La Santé intensifie la campagne de vaccination —  Seules 4422 personnes vaccinées à ce jour

«Quand on se vaccine, on est beaucoup moins transmetteur du virus», plaide la Dr Catherine Gaud

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Les personnes qui se rendent à l’étranger pourront aussi se faire vacciner à partir de cette semaine

Depuis le démarrage du programme de vaccination anti-Covid-19 le 26 janvier dernier, les autorités ont utilisé 4422 des 100 000 doses du vaccin AstraZeneca reçues de l’Inde. Une opération à compte-gouttes, d’autant que les doses d’AstraZenica ne sont valables que 6 mois, loin de la capacité des 5000 vaccinations par jour annoncée par la Santé qui se heurte à une certaine résistance des frontliners. Alors que le délai pour la deuxième dose a été repoussé à trois mois au lieu de 28 jours, comme initialement prévu, en dépit de la lenteur avec laquelle se déroule la campagne de vaccination, Maurice a réceptionné hier 100 000 autres doses des 300 000 vaccins AstraZeneca, commandées du Serum Institute of India. A partir de cette semaine, la campagne de vaccination anti-Covid-19 s’étendra à tous les frontliners, notamment le personnel de santé publique et privée, incluant ceux travaillant avec des organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine médical, la police, la garde-côte nationale, les employés d’Air Mauritius, les employés de l’aéroport et du port. L’objectif étant de vacciner un maximum de personnes.

La campagne de vaccination dans la lutte contre la Covid-19 s’intensifie à partir de ce lundi. Le ministère de la Santé revoit ainsi ses objectifs de 5000 vaccins par jour afin de pouvoir atteindre une immunité de 60% de la population à juillet-août, au plus tard. Pour atteindre cet objectif de vaccination, des ajustements au plan initial ont été apportés, avec notamment la création de plus de centres de vaccination. Le principe de dédier des jours précis à chaque secteur, comme c’est actuellement le cas, ne serait plus appliqué afin de permettre un plus grand nombre de vaccinations. Désormais, tous les frontliners des secteurs clés, dont ceux de la Santé et du secteur du Tourisme, mais aussi de l’aéroport et du port et de la force policière pourront se faire vacciner. Ils pourront se rendre dans les centres de vaccination aménagés dans les cinq hôpitaux régionaux entre 9h et 15h en jour de semaine et jusqu’à midi le samedi. C’est ce qu’a annoncé le ministre de la Santé lors d’une conférence de presse vendredi, aux côtés de la Dr Catherine Gaud. Outre dans les cinq hôpitaux régionaux, dix équipes de vaccination mobile sillonneront le pays pour faciliter l’exercice de vaccination dans différents endroits qui seront aménagés pour l’occasion.Les personnes qui se rendent à l’étranger pourront aussi se faire vacciner à partir de cette semaine. Dans ce cadre-là, les intéressés devront se rendre au bâtiment de la Mutual Aid à Port-Louis pour recevoir leur injection. L’exercice se déroulera une fois par semaine.

Décentralisation et extension du délai pour la deuxième dose

Autant d’annonces faites vendredi par le ministre de la Santé qui confie qu’à ce jour, seules 4422 personnes ont été vaccinées contre la Covid-19. On compte ainsi un millier parmi le personnel de la santé publique et privée, un millier d’employés d’hôtel, un millier de policiers, des employés de la Ports Authority, environ une centaine d’employés d’ATOL et d’AML, et quelque 600 employés d’Air Mauritius. Pour ce qui est de l’administration de la deuxième dose du vaccin AstraZeneca, les autorités ont repoussé le délai à trois mois après la première dose, du fait des résultats plus concluants à 82% après 12 semaines contre 55% d’efficacité après 28 jours, a expliqué le ministre Kailesh Jagutpal.

Malgré la réticence des frontliners, les autorités accélèrent la campagne de vaccination. En attendant la première cargaison des vaccins Covax annoncée par le directeur de l’OMS à Maurice, le Dr Musango, pour «avant le 15 février», le ministère de la Santé, suivant des négociations avec le Serum Institute of India pour l’acquisition de 300 000 vaccins, a pris possession, hier, des 100 000 premières doses de cette commande. Les nouvelles doses sont arrivées cette fois à 3h du matin sur le vol d’Air Mauritius en provenance d’Inde. Une prochaine cargaison du Serum Institute of India arrivera début mars, suivie de la troisième cargaison de
100 000 vaccins,  après un mois. «Ce qui va nous permettre de faire des vaccins à plus grande échelle», a expliqué le ministre de la Santé, annonçant dans le sillage l’aval du Vaccination Commitee pour l’achat des vaccins russes Spoutnik. Les négociations sont en cours pour l’acquisition de
250 000 doses, a indiqué le ministre qui devait aussi confier que les autorités mauriciennes n’ont pas encore avancé dans les négociations entamées avec les laboratoires Pfizer et Johnson & Johnson.

Le processus de vaccination

La séance de vaccination dure actuellement une heure. Avant l’enregistrement, elle commence par le briefing du médecin qui explique tous les risques et le processus qui est déployé. «Nous expliquons ce que c’est qu’une allergie, les risques pour les femmes enceintes ou qui souhaitent l’être, pour ceux qui prennent des antibiotiques, les cardiaques, les immunodéficitaires, etc. Nous expliquons aussi les trois étapes du processus: l’enregistrement, la vaccination et l’observation. Nous leur expliquons le carnet de vaccination et la deuxième dose. Si une personne a des questions, un médecin s’isole avec elle. Nous sommes six médecins généralistes dans la salle», explique l’un de ceux affectés au centre de vaccination du Sugar Beach. Ensuite, une dizaine de Healthcare Workers remplissent la Consent Form avec le participant. En cas de doute de l’officier, le médecin décide si le vaccin peut se faire.

A l’étape de vaccination, un contrôle des plus rigoureux est observé dans la manipulation du vaccin. «Chaque fiole contient 10 doses. Ces fioles sont conservées au réfrigérateur, entre 2 et 8 degrés. Une fois ouverte, la fiole doit être utilisée en l’espace de six heures. Elle n’est pas remise au frigo, mais conservée entre 2 et 25 degrés dans des petits bacs qui contiennent du «conditioned ice», du glaçon et de l’eau, pour empêcher que le vaccin ne congèle», explique le médecin. Deux officiers sont spécifiquement chargés de canaliser les personnes vers les tables des «vaccinators» afin d’éviter toute perte de doses. «C’est un protocole extrêmement pointu. A chaque table de deux vaccinators, un troisième officier est responsable de noter l’heure d’ouverture de la fiole, de préparer les seringues, de s’assurer que les doses restent au frais, de vérifier les documents du participant. A chaque intervention, un médecin agit comme troisième témoin».

La dernière étape est celle de l’observation. Le participant est isolé pendant 30 minutes, sous la surveillance d’infirmiers, prêts à intervenir s’il se sent mal. Selon les divers «clinical guidance», la recommandation est de 15 minutes pour tous les publics, et de 30 minutes pour ceux souffrant d’allergies. Une Emergency Area, équipé de tout le matériel de secours d’urgence, est prévue également. «A ce jour, nous n’avons pas eu à faire usage de ce service», rassure le médecin.

Le vaccin, un geste de protection individuelle et solidaire

La Dr Catherine Gaud souligne, pour sa part l’importance de la vaccination. Il s’agit, selon elle, d’un geste de protection individuelle, mais aussi de solidarité envers tout un chacun et qui va permettre d’atteindre à l’immunité collective. «Le vaccin est un traitement préventif. On se vaccine aujourd’hui pour ne pas être malade demain. Il faut se vacciner pour soi. Il faut se vacciner pour ne pas contaminer les autres, notamment les gens autour de soi qui sont malades, qui ont des comorbidités, les personnes atteintes de cancer, les personnes âgées, les personnes jeunes, mais obèses…», explique-t-elle. Et d’insister que la vaccination c’est pour soi, mais c’est aussi un geste de solidarité. «Quand on se vaccine on est beaucoup moins transmetteur du virus», fait ressortir la conseillère au ministère de la Santé qui concède toutefois que «c’est vrai qu’on peut peut-être le transmettre un peu, mais en tous cas, on le transmet beaucoup, beaucoup moins». C’est pourquoi elle recommande de «se vacciner pour son pays». Si les gens ne se vaccinent pas, on n’arrivera pas à l’immunité collective, la condition pour que Maurice et le monde entier vivent normalement comme avant, souligne la Dr Gaud. «Il y a un enjeu très important», rappelle-t-elle.

Si le vaccin AstraZeneca Covishield est perçu comme «pas efficace», la Dr Catherine Gaud se veut rassurante en affirmant qu’«il y a un sens de recourir au vaccin AstraZeneca, même avec le variant Sud-Africain qui n’est pas loin de nous». Selon elle, on a la chance d’avoir accès à ce vaccin qui est sécurisé. «Nous avons le vaccin AstraZeneca. Puisque les données ont changé, on a écarté le moment entre la première et la deuxième dose vaccinale. Avant, c’était 28 jours, qui donnent environ 55% de protection. Or, 12 semaines, cela donne 82%de protection. Il faut le faire.»

Les directeurs d’hÙtel donnent l’exemple

A ce jour, 4% seulement des 100 000 doses du vaccin AstraZeneca offertes par l’Inde ont été utilisées, soit pour la vaccination de 4422 personnes, dont un millier parmi le personnel de Santé publique et privée, un millier d’employés d’hôtel, un millier de policiers, des employés de la Ports Authority, environ une centaine d’employés d’ATOL et d’AML, et quelque 600 employés d’Air Mauritius. La preuve que les frontliners sont réticents à se faire vacciner. Le principal défi est d’améliorer la communication. Les médecins rencontrés dans les centres de vaccination le reconnaissent: les informations que reçoivent les candidats au vaccin peuvent prêter à confusion et déstabiliser certains candidats.

«Il y a trop ou peu d’informations sur ce vaccin. Du moins, ce que nous entendons ne nous rassure pas», explique Emily P. employée d’hôtel. Surtout que d’autres pays refusent le vaccin AstraZeneca Covishield, dit-elle. D’autres de ses confrères avancent qu’ils ont choisi de ne pas se faire vacciner, car les effets secondaires sur le long terme ne sont pas connus. Ils hésitent d’autant plus que les dirigeants du pays n’ont, eux, contrairement à d’autres pays, pas donner l’exemple en se faisant vacciner en premier. «C’est tout de même douteux», disent quelques frontliners.

Effets secondaires

D’autres employés à l’aéroport hésitent encore à se faire vacciner. La raison avancée: «Nous avons vu nos collègues se tordre de douleur.» En effet, plusieurs vaccinés se plaignent de maux de tête et de fièvre, ainsi que de courbatures. D’autres disent avoir fait de la fièvre et tremblé comme jamais. Certains n’ont pu se rendre au travail pendant quelques jours. «Nous avons vu nos collègues, et nous réfléchissions encore. Certes, il faut atteindre à l’immunité, mais nous ne pouvons pas faire un vaccin et subir des effets secondaires dont nous ne saurons rien encore ce que cela donnera sur le long terme. Cette incertitude comporte des risques», expliquent les plus réticents.

Pour rassurer leur personnel, la semaine dernière, les grands patrons des groupes hôteliers ont donné l’exemple. Comme chaque mercredi, quelques hôtels autour de l’île s’étaient transformés en centre de vaccination pour permettre aux employés du secteur de se faire vacciner.

«Pou moi, sa vaccin la, se enn nécessité. Mo pa finn bizin refléchi. Surtout dan mo l’âge. Mo fek gagn 61 ans et mo diabétique. Mo péna okenn l’inquiétude, mo bien feel at ease», dit, pour sa part, Appadu Poonoossamy, employé à la réception de LUX Le Morne depuis 10 ans. Il faisait partie, ce mercredi, des quelque 100 employés du groupe LUX venus se faire vacciner à l’hôtel Sugar Beach, l’un des trois centres de vaccination dédiés au personnel de l’hôtellerie. Serein, il rejoint ses collègues dans la salle d’Observation, l’étape finale du processus de vaccination, au moment où l’équipe dirigeante de Beachcomber, elle, quitte les lieux. Avec la même satisfaction qu’Appadu Poonoossamy et sans aucune alerte durant la demi-heure d’observation obligatoire suivant la vaccination.

Protocole rodé

«Nous sommes très heureux d’avoir participé à cette campagne», a déclaré Gilbert Espitalier-Noël, CEO du groupe Beachcomber. «Je félicite les officiers de la Santé: tout l’exercice est mené de façon très professionnelle. Cette campagne est une étape importante qui nous mènera vers une ouverture de nos frontières que nous souhaitons rapide. Se faire vacciner est une décision qui appartient à chacun, mais il est clair que le pays ne va s’ouvrir que lorsqu’on aura atteint l’immunité collective. Nous espérons que cela arrivera vite afin que notre belle industrie puisse redémarrer», a-t-il souligné.

«Nous suivons le protocole et les directives du producteur du Covishield et communiquons au public les contre-indications telles qu’il nous les a présentées», explique un médecin. «Au fur et à mesure des découvertes, l’OMS fournit des mises à jour qui permettent de revoir ces contre-indications. Par exemple, l’organisation dit qu’il n’y a aucun danger pour les personnes immunodépressives. Ou encore que le vaccin pourrait être administré aux plus de 65 ans. Ce n’était pas l’information que nous avions jusqu’ici. Petit à petit, nous devrions être plus flexibles», explique un médecin. A la lueur de ces nouvelles informations et afin de rendre le processus plus fluide, la brochure explicative, la Consent Form et le «briefing» des médecins qui accueillent les candidats au vaccin vont être revus et simplifiés, confirme-t-on au ministère de la Santé.

Maintenant que la mécanique est bien huilée, les officiers de la Santé demeurent confiants d’atteindre les nouveaux objectifs. «Nous maîtrisons parfaitement le protocole. Nous avons suivi plusieurs webinaires avec le producteur du Covershield et recevons régulièrement des updates. Nous pouvons y apporter des ajustements afin que le temps de certaines interactions et étapes soit simplifié et le flot fluidifié», explique-t-on.

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