Le 8 mars

— Ma chère, on est bien chic ce matin. Où tu vas comme ça ?

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— Je vais à la manifestation, comme tous les ans, toi. Tu as oublié ?

— Mais quelle manifestation il y a aujourd’hui ?

— Ne me dis pas que tu as oublié quel jour on est ?

— Qu’est-ce qu’on fête aujourd’hui ? L’indépendance, c’est dimanche, non ?

— Bien sûr, puisque le 12 c’est dimanche, mais aujourd’hui c’est le 8 mars, toi !

— Et alors, qu’est-ce qu’il y a comme ça le 8 mars ?

— Arrête de faire ton insignifiante avec moi, s’il te plaît ! Tu sais très bien que le 8 jars c’est la Journée internationale de la femme.

— Ah, c’est de cette journée-là que tu es en train de parler ?

— Tu dis ça sur un ton… mais c’est la journée où on reconnaît l’importance de la femme, toi.

— Une journée, tu trouves que ça suffit toi ?

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— C’est comme la fête des Mères. La maman elle est maman tous les jours de l’année, du matin au soir, mais c’est seulement une fois par an qu’on le reconnaît en lui donnait un petit cadeau.

— Je ne suis pas en train de te parler de la fête des mères, mais de la Journée de la femme !

— C’est pareil et, si tu veux mon avis, c’est plus hypocrite encore que la fête des Mères.

— Mais qu’est-ce qui t’arrive, pourquoi tu dis des affaires comme ça ?

— Parce que je le pense ! Pendant une année on écrase la femme, on la paye moins qu’un homme, elle fait le ménage, la cuisine et s’occupe des enfants pendant que son mari va à son entraînement de foot ou regarde la télé ! Et puis, le 8 mars on dit que c’est la Journée de la femme et tout le monde applaudit… à commencer par les femmes elles-mêmes !

— Écoute, si on regarde les affaires comme ça…

— Il n’y a qu’une manière de regarder les choses : on exploite la femme pendant 365 jours et le 8 mars on lui dit c’est sa fête. Un jour par an ! Et tu sais ce qui m’enrage le plus ?!

— Ayo, dis-moi un coup ce que tu as mangé comme ça ? Tu parles comme les féministes extrémistes…

— Elles ont raison toi. Je n’ai rien mangé du tout, je suis en colère parce que ale-vini, de 8 mars en 8 mars, rien ne change, ou si peu, pour la femme. Et tu sais ce qui m’enrage le plus ?

— On dirait qu’il y a beaucoup de choses qui te font enrager…

— Et comment ! Ce qui m’enrage le plus, c’est que beaucoup de femmes, comme toi, pensent qu’on leur fait une grande faveur en célébrant la Journée de la femme.

— Mais c’est un début, toi. Avant ça n’existait même pas le jour de la femme !

— Et qu’est-ce qui a changé depuis que le jour de la femme existe ? Dis-moi un coup, donne-moi un exemple !

— Là, tu me prends un coup comme ça, par surprise, il faut que je réfléchisse…

— Si tu as besoin de réfléchir ça veut dire que rien n’a changé ou pas grand-chose ! Allons prendre ton travail : est-ce que tu gagnes autant que tes collègues masculins, même si tu es plus qualifiée, est-ce que quand il y a une promotion tu as les mêmes chances ?

— Je dois reconnaître qu’il y a eu des progrès, mais qu’il reste beaucoup à faire au niveau des promotions. C’est toujours un homme qui est là-haut.

— Tu vois ! Allons prendre la maison. Chez toi, est-ce que ton bonhomme donne un coup de main, nettoie la maison, met le linge sale dans la machine et va faire les commissions ?

— Ayo, il vaut mieux qu’il ne fasse rien, toi ! Tu sais comment il a été élevé par ma belle-mère ! S’il fait quelque chose, il faut que je passe derrière lui, c’est une perte de temps !

— Allons prendre au niveau du pays. Est-ce qu’il y a des femmes qui occupent des postes de très haute responsabilité…

— Tu sais très bien comment ça a fini quand on a nommé une femme au Réduit !

— Je dois reconnaître que ce n’était pas le meilleur exemple ! Mais est-ce que depuis qu’on célèbre la Journée de la femme il y a plus de ministres et de députés femmes au Parlement ?

— Si tu poses la question à mon bonhomme, il va te dire qu’il n’y a pas la quantité et encore moins la qualité !

— Et pour une fois, je suis obligée de reconnaître qu’il n’a pas tout à fait tort. Et puis tu as remarqué ce qui se passe pour les célébrations du 8 mars ?

— Qu’est-ce que j’aurais dû remarquer comme ça ?

— La chose qui m’enrage le plus dans tout ça, c’est que ce sont des femmes — ministres, députées, membres de l’exécutif de partis — qui organisent les activités pour le 8 mars, pour faire venir le plus grand nombre de femmes à ces manifestations.

— Et tu n’es pas d’accord avec ça ?!

— Tu sais avec quoi je ne suis pas d’accord ? C’est que l’invité d’honneur de ces manifestations est toujours un homme : le PM ou le leader du parti ! Et les femmes qui vont à ces manifestations les applaudissent !

— Si on regarde les choses sous cet angle-là…

— Je te le répète, c’est la seule manière de voir les choses. À ce rythme-là, comme dit ma bonne, fam pou rest touzour deryer soley ! Mais où tu vas comme ça, de ce côté ? Le bus pour aller à la manifestation c’est par là-bas.

— Je ne dis pas que tu as raison à cent pour cent. Mais tu m’as fait changer d’avis : au lieu d’aller à la manifestation pour le 8 mars, je vais me livrer à une occupation cent pour cent féminine.

— Quelle occupation ?

— Je vais aller faire un bon shopping !

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