Imperméables

Les observations et critiques des organismes internationaux, ils s’en fichent royalement. Ils sont imperméables. Ils se disent : ce n’est ni le FMI, ni la Banque Mondiale, ni V-Dem, ni Reporters Sans Frontières, et encore moins l’institut international pour la démocratie et l’assistance qui vont voter aux prochaines élections générales. Le constat de ces organismes étrangers, rien à cirer ! Parce qu’ici, le travail de sape systématique de l’indépendance des institutions pour les vampiriser et les mettre sous tutelle à coups de nominations partisanes ne laisse aucune place à une démocratie saine qui favorise la pensée plurielle et le débat contradictoire.
Si, sur le plan intérieur, leur stratégie est de faire taire tous ceux qui expriment une voix contraire et qu’ils se montrent complètement insensibles aux revendications du gréviste de la faim Nishal Joyram, porte-drapeau des milliers d’automobilistes qui croulent sous les prix excessivement élevés du carburant, qui peut penser que les regards externes, quand bien même sérieux et critiques, vont les atteindre ?
Le champion d’Afrique d’autrefois est à la traîne depuis quelques années. Elle n’est pas loin de ressembler à ces autocraties de longue date qui gèrent de manière très autoritaire et hyper personnalisée les affaires du pays. Il est ainsi exclu que ce qui se passe en ce moment même en Afrique du Sud risque de se produire un jour ici. Sans préjuger de ce qu’il adviendra du président Cyril Ramaphosa, qui pourrait faire face à une procédure de destitution, il y a eu au préalable un rapport commandité par le Parlement qui évoque des malversations financières et des faits possibles de corruption. À cette législature-là, c’est son parti qui est majoritaire au Parlement, et cela n’a pas empêché qu’il y ait une enquête sur un cambriolage survenu en 2020 et durant lequel des malfrats seraient partis avec des dizaines de milliers de dollars cachés dans un canapé dans le salon de la résidence du président Ramaphosa. Forfait qu’il aurait dissimulé aux autorités mais qu’il aurait révélé à celui qui est chargé de la protection présidentielle pour qu’il enquête et qu’il lui ramène ses milliers de dollars, argent dont il a dit qu’il provenait de son commerce de bovidés.
Peut-on imaginer un seul instant qu’un comité parlementaire ici puisse se pencher sur, allons dire, le dossier Angus Road et démêler l’écheveau de qui a vraiment acheté et qui a réellement payé les Rs 20 millions et comment, pour ce terrain désormais célèbre. Cela relève du domaine du rêve, si ce n’est d’une lointaine utopie. L’opposition a porté devant le comité parlementaire sur l’ICAC l’affaire du bureau du directeur de cette unité d’investigation depuis deux ans. Rien depuis, jusqu’à ce que la police se saisisse récemment du dossier pour une enquête dont on peut déjà préjuger des conclusions. Tiroir direct et no case to answer.
La réputation du pays, ses dysfonctionnements, de l’Assemblée nationale aux administrations régionales, en passant par la police et les organismes de régulation qui ne régulent rien et qui musellent tout, ils s’en moquent allègrement. Leurs préoccupations de tous les instants, c’est comment embobiner le peuple et l’endormir avec des tours de passe-passe en lui faisant croire qu’on le choie et qu’on le gâte pour ensuite reprendre d’une autre main ce qu’on a distribué sous le couvert d’une grande générosité et d’une fibre sociale inégalée.
Il en est ainsi de la compensation salariale qui vient d’être annoncée pour janvier 2023. Le chiffre paraît magique : Rs 1 000, mais le taux d’inflation pour 2022 a été chiffré à 10,7%. Si le salaire minimum est de Rs 12 400, c’est un peu plus de Rs 200 qu’a perdu le récipiendaire. Quant aux autres salariés qui vont obtenir leur Rs 1 000, ils vont vite les rendre à l’État à travers la taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur le revenu. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la Mauritius Revenue Authority se délecte en annonçant régulièrement que ses milliards ne cessent de s’accroître d’année en année.
Le gouvernement avait certainement les moyens d’accorder la même compensation aux bénéficiaires de la pension universelle. Mais il ne le fait pas parce que c’est une arme électorale qu’il utilise et qu’il choisit toujours le moment opportun pour sortir son « cadeau ». Privés de tout réajustement de leurs prestations depuis 2019, ce n’est qu’en juin de cette année, trois ans après, qu’il y a finalement eu une augmentation des allocations sociales. Le ministre des Finances a évoqué juin 2023 comme étant la période où les prestations seront revues. Les dates choisies ne sont jamais tout à fait innocentes. Juin 2023, c’est la date butoir pour, soit tenir des élections municipales ou soit prolonger une nouvelle fois le mandat des conseils urbains qui court sur leur huitième année, le dernier scrutin régional dans les villes remontant à juin 2015.
Mais peut-être que tout cela n’est que fadaise et que le gouvernement, qui craint un vote des villes qui pourrait s’avérer catastrophique pour lui et plomber ses chances de reconduction aux affaires, songe à faire l’impasse sur le rendez-vous électoral urbain. Même si le soudain coup de foudre qu’a eu Pravind Jugnauth pour Rose-Hill, où il a quand même dû faire face mercredi à une manifestation pour protester contre la pénurie d’eau et même à des menaces d’obstruction des voies publiques, envoie des signes contradictoires. Mais le scénario d’aller directement aux élections générales paraît plausible pour diverses raisons. Il est hasardeux de tenir un scrutin qui implique la moitié des circonscriptions à quelques mois, à une année des générales.
Il y a aussi l’appel au Conseil privé logé par Suren Dayal dans l’affaire de la demande de l’invalidation des élections des trois députés du Numéro 8 et qui pourrait être entendu au début de l’année prochaine. Et dans ce genre de procès, les décisions ne sont pas toujours celles que l’on attend. Alors, autant se préparer pour une grand-messe électorale générale pour le premier semestre 2023.

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