Le calife qui voulait prendre la place du vizir

Ce qui vient de se passer cette semaine à la MBC n’est pas une affaire interne à la station de Moka, mais l’illustration du fonctionnement du système pratiqué par le MSM depuis son arrivée au pouvoir. Un système privilégiant les liens familiaux, le copinage et la partisannerie politique aux dépens du mérite et de la compétence. Depuis son arrivée inattendue au pouvoir, le MSM — et ses alliés — a placé ses hommes et ses femmes à la tête de toutes les institutions du pays. Le problème c’est que la majeure partie des protégés placés étaient loin d’être compétents, comme on a rapidement pu s’en rendre compte. Non seulement beaucoup de ces nominés étaient incompétents mais leur appétit pour le pouvoir, leur envie d’avoir tout, tout de suite, en ne respectant rien, a donné lieu à des scandales que le MSM aura du mal à faire oublier. Depuis l’utilisation d’une carte de crédit – par inadvertance, une cinquantaine de fois – d’une présidente à l’auto augmentation de salaires d’une cadre d’une entreprise d’Etat, en passant par l’avocate non qualifiée mais nommée ou la présidente qui devient directrice-générale tout en jouant à la courtière. Sans oublier des ministres obligés de démissionner après la publication du rapport de la commission d’enquête sur la drogue. Ou un président par intérim qui, sans doute inspiré par des précédents, s’est cru autorisé à jouer l’ambassadeur d’un homme d’affaires étranger. Ce ne sont là que quelques exemples sur des dizaines de nominés MSM qui ont défrayé la chronique depuis 2015.
La MBC, qui est depuis des années la boîte de propagande du gouvernement en place et qui est censé en projeter une image positive, est devenue non seulement un endroit où caser les protégés, mais également un haut lieu de retournement de veste. Avant les élections de 2014, certains avaient déjà volé les images qui allaient servir à réaliser le clip Viré mam et furent récompensés. D’autres ont pris la même brosse à reluire en se contentant de changer seulement de cirage, passant du rouge à l’orange. Pour rester en place, pour se faire bien voir dans le système MSM, il faut dénoncer les autres et s’en débarrasser pour prendre leur place. C’est dans cette perspective qu’il faut analyser ce qui s’est passé cette semaine à la MBC. L’ex-président qui n’a aucune expérience de l’audiovisuel, mais a pris goût aux projecteurs, s’est dit pourquoi être un président à quelques dizaines de milliers de roupies alors qu’on peut devenir directeur général, non intérimaire, pour un salaire mensuel de plus d’une centaine de milliers de roupies? Pour effectuer ce changement, il faut tout simplement se débarrasser de l’intérimaire pour prendre sa place. Celui qui voulait devenir vizir à la place du calife fit appel à une de ces anciennes disciples rouges passées à l’orange et par ailleurs spécialiste des enregistrements piratés. Il suffisait de pousser l’intérimaire à prononcer quelques insultes contre les créolines – entendez des employés faisant partie de la population générale – et de l’enregistrer. L’étape suivante consistait à faire écouter l’enregistrement à des employées manipulées qui se sont senties insultées par les propos, de leur faire écrire une lettre de protestation adressée au calife qui voulait prendre la place du vizir, qui se chargea de faire parvenir la missive en haut lieu. C’est ainsi que le directeur général p.i. de la MBC fut poussé à la démission et que le président fut nommé à sa place. Qui dit mieux?
Au lieu de payer des scénaristes pour inventer des séries télévisées, Netflix devrait suivre l’actualité de la MBC et demander à un des retourneurs de veste d’enregistrer ce qui se dit dans les couloirs. Il y aurait matière à tourner plusieurs séries à succès avec des personnages hauts en couleurs, comme l’enregistreuse ou le calife devenu vizir et,  éventuellement avec, comme guest star, quelques membres de la fameuse kwizinn. Dont les stratégies ne donnent pas toujours une image reluisante du Premier ministre et de son gouvernement. Terminons par un conseil : le calife devenu vizir devrait faire attention à tout ce qu’il dit et écrit. Car un enregistrement non autorisé ou une lettre privée copiés sont tellement faciles à réaliser avec les nouveaux téléphones portables. Car si la nouvelle disciple orange a été capable de trahir son collègue pour faire l’ancien calife prendre la place du vizir, qui dit que, dans un avenir pas trop lointain, elle n’éprouve pas l’envie de piéger le nouveau vizir pour prendre sa place? Le nouveau directeur général de la MBC et tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à l’opération qui a conduit à la démission du DG p.i. devraient méditer sur cet adage : qui a trahi trahira à nouveau.

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Jean-Claude Antoine

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