JEAN-MICHEL PITOT  (CEO d’Attitude Hospitality Ltd) : « Tout ce qu’a fait Attitude en termes d’authenticité mauricienne a été reconnu »

Week-End a rencontré cette semaine Jean-Michel Pitot, CEO du groupe Attitude Hospitality Ltd (AHL), qui fera son entrée sur le marché boursier secondaire, la DEM, à travers son entité Attitude Property Ltd (APL), en septembre prochain en proposant 56% de son capital au public. Il nous fait un rapide tour d’horizon de la réussite fulgurante de son groupe, désormais promu second groupe hôtelier mauricien, grâce à une stratégie basée sur le mid-market et l’authenticité mauricienne. Il met l’accent sur le prochain lancement de son dernier né pour octobre prochain, le Ravenala, ex-hôtel La Plantation, dont le financement est à l’origine de cette opération boursière. Il nous dit ensuite son feeling sur la situation du tourisme dans le pays.
 
Jean-Michel Pitot, c’est quoi AHL ? Quelles sont ses forces et sa stratégie future ?
Attitude Hospitality Ltd (AHL) est un holding qui possède aujourd’hui de nombreux hôtels qui sont gérés à travers leur compagnie de gestion — Attitude Hospitality Management Ltd (AHML). À ce jour, il y a dix hôtels dans le porte-feuille de ce groupe. Avec 1 130 chambres, on est sur le marché local le second plus grand opérateur de l’île. De deux hôtels à ses débuts, AHL a pu grossir assez rapidement parce que le positionnement de base était assez clair : le segment mid to upper market, soit les hôtels 3-4 étoiles. Notre mission est d’être les champions dans cette catégorie. C’est un choix stratégique qui a été clairement expliqué et compris par nos partenaires. On est venu greffer dessus le branding Attitude. Nous n’allons pas sortir de cette ligne de conduite qui nous a bien servi jusqu’à présent. On a mis en place Zilwa en 2013, un hôtel 4 étoiles. On a depuis acheté le Ravenala pour le positionner dans le même créneau que l’on connaît très bien. On ne va pas chercher le luxury client.
 
Le groupe Attitude est aujourd’hui une référence de l’hôtellerie mauricienne. Vous êtes passés de 2 à 10 hôtels, soit de 210 chambres à 1 130 en peu de temps et vous êtes désormais le deuxième groupe hôtelier en termes de chambres. Vous enregistrez par ailleurs 73% de taux d’occupation contre 65% pour les grands groupes d’hôtels 5 étoiles. À quoi attribuez-vous votre succès ?
Il faut comparer like to like. Généralement, pour un palace 5 étoiles, le modèle d’opération est de tourner autour de 65% tout au long de l’année. Notre clientèle est différente et il nous faut donc chercher un peu plus de volume et des taux de remplissage au-dessus de cette moyenne pour dégager de la profitabilité. Ce qui nous a beaucoup aidés d’emblée, c’est qu’il y avait une conjoncture favorable qui nous a fait rapidement gagner des parts de marché dans le créneau des 3 et 4 étoiles. À cette époque, en 2008-2010, il y avait des hôtels qui se battaient pour survivre dans la gamme supérieure. Je suis fier qu’en si peu de temps, avec des moyens qui ne sont pas les mêmes que ceux des big players du secteur, on se retrouve aujourd’hui dans un sondage spécialisé comme étant le second groupe hôtelier mauricien. On a aussi créé et fait grandir notre marque Attitude, qui est basée sur une vraie authenticité mauricienne, le mauricianisme. Tout ce qu’a fait Attitude en la matière a été reconnu et cela nous fait chaud au coeur. On est heureux de dire que l’on est 100% Mauricien. Tout le monde bien sûr se revendique Mauricien. Je crois que nous avons réussi à en faire notre marque de fabrique.
 
Vous vous êtes portés acquéreur de l’ex-Plantation, prochainement Ravenala, il y a plus d’un an, lors de la crise chez le groupe Appavou. Pouvez-vous nous expliquer la stratégie et la rationalité derrière cet achat ?
On a en nous un peu de fibre d’entrepreneurs et de vouloir faire des choses. On est relativement jeune dans le groupe et on était conscient qu’on avait créé quelque chose d’extrêmement fort avec la marque Attitude. On s’est dit : maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec cette marque ? On la laisse là dans nos hôtels existants ou on essaye de voir plus loin. L’opportunité est venue à travers cette acquisition de Ravenala et on a fait une très bonne affaire. Nous savons que nous avons une recette qui donne satisfaction à travers nos autres hôtels. En gros, on a 275 chambres qui nous coûtent 10% moins cher que celles de Zilwa et en moyenne les chambres du Ravenala, la plus petite faisant 65 m2, sont deux fois plus grandes que celles de Zilwa. Ajoutez à cela 10 restaurants et 7 salles de conférences, dont une est la seconde plus grande de Maurice derrière le Swami Vivekananda Centre.
 
Le Ravenala va donc ouvrir ses portes bientôt. Deviendra-t-il le fer de lance d’AHL ?
Effectivement, la réouverture est prévue pour octobre et déjà en termes d’occupation des chambres, les perspectives sont encourageantes. En novembre, par exemple, on enregistre un pic avec une réservation à 100% pendant dix jours. En juin de l’année prochaine, un autre groupe très important y séjournera. Cependant, il ne faut pas que l’un de nos hôtels fasse de l’ombre à l’autre. Nous avons divisé le portefeuille du groupe Attitude en trois sections. D’abord les trois gros hôtels Ravenala, Zilwa et Bluemarine sont classés comme des resort hotels de type mauricien, ouvert à tout le monde. Pour les sept autres établissements, on les a scindés en deux groupes. Le Récif et le Tropical Attitude en adults only, et puis tous les autres restant dans la gamme des cosy hôtels de 70-100 chambres ouverts à tous. Aujourd’hui, on a une success story avec Zilwa et Bluemarine Attitude est un hôtel qui nous donne beaucoup de satisfaction. Au Ravenala, nous avons des chambres gigantesques où nous allons mettre l’accent sur tout ce qui est famille, car nous avons des chambres où l’on peut accueillir jusqu’à 3 ou 4 enfants. Nous souhaitons que chaque hôtel soit un fer de lance à lui seul.
 
Votre groupe se lance à travers Attitude Property Ltd (APL) sur le marché boursier de la DEM. Quelle est l’idée maîtresse derrière tout cela ? Pourquoi se concentrer seulement sur trois hôtels ?
À l’étranger, tous les grands groupes hôteliers ont adopté un modèle basé sur le asset light. Le but est de réduire l’endettement de ces groupes tout en les aidant à se développer. Ce processus de sale and lease back, où l’opérateur — ici Attitude Hospitality — loue les murs de la compagnie immobilière — Attitude Property — a le mérite de permettre à l’opérateur de se concentrer sur son core business tout en proposant une rentabilité sur les actifs immobiliers. Par exemple, le grand groupe hôtelier Intercontinental, qui gère 4 800 hôtels et 710 000 chambres dans plus de 100 pays, n’en possède en réalité que huit d’entre eux ! Maurice n’échappera pas à cette règle. En ouvrant l’actionnariat de ses murs, APL propose un produit de rendement très intéressant. Nous avons voulu d’un produit avec plusieurs hôtels pour qu’il soit attractif tout en nous concentrant sur trois hôtels compte tenu du marché mauricien. Il faut aussi rappeler qu’Attitude conservera 44% d’APL. Cela montre la confiance de nos actionnaires dans ce projet.
 
Vous avez obtenu le feu vert de la SEM et de la FSC pour votre OPI (offre au public des actions d’APL) pour la valeur de Rs 1 milliard. Expliquez-nous l’opération et les raisons de ce mouvement. Vous pensez que le timing est opportun pour cette levée de fonds ?
La raison fondamentale de notre action était de trouver un mode alternatif de financement. C’est un choix de financement. À ce stade, nous avons reçu des promesses qui nous font croire que c’est bien engagé. Il faut arriver à une masse critique minimum de Rs 700 millions. Nous sommes très confiants après nos premières discussions avec les investisseurs.
 
Pourquoi le public devrait-il investir dans APL ? Quels sont ses atouts ?
Il existe plusieurs profils d’investisseurs. Nous, notre logique est de dire que dans la constitution d’un portefeuille de monsieur-tout-le-monde ou d’une compagnie, APL apporte une sérénité et un return de 6,5% ajusté à l’inflation, toute chose étant égale par ailleurs. Vu le prix attractif pour lequel APL a acheté ses hôtels, je suis confiant du potentiel de croissance de cette entité.
 
Ce retour sur investissement annoncé de 6,5%, bien plus que l’épargne et d’autres opérations du même genre, semble optimiste. Cela ne va-t-il pas impacter sur la profitabilité de l’entreprise ?
Ce n’est pas de l’optimisme, c’est la réalité. Ce qui nous rassure encore une fois, c’est que l’opportunité du projet Ravenala et le coût unitaire de la chambre nous permet de venir « rendre » au public ce return. Si on avait acheté Ravenala beaucoup plus cher, on n’aurait peut-être pas pu le faire. C’est vraiment l’opportunité d’avoir fait un deal à un prix intéressant qui nous permet d’avoir un scope pour venir payer ce fameux loyer. Le loyer va être entre 15 et 20% du turn-over de l’hôtel. Dans le monde où nous vivons, un hôtel fait à peu près 40% de gross profit. De ces 40%, il y a la moitié qui partira pour le loyer et l’autre moitié restera pour payer les frais, et les profits. Et puis on a bien vu ce qui se passe sur le marché : 6,5% est un return qui appelle des investisseurs.
 
Est-ce raisonnable de le lier aussi à l’inflation ?
En même temps, s’il y a inflation, les revenus devront augmenter en conséquence car cela est rupee driven. Tous nos tarifs sont en devises étrangères. Donc, s’il y a une inflation importante aujourd’hui, on assume que la roupie devra dévaluer de l’autre côté. Il y aura en conséquence une compensation des revenus.
 
Comptez-vous être listé plus tard à l’officiel à la SEM ?

Oui.
 
Y a-t-il des risques pour l’investisseur public ? Les avez-vous minimisés ?
Il y a toujours un risque potentiel dans tout investissement. Dans cette opération, les loyers sont garantis par le groupe Attitude. Avec la politique touristique du pays, il y a quand même un potentiel de touristes en plus en perspective. Par ailleurs, il y a des efforts qui sont faits pour pallier la fameuse basse saison de l’hiver. Donc, le seul risque c’est vraiment la devise et la macro-économie que l’on ne maîtrise pas. Mais tout cela est peu probable. En plus, ce ne sont pas que trois hôtels qui sont concernés dans l’opération. Indirectement, il y a dix hôtels qui ont la capacité de provide a return pour les actionnaires. Il n’y a pas de raison pour que nous ne continuions pas sur notre lancée et la réussite actuelle.
 
Que pensez-vous de la situation touristique locale ? L’Europe sera-t-elle toujours en perte de vitesse ? Quid des nouveaux marchés ?
L’Europe reste et restera bien sûr pendant longtemps notre premier pourvoyeur de touristes. Quand on parle de l’Europe, il est vrai que l’on évoque surtout le marché français, qui est assez fluctuant ces derniers temps. Il y a en général 250 000 touristes français qui visitent Maurice. Imaginez qu’il y ait 10% en moins tout à coup. C’est beaucoup. Trouver 25 000 touristes ailleurs pour compenser relève d’un big effort. Mais le potentiel européen demeure au-delà des Français. Le marché anglais va exploser et l’Allemagne va faire beaucoup mieux avec le retour de Lufthansa bientôt. D’autres pays, comme les pays nordiques ou certains pays de l’est, sont déjà potentiellement un réservoir in waiting. Le rééquilibrage du marché européen est en train de se faire de manière un peu naturel. Tous les autres pays pourvoyeurs potentiels ou habituels comme l’Australie, l’Afrique du Sud, ou La Réunion sont en train d’être labourés par tous. Sur l’Inde, nous sommes personnellement présents. Sur la Chine on y était timidement, le groupe Attitude va désormais y être plus fortement. Il y a de bons signaux. Le nombre de touristes augmente et il y a beaucoup de compagnies aériennes qui desservent de plus en plus Maurice. Emirates Airlines nous aide beaucoup. On attend de voir ce que fera la nouvelle direction d’Air Mauritius.
 
Y a-t-il des obstacles actuels dans le développement touristique mauricien ?
On doit dire qu’il y a une concurrence assez ardue entre les opérateurs. C’est une réalité qui met la politique tarifaire sous pression mais cela fait partie du jeu. Cependant, la suspension de la construction de nouveaux hôtels pendant deux ans va permettre certainement un redressement de la situation, avec cet indispensable breathing space. C’est un bon signal que de dire qu’on arrête tout et qu’on laisse les opérateurs du moment souffler un peu car au-delà de la crise de l’Euro, il y a d’autres facteurs qui grignotaient petit à petit ce secteur économique.
 
Êtes-vous en phase avec la politique gouvernementale en matière touristique ?
Par rapport à la promotion touristique, il y a un nouveau directeur à la MTPA qui a été nommé et on attend de voir quelle direction il va donner à tout ça. Tout le monde attend un souffle nouveau, mais il ne faut pas non plus tout casser, car ce qu’a fait Karl Mootoosamy et d’autres ont porté leurs fruits. Il faut seulement trouver le moyen d’améliorer.
 
Le ministre du Tourisme fait souvent référence à votre succès et votre fameuse « authenticité ».
J’en suis très honoré. Depuis 3-4 ans, on est vraiment dans l’optique de cette authenticité purement mauricienne. Xavier-Luc Duval est arrivé en disant qu’il fallait remettre en avant le « sense of the place », le moteur du mauricianisme. Il s’avère qu’on se retrouve là vraiment en phase. On a mis en avant dans nos hôtels le Otentik Attitude, un programme qui va se greffer dans tous nos hôtels dans lesquels l’authenticité mauricienne est palpable dans un cadre, un programme bien établi : la bouffe chez l’habitant, les cours de kreol, la tabagie, un des restaurants signature de notre groupe. La compétition est là dans ce domaine aussi. Le groupe Lux* par exemple a fait de très belles choses, de même que le groupe Véranda. Avant, tout le monde se disait authentique sans vraiment l’être. L’hôtel béton armé de Maurice se disait authentique. Il fallait donc traduire en vrai ce qu’est vraiment l’authenticité. De ce côté là, nous pensons avoir réussi. Du reste, on a été élu le groupe hôtelier le plus authentique et là, notre prochain pari est de venir traduire cela dans le Ravenala.
 
Comment cela ?
Les 10 expériences authentiques vont être mises à la sauce Ravenala, qui se décrit comme un all-suite hotel. On ne va pas faire du copier-coller de Zilwa, mais rester dans le même état d’esprit. Le décor des chambres sera le plus possible dans l’esprit exotique mauricien. Ravelana sera lui beaucoup plus sous le principe de l’arbre du voyageur. Le voyage se fera à travers des découvertes de la gastronomie typiquement mauricienne. Il y a dix restaurants. L’idée est que le client passe d’un voyage culinaire à un autre. L’aspect environnement ne sera pas négligé, car dans chacun de nos hôtels, on a une partie qui défend l’environnement. Au Bluemarine on a Nauticaz et à Zilwa il y a le recyclage, du compost et aussi des panneaux solaires. Chaque hôtel cherche sa particularité. Une chambre d’hôtel avec quelqu’un qui fait un joli sourire, ce n’est malheureusement plus suffisant, il faut beaucoup plus. Pour être différent, il faut aussi être le meilleur.
 
Le mot de la fin ?
Je suis très confiant dans le futur de Maurice et du groupe Attitude. Avec Ravenala on aborde un nouveau chapitre au niveau du groupe en devenant le deuxième opérateur hôtelier du pays, tout en proposant un produit financier très attractif sur le marché.

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