Gestion des fonds publics 2018/19 – L’Audit octroie un Triple D au GM

Les 328 pages du dernier rapport de l’Audit, signé pour la première fois par Sunil Romooah, pour l’exercice financier se terminant au 30 juin, pourraient se résumer avec un Triple D. D comme déficit des dépenses publiques de l’ordre de Rs 11 milliards, soit le plus haut niveau enregistré au cours de ces dix dernières années.

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D comme dettes publiques, crevant la barre de  65%, pour se retrouver pour la première fois à 65,3% du produit intérieur brut (PIB), loin des ambitions déclarées par le Premier ministre Pravind Jugnauth dans le dernier budget qu’il a présenté en tant que ministre des Finances en juin de l’année dernière. Et aussi D comme découverts et Outstandngs Loans de plus de Rs 15 milliards attribués aux Public Sector Bodies, qui traînent aussi “ene lake ferblan” de Rs 22,4 milliards sous forme de Pension Funds Deficit. En parallèle, les détails du rapport de l’Audit, qui devront servir de chair à canon lors des premières séances du Question Time de la 7e session de l’Assemblée nationale, portent également sur d’innombrables Shortcomings dans la gestion des fonds publics et des cas de gaspillage flagrants.

A tout seigneur tout honneur, le Directeur de l’Audit souligne avec force dans son rapport que “the excess expenditure over revenue significantly increased by some Rs 10 billion (792%), from Rs 1,2 billion for 2017/18 to Rs 11 billion for 2018/19 and was the highest recorded excess over the past ten years”. Ainsi, pour son dernier exercice financier en tant que grand argentier, Pravind Jugnauth s’est engagé dans des dépenses globales de Rs 147,2 milliards même si au départ, le budget misait sur des déboursements de Rs 159,5 milliards.

Trois principales poches de dépenses publiques s’accaparent de manière équitable 60% du budget de 2018/19, soit les prestations sociales avec Rs 31,8 milliards en progression de Rs 1,3 milliard, les gages et salaires des employés du secteur public de Rs 30,3 milliards en hausse de Rs 1,7 milliard, et le Servicing de la dette publique nécessitant des déboursements de Rs 28,1 milliards, soit Rs 4,9 milliards de plus. A ces items budgétivores, il faudra ajouter Rs 24,5 milliards sous forme de Grants aux corps parapublics, aux autorités locales et à l’Assemblée régionales de Rodrigues et Rs 7,8 milliards d’acquisitions de Non-Financial Assets.

De ce fait, les revenus de Rs 108,3 milliards, dont Rs 98,3 milliards de perception de différentes taxes, directes ou indirectes, en baisse de Rs 9 milliards par rapport aux Estimates, n’ont été nullement suffisants pour couvrir les dépenses courantes. Pour le troisième exercice financier successif, le gouvernement accumule des déficits, qui ne font que se détériorer pour passer de Rs 1,2 milliard au 30 juin 2018 à Rs 11 milliards douze mois après.

Cette tendance est relevée dans le rapport de l’Audit à la rubrique “high dependence of government on borrowings to finance its expenditure”. Au cours de ces trois dernières années, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de s’appuyer sur des Borrowings devenant du même coup la deuxième source de revenus publics, soit 20%. Au 30 juin de l’année dernière, ces Borrowings se montaient à Rs 27,8 milliards contre Rs 25 milliards pour chacune des deux précédentes, donnant un total de Rs 80 milliards.

Des observateurs avertis font comprendre que pour l’exercice financier en cours, les besoins en Public Sector Borrowings pourraient s’avérer encore plus pressants dans la conjoncture marquée par l’impact du Virus Sansd Frontières du Covid-19 au chapitre des recettes budgétaires, notamment sur le plan de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) et autres Ad Valorem Taxes. A moins que l’opération dépenses publiques -10%, enclenchée au ministère des Finances, ne soit appliquée dans toute sa rigueur séance tenante.

Abordant le chapitre délicat de la dette publique, le rapport de l’Audit ne peut s’empêcher de faire ressortir que “over the past five financial periods, Public Sector Debt has been increasing. The figure for 30 June 2019 increased by Rs 68,9 billion when compared to Rs 251,8 billion recorded”. Ce qui représente une progression d’au moins 27%, dont Rs 20 milliards de juillet 2018 à juin 2019.

Le fait majeur demeure que le ratio de la dette publique par rappport au PIB de Rs 491,1 milliards est de 65,3%, un peu plus de deux points supérieurs comparativement au 30 juin 2015. Toutefois, le rapport de l’Audit prend le soin de consigner en notes de pied à la page 54 la version de l’Hôtel du gouvernement en avançant que “as per budget estimates 2019/20, GDP was estimated at Rs 496,3 billion. Based on this figure, actual Public Sector Debt as a percentage of GDP for the same period was 64,.6  per cent”.

Dette locale : une somme de Rs 59 milliards doit être prévue pour juin

Les Rs 320,7 milliards de dettes publiques se déclinaient comme suit au 30 juin dernier dette locale: Rs 249,3 milliards, en progression d’un peu moins de Rs 14 milliards en une année dette étrangère; Rs 40,3 milliards, enregistrant une baisse de quelque Rs 4 milliards dettes garanties par le gouvernement; Rs 30 milliards en hausse de Rs 5 milliards dettes non garanties par le gouvernement ; Rs 6 milliards, soit Rs 2 milliards de plus.

Poursuivant son analyse de l’état des finances publiques, le Directeur de l’Audit attire l’attention sur le fait que “Government Securities amounting to Rs 4,5 billion held by Non-Financial Pubic Sector Entities not included in Public Sector Debt.” De ces Rs 4,5 milliards, Rs 1,9 milliard sont des placements dans des Treasury Certificates, dont Rs 1 milliard au nom du CEB.

Rs 2,2 milliards dans des Treasury Bills par des Public Corporations et Rs 118,4 millions dans des GoM Bonds par la Financial Services Commission et Rs 80 millions venant d’autres institutions publiques.

Devant le caractère novateur des placements de la part de ces institutions privées dans ces instruments financiers, le National Audit Office a fait une demande pour des compléments d’information en détail sur le montant des Rs 2,2 milliards dans les Treasury Bills. Le ministère des Finances a fait comprendre que “Public Sector Debt is presented on a consolidated basis… For instance, debt contracted by Public Enterprises from Government is not included in Public Sector Debt. Debt contracted by one public enterprise from another is also eliminated. Earlier, the investments made by such entities in Government Securities were not significant and no consolidation was being made”.  

Dans une tentative de “enhance the reporting methodology”, le ministère des Finances a initié des consultations avec la Banque de Maurice en vue d’obtenir des précisions sur ces investissements par des Major Non-Financial Public Sector Entities. La Banque centrale soutient que “only aggregate data is provided by primary dealers and it would not be possible to obtain the name of all public corporations”.

Au tableau du remboursement de la dette locale, une somme de Rs 59 milliards doit être prévue au 30 juin prochain pour opérer des remboursements, notamment Rs 29,7 milliards au titre des Treasury Bills, Rs 14,9 milliards de Treasury Notes, Rs 11,5 milliards de Bonds, Rs 1,9 milliard de Treasury Certificates et Rs 1,1 milliard de Mauritius Development Loan Stocks. Ces Rs 59 milliards, qui arriveront à maturité d’ici le 30 juin, représentent 20% de la Government Domestic Debt.

Et ce n’est pas fini. Le prochain budget devra allouer une enveloppe de Rs 33,8 milliards pour les besoins du repaiement de la dette locale et Rs 37,1 milliards arrivant à terme au 30 juin 2022, alors que 2023/24 et après Rs 97,7 milliards de dettes seront à maturité, dont nécessitant  remboursement.

Au cours de la période allant du 30 juin 2015 à pareille date en 2019, soit couvrant le mandat du présent gouvernement Jugnauth, les emprunts des entreprises publiques ont augmenté de Rs 10 milliards, pour atteindre Rs 35,6 milliards. Cette augmentation est intervenue suite à un prêt d Rs 3,1 milliards de MauBank Holdings Ltd à MauBank Ltd avec la garantie du gouvernement, de même que des intérêts de Rs 60,3 millions des facilités bancaires de Rs 3 milliards non-garanties par le gouvernement à la compagnie aérienne nationale Air Mauritius et de nouveaux prêts de Rs 136 millons de la SBM Bank (Mauritius) Ltd à Landscope (Mauritius) Ltd, portant le total à Rs 168,7 millions d’un prêt de la MauBank Ltd de Rs 200 millions à la State Investment Corporation de prêts consentis par AfrAsia Bank à la Mauritius Housing Company Ltd avec l’ardoise passant à Rs 477,6 millions, un prêt de la MauBank Ltd de Rs 400 millions à la National Housing Cormpany Ltd, des intérêts de Rs 94,8 millions sur des facilités bancaires de Rs 3,5 milliards de la Banque de Maurice à la National Property Fund Ltd et des intérêts de Rs 233,6 millions sur un prêt de Rs 6,4 milliards accordé par la SBM Bank (Mauritius) Ltd à la National Property Fund Ltd.

Comme déjà indiqué plus haut, une enveloppe de Rs 28,1 milliards sera consacrée au Servicing de la dette publique cette année, soit littéralement le double du montant au 30 juin 2015. Le rapport de l’Audit consigne également le transfert des Rs 18 milliards de la Banque de Maurice au Consolidated Fund le 11 décembre dernier pour le remboursement en anticipation de la dette étrangère avec un premier décaissement de Rs 7,1 milliards le 30 janvier dernier.

La gestion Loan Portfolios des corps paraétatiques très préoccupante

La gestion des Loan Portfolios des corps paraétatiques est davantage plus préoccupante avec l’Audit constatant une augmentation de Rs 642 millions pour atteindre au 30 juin de l’année dernière Rs 10,6 milliards, des intérêts et prêts non remboursés de Rs 3,4 milliards en hausse de 16% d’une année à l’autre, le Writing Off de prêts de Rs 1,6 milliards en faveur de la Central Water Authority et des prêts et intérêts de Rs 155,2 millions convertis en Equity au sein de la Mauritius Shipping Corporation “despite government never having received any dividends from previous shareholding in the company”.

Les deux plus mauvais élèves parmi ces corps paraétatiques sont la Central Water Authority et la Wastewater Management Authority, avec respectivement des réclamations de Rs 3,6 milliards et de Rs 3,3 milliards. En sus de cela, la CWA n’a pas assuré de remboursements de dettes pour un montant de Rs 1,2 milliard au 30 juin de l’année dernière alors que la Wasterwater Management Authority est dans une posture similaire pour un montant de Rs 723,8 millions.

Quatre autres gros débiteurs suivent dans l’ordre : Polytechnics Mauritius (Rs 651 millions), Cargo Handling Corporation Ltd (Rs 517,3 millions), Airport Terminal Operations Ltd (Rs 511,7 millions) et National Housing Development Co. Ltd (Rs  495,2 millions).

Mais les corps parapublics et autres Statutory Bodies font face à un autre grave problème, qui n’est pas remonté à la surface jusqu’ici. Sauf qu’à la page 224 de son rapport, le directeur de l’Audit note “Pension  Funds – 60 Public Sector Bodies record deficits totaling Rs 22,4 billion”. Un déficit de Rs 17 milliards est attribué à 48 Statutory Bodies et Rs 4,4 milliards à 12 collectivités locales.

Tirant la sonnette d’alarme à ce sujet, l’Audit s’appesantit sur le fait que “most of the public bodies mentioned depending on Central Government for the financing of their budgets. In view of the significant amount of deficit under the pension funds, it is advisable that the relevant authorities carry out a review of the management of the funds and develop a strategy that the deficits are kept at manageable levels”.

Toujours en ce qui concerne les corps parapublics, le Directeur de l’Audit fait également état de son “concern that despite legal provisions, financial statements were either not submitted for audit or not laid before the National Assembly. In some cases, financial statements for more than 14 financial years have not been submitted to the National Audit Office for audit purposes”. Au 14 février dernier, l’Audit a relevé que “43 Statutory Bodies have not yet submitted a total of 137 financial statements to my Office for audit purposes”.

Affaire à suivre avec le prochain démarrage du Question Time à l’Assemblée nationale…

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