le manque de stratégies. Une simple réunion entre leaders du PTr, du MMM et du PMSD a été vendue comme une rencontre au sommet devant déboucher sur une alliance électorale. En fait, il y a eu trois réunions : la première entre Bérenger et Ramgoolam ; la deuxième entre Bérenger, Ramgoolam et Duval, et la dernière entre les trois nommés et Arvind Boolell. Dont on se demande encore la raison de la présence puisque jusqu’à preuve du contraire, il n’est pas leader d’un parti. C’est, en tout cas, à lui que revint la responsabilité de faire à la presse un résumé de la ou des réunions. Il annonça fièrement que le PTR, le MMM et le PMSD avaient décidé de conclure une alliance pour aller ensemble aux prochaines élections municipales. Des élections qui, comme le rappelait avec raison un confrère, auront lieu on ne sait quand. Cette alliance annoncée comprenait également le Rassemblement Mauricien (RM), qui n’était pas présent à la réunion. Dès le lendemain, Nando Bodha, leader du RM, publiait un communiqué pour dire qu’il se trouvait devant un fait accompli, son parti n’ayant jamais été invité à discuter et encore moins à conclure une alliance quelconque. Depuis, on a appris que l’alliance annoncée « n’a pas encore été finalisée. »
Je l’écrivais dimanche dernier : avec une pareille opposition – et ses annonces qui ressemblent à des fabrications –, Pravind Jugnauth n’aura pas besoin de faire campagne aux prochaines élections…

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