Est-ce que le gouvernement serait en train de perdre la bataille de l’information ? Le fait que, semaine après semaine, le Premier ministre ou d’autres membres du cabinet soient obligés de venir défendre certaines de ses décisions semble l’indiquer. Le gouvernement dispose, au Parlement, d’une majorité écrasante face aux deux députés de l’opposition, mais en raison des comportements de certains de ses membres et des invectives qu’ils sont obligés de retirer, il est en train de leur donner une certaine crédibilité. Celle des pots de terre face aux pots de fer. Au lieu d’imposer les thèmes du débat public, le gouvernement est souvent sur la défensive, forcé par l’opinion publique – et, sans doute, des résultats de sondages non rendus publics – de justifier ses premières décisions. Sur certains dossiers, au lieu d’agir, de prendre les devants, il ne fait que réagir, justifier, « mettre les points sur les i ». Le problème réside dans le fait qu’au lieu d’expliquer a priori ce qu’il compte faire et pourquoi, il se retrouve dans l’obligation de justifier ce qu’il a déjà décidé. À cet égard, le report de l’âge de la retraite doit être considéré comme le summum de la non-communication, le meilleur moyen de donner à ses adversaires politiques le bâton pour le battre et, beaucoup plus grave, d’augmenter la vague de mécontentement qui commence à gagner le pays. Même si elles sont loin d’avoir atteint l’ampleur de celles organisées après le naufrage du Wakashio, celles de la semaine dernière ne doivent pas être minimisées. Certains ministres et députés disent que face à la réalité des chiffres, les Mauriciens finiront par comprendre que repousser l’âge de l’accès à la pension était inévitable, qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Si c’est le cas, pourquoi est-ce que le gouvernement a nommé deux commissions pour étudier les conséquences du report sur certaines catégories des futurs pensionnés ?
Deux décisions sont venues augmenter la vague de mécontentement qui monte : le changement d’appellation des PPS qui sont maintenant des Juniors Ministers – des « manœuvres ministres », selon certains – et le réajustement des titres et salaires des « advisers ». Il semblerait que ce soit deux des premières décisions prises par le nouveau gouvernement. Si, comme l’a martelé l’Attorney General au Parlement, les Juniors Ministers ne toucheront pas un sou de plus ou de moins que les anciens PPS, quelle était l’urgence de procéder à ce changement de titre ? Si, comme l’a assuré le Premier ministre, il n’est pas question d’augmenter les salaires des advisers des ministres mais, au contraire, de mettre de l’ordre dans cette catégorie, pourquoi fallait-il le faire aussi vite ? N’y avait-il pas d’autres sujets nationaux à traiter en priorité que de s’occuper des titres et conditions de travail des advisers ? Une catégorie qui vient de montrer son « efficacité » puisqu’elle n’a pas conseillé au gouvernement de faire une opération de communication pour préparer l’opinion au report de l’âge de la retraite. Au lieu de s’occuper de la définition de leurs titres, il aurait été utile de leur demander de faire leur travail : conseiller efficacement. À moins que, comme certains d’entre eux le disent pour se défendre, les nouveaux ministres, comme leurs prédécesseurs, veulent que leurs conseillers approuvent leurs décisions, les applaudissent en leur disent qu’ils sont des génies incarnés, au lieu de les remettre en question en les décortiquant. Si c’est le cas, c’est un élément de plus qui explique pourquoi le gouvernement est en train de perdre la bataille de la communication !
Vendredi dernier au Parlement, dans le cadre du résumé des débats sur le budget, Navin Ramgoolam a rendu un vibrant hommage à Paul Bérenger. Il a rappelé que c’est ce dernier qui en 1982, en tant que ministre des Finances du gouvernement MMM/PSM, a eu à prendre les décisions difficiles – mais indispensables – pour faire face à la situation économique après deux dévaluations de la roupie. Les plus âgés se souviendront de la formule utilisée alors par Paul Bérenger pour décrire la situation économique : « kan ou trap so la manche ki ou konné kikalité chaud poelon été ! » C’est grâce à ses décisions que Maurice a pu sortir du trou et connaître le miracle économique que l’on a attribué à sir Anerood Jugnauth. Titre qui, selon Navin Ramgoolam, revient en fait à Paul Bérenger. Il va sans dire que cette déclaration de Navin Ramgoolam – que les adversaires du gouvernement se sont empressés de qualifier de « reécriture de l’histoire » – a suscité un moment d’émotion au Parlement. Ceux qui connaissent le Premier ministre affirment qu’il a dit ce qu’il pense depuis longtemps et qu’il l’a fait avec sincérité. Mais le cynique que je suis, qui a vu les hommes politiques dire tout et son contraire au fil des alliances, ne peut s’empêcher de se demander si cette déclaration n’était pas un coup de com ? Un bon coup de com !
Jean-Claude Antoine
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