La vengeance…

Est-ce que le Premier ministre se serait lancé dans un vaste programme d’arrestations policières de ses opposants, pour ne pas dire ses adversaires politiques, par vengeance? C’est, en tout cas, le sentiment que l’on peut avoir avec la série d’arrestations, médiatisées, de ces derniers jours. Le fait que le DPP ait demandé publiquement au Commissaire de police de mettre fin à la pratique des arrestations rapides sur la base d’accusations provisoires qui, souvent, ne tiennent pas la route devant un tribunal, ne semble pas avoir diminué l’ardeur de la Special Stricking Team de la police. La preuve : les convocations du couple Singh aux Casernes centrales, la perquisition de son domicile suivie de deux nuits au cachot et d’une libération conditionnelle, sans opposition de la police. Rappel des principaux épisodes du feuilleton en cours. En juin de l’année dernière, Sherry Singh démissionnait avec fracas comme CEO de Mauritius Telecom. Il avançait l’avoir fait pour protester contre l’autorisation donnée par le gouvernement mauricien à une équipe de « techniciens » indiens, pour qu’ils installent du matériel d’écoute sur les équipements de Mauritius Telecom ! C’est ainsi que naquit l’affaire de sniffing. Blessé par ce qui fut qualifié de trahison par une de ses ministres, Pravind Jugnauth promit de « finir » Sherry Singh. Depuis, il essaye de réaliser sa promesse avec une utilisation maximale de l’appareil d’État, de ses instruments et de ses employés. Un audit américain sur le fonctionnement de Mauritius Telecom fut ordonné. Ses résultats n’ayant pas donné les résultats espérés, la Financial Intelligence Unit, l’organisme qui fit un accueil VIP au sulfureux Sobrinho, est entré en jeu pour geler les avoirs, multiples, de Sherry Singh. Ces mesures de rétorsion ne semblant pas avoir atteint le Maharajah auto proclamé, on exhuma l’affaire de vol de fils de cuivre, qui n’avait pas semblé intéresser outre mesure la police. Le dossier fut réouvert, l’enquête relancée, des perquisitions, des saisies et des arrestations effectuées.

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Grâce à des informations données – plantées ? – à la presse, en fin de semaine dernière, il était de notoriété publique qu’un « développement majeur » était attendu dans cette affaire. Le déveoppement survint lundi soir, devant les caméras de la presse, invitée à suivre les différentes étapes de l’opération. Surtout celles de la perquisition du château du Bout du monde. Est-ce que cette perquisition, ultra médiatisée, de la résidence du Maharajah auto proclamée avait pour objectif de retrouver des tonnes de fils de cuivre volés, des documents y relatifs ou tout simplement de permettre aux Mauriciens de découvrir la magnificence, digne d’un palais princier, de l’ex-ami intime et principal conseiller de Pravind Jugnauth ? Si c’est le cas, ceux qui ont monté cette opération ont oublié que la construction du palais a eu lieu du temps où Sherry était encore l’ami intime de Pravind et que, semble-t-il à ce moment, les organismes qui enquêtent aujourd’hui avaient ou fermé les yeux ou détourné la tête. À l’époque, il semblait que le calife ne prenait pas ombrage au fait que son vizir se bâtissait un palais plus beau que le sien. Que s’est-il passé depuis pour que ces deux hommes qui furent, des années durant, comme kanson ek simiz ne puissent plus se voir, même en peinture ? Espérons que le Maharajah, que son ex-ami a fait passer deux nuits à Alcatraz, finisse par le révéler un jour, au lieu de se contenter de déclarations vagues et générales sur le patriotisme, la lutte contre la corruption et le népotisme pratiquée par la kwizinn. En oubliant opportunément, à son tour, qu’il fut un des grands chefs de la kwizinn et un des principaux « élaborateurs » du menu qu’il dénonce aujourd’hui ! Puisque nous parlons cuisine, rappelons que, selon l’adage, la vengeance est un plat qui se mange froid. Encore faudrait-il que celui qui le cuisine dispose des ingrédients nécessaires pour réussir le plat. Or, à suivre la manière de faire de Pravind Jugnauth, il semblerait que ce ne soit pas le cas et qu’en faisant arrêter Sherry Singh et perquisitionner son palais, il s’est, une fois de plus, laissé emporter par son désir de vengeance en se lançant dans une opération qui pourrait se retourner contre lui. Cela dit, il faut préciser qu’il n’est pas question ici de défendre le Maharajah autoproclamé – dont on sait qu’il est loin d’être un saint–, mais de dénoncer les méthodes utilisées contre lui.

Jean-Claude Antoine

PS : La décision de l’ex-DPP d’assurer la défense de l’épouse de Sherry Singh interpelle plus d’un. Même s’il est légal que Satyajit Bolell reprenne sa robe d’avocat, est-ce moral qu’il prenne une affaire qui risque de l’opposer à ses anciens subordonnés ? La question mérite d’être posée.

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