Hold-up bien organisé

Ce n’est pas ici que l’on s’étonnera de la volte-face de la Commission électorale dans l’affaire de la pétition électorale de Jenny Adebiro, la candidate du MMM déclarée battue aux élections du 7 novembre 2019 à Stanley/Rose-Hill. Des dérives de l’Electoral Supervisory Commission, on a vu venir…
Le 22 novembre 2020, dans une chronique publiée sous le titre de “l’aura perdue de l’ESC”, Week-End dénonçait la commission qui avait refusé d’intervenir alors que le ministre Alan Ganoo promettait monts et merveilles, comme des jobs à la CNT, organisme sous la tutelle de son ministère, aux électeurs de Chemin Grenier en pleine campagne des villageoises.
Ce ministre, qui parrainait son groupe parasol, avait enfreint le code de conduite électoral mais la Commission avait choisi de regarder ailleurs. Le 22 novembre 2021, sous le titre “indécence sans limite” nous relevions le fait qu’un membre de l’ESC, Désiré Basset en l’occurence, représentait Pravind Jugnauth dans une affaire en Cour qui a un rapport avec l’organisation des élections: la pétition électorale de Suren Dayal. Il devait éventuellement faire savoir qu’il a démissionné de l’ESC. Vaut mieux tard que jamais!
C’est aussi lui qui, avec ses collègues Ravin Chetty et Shamila Sonah Ori ,fanfaronnait au Bâtiment du Trésor, siège du bureau du Premier ministre, après l’issue favorable du procès Medpoint devant le Privy Council après que l’ICAC a réalisé un exploit unique dans les annales, celui d’enlever sa robe de procureur pour endosser celle de défenseur. Cela n’avait rien d’anecdotique.
Après avoir dénoncé, dans le même article, la politisation de l’institution la plus fondamentale en démocratie, nous écrivions aussi “et on parle là de l’Electoral Supervisory Commission qui est LA structure sur laquelle repose l’intégrité d’un scrutin, du plus petit au plus grand et qui, ailleurs, lorsqu’elle est contestée et rejetée par le peuple, conduit à des émeutes sanglantes”.
Les élections de 2019 resteront dans les annales comme celles qui ont fait définitivement basculer l’organisateur des élections dans le registre des pratiques d’officines dévoyées et politisées des pires dictatures de la planète. Tout était faussé dès le départ, le choix des Returning Officers, celui du staff affecté aux centres de vote et des petites combines de la campagne, du jour du scrutin jusqu’au dépouillement.
Entre la salle informatique où seuls quelques initiés avaient accès, les quasi-proclamés vainqueurs puis subitement recalés comme Jenny Adebiro, les bulletins retrouvés dans la nature après le scrutin ou ceux soigneusement placés au T-Square dans les urnes, ceux qui étaient transportés non pas par la SMF mais par des “contracteurs” privés et des élus improbables gagnant par une marge aussi mince que suspecte, tout indiquait que le système était complètement vicié.
Et le pire dans tout cela c’est que ce cirque honteux a continué bien après les élections. Le déni était total au niveau de la commission qui s’opposait systématiquement aux pétitions électorales. Ezra Jhuboo en a fait les frais, lui qui était devancé de 185 voix par l’inconnu Prakash Ramchurrun, la cour ayant rejeté sa pétition.
Adrien Duval qui s’est classé en quatrième position à Curepipe/Midlands, à 162 voix derrière Kenny Dhunoo a lui dû composer devant les tribunaux avec une entente malsaine entre l’avocat de la commission et celui de Steve Obeegadoo et de Kenny Dhunoo qui n’est autre que… Ivan Collendavelloo. Quelle ironie!
Ceux qui ont suivi les délibérations de cette pétition électorale du no 17 ont été stupéfaits de constater que le représentait légal de la commission briefait ouvertement celui des élus de Lalians Morisien. Plus aucune ligne de démarcation entre la commission et le gouvernement. La collusion est totale. On le savait. Désormais elle s’étale au grand jour.
Les avocats de Jenny Adebiro, arrivée à 92 votes d’Ivan Collendavelloo, ont, eux, trouvé la faille qui a confondu la commission électorale, contrainte d’admettre, enfin, l’évidence. Que tout n’a pas été fait dans les règles lors du dernier scrutin national.
On attendra l’issue de la pétition de Jenny Adebiro mais ce sera aussi fort intéressant de voir comment évoluent les contestations dans des circonscriptions où la difference de suffrages est encore plus étroite. Au no 16, il n’y a que 25 voix qui séparent Ashley Ittoo, le troisième élu du MSM, de Stéphanie Anquetil. Entrée comme Best Loser, la député travailliste n’a pas directement contesté l’élection.
Le soin fut laissé à un électeur de la circonscription Lutchmeedev Soreedoo de loger une pétition pour réclamer un recomptage des voix mais la Cour suprême a, le 2 juillet 2021, soit près de deux ans après les faits, rejeté la demande après avoir statué que l’électeur n’a pas de “locus standi” et que les pétitions ne peuvent venir que d’un candidat ou d’un agent électoral.
La circonscription No 15 est encore plus intéressante et pertinente puisque les voix d’écart entre le troisième élu Gilbert Bablee et le candidat battu du PTr Cader Sayed-Hossen est de 49 votes. Celui qui a été proclamé élu doit lui toujours “explik so ka” devant la Cour suprême.
Dans cette affaire, les juges Benjamin Marie-Joseph et Ratnah Seetohul-Toolsee ont, le 18 septembre dernier, envoyé balader la Commission électorale qui voulait gagner du temps—ce qu’elle essaie de faire depuis le début—en prétextant vouloir interroger le candidat déclaré battu. Les juges ont considéré que ce n’était qu’une tactique dilatoire. Et il n’est ici question que d’un recomptage des voix. Simple, non? Maintenant on comprend pourquoi il y a eu autant d’obstacles depuis deux ans.
Il n’y a pas que le no 19 qui a valeur de test pour la commission et pour la démocratie. La suite sera passionnante. Lorsque les 63% qui n’ont pas voté pour l’actuel gouvernement contemplent ceux qui siègent à l’Assemblée Nationale dans les travées de la majorité, ils sont plus que persuadés que les dernières élections ont été un hold-up bien organisé.

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