L’alliance de l’opposition en questions

La priorité des priorités des partis de l’opposition parlementaire n’est pas la crise économique et ses possibles – et redoutées – conséquences sociales ; les retombées de la covid ; le redémarrage problématique du tourisme ou les pertes d’emplois annoncés, mais… la conclusion d’une alliance électorale. Oui, la priorité des priorités des leaders du MMM, du PMSD et du PTr est de conclure une alliance électorale pour des élections générales qui auront théoriquement lieu dans… quatre ans ! Dans un pays où, selon le regretté sir Satcam Boolell, un jour est une éternité en politique, voilà donc que les leaders s’engagent sur plusieurs années. Si aucune alliance gouvernementale – en dehors du MSM/MMM de l’année 2000 – n’est allée au terme de son mandat, comment croire qu’une alliance de trois partis de l’opposition remplie de contradictions et de comptes à régler tiendra quatre ans ? Mais aucun leader et aucun membre de leurs partis respectifs ne semble s’être posé LA question fondamentale : et s’ils ne remportaient pas les prochaines élections ? Cette possibilité – d’autres diraient cette évidence – ne semble pas troubler outre mesure les candidats à la concrétisation d’une alliance électorale, qu’ils semblent vouloir signer à n’importe quel prix, et le plus rapidement possible. Ne savent-ils pas que les promesses et serments de fidélité politique n’engagent pas ceux qui les font ? C’est ainsi que les questions qui pourraient fâcher et mettre en péril l’alliance en cours de construction, ses leaders n’en veulent pas. Mieux – ou pire, ils ont décidé de mettre de côté, carrément sous le tapis, « leurs différences d’opinion sur certains sujets. » Dans la liste des sujets mis de côté, figurent le recensement de la population, le redécoupage des circonscriptions ou encore la réforme électorale. Des sujets qui, dans leurs déclarations précédentes, auraient permis au gouvernement en place, en les manipulant, de remporter les dernières élections. Des dossiers qu’il fallait régler prioritairement pour que le système devienne enfin plus démocratique et échappe à la main-mise du gouvernement sur les institutions, affirmaient-ils.

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Dans le communiqué suivant la première réunion des leaders, il a été dit « qu’aucune discussion sur le leadership de cette éventuelle alliance ou encore sur les postes à responsabilités n’a eu lieu. » Et pourtant, Paul Bérenger, habitué à mettre la charrue devant les bœufs, avait déjà dit que c’était un des sujets prioritaires à la conclusion de l’alliance. Ces questions, a-t-il été déclaré, « seront abordées après qu’un consensus aura été trouvé sur un manifeste électoral. » Mais si les sujets mentionnés plus haut – dont le recensement et la réforme électorale – ainsi que le partage des postes de responsabilité dans le futur gouvernement de l’alliance, en train de se négocier, n’ont pas été abordés, de quoi ont donc discuté les trois leaders de partis, plus celui de l’opposition parlementaire ? Si les questions fondamentales ne sont pas abordées, comment peut-on arriver à un consensus ? Si toutes ces questions n’ont même pas été abordées, que vont-ils bien pouvoir mettre dans le programme gouvernemental commun ? Des analyses de la finale de Roland Garros, des projections des résultats des élections américaines, les menaces de Boris Johnson sur le non deal du Brexit ou quelle chanson remportera le disque de l’année 2020 ? Autre question pertinente sur l’alliance qui sera signée sans que les sujets de divergence soient abordés et solutionnés: comment fonctionnera cette alliance composée de trois dirigeants qui ne se sont jamais beaucoup et longtemps aimés et qui n’ont raté aucune occasion pour le faire savoir ?

Le fait objectif dans le tapage fait autour de cette alliance en train de se mettre en place est qu’il ouvrira un boulevard à Pravind Jugnauth en 2024. Pour faire campagne, il n’aura qu’à reprendre les nombreuses déclarations et attaques que les trois leaders ont fait les uns sur les autres au cours des derniers mois. A moins que – la politique mauricienne et ses revirements nous ayant habitués à tout et à son contraire – d’ici les prochaines élections, un ou deux signataires de cette alliance, en train de se faire, ne l’aient déjà rompue. Pour accepter quelques portefeuilles ministériels et autres postes de responsabilité au gouvernement. Dans le cadre d’une autre alliance, bien sûr.

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