Le chef inspecteur Bhoojawon : “Nous avons obligé le CP à se rétracter”

La Police Officers Service Union a finalement été autorisée à organiser sa marche pacifique jeudi dernier après une interdiction du commissaire de Police, Mario Nobin. Le président du syndicat, le chef inspecteur Jaylall Boojhawon, revient sur les détails du dernier affrontement entre le commissaire de Police et la Police Officers Solidarity Union (POSU).

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Quel est votre sentiment après avoir remporté, devant la Cour suprême, une victoire dans la bataille qui oppose votre syndicat au commissaire de Police ?

La POSU a remporté une victoire démocratique contre le commissaire de Police qui voulait nous priver de notre droit à l’expression et à la manifestation pacifique garanties par la Constitution. Le commissaire s’est auto-infligé une claque retentissante avec sa tentative avortée de nous museler. Samedi dernier, à son retour d’un de ses nombreux voyages à l’étranger, il a interdit la manifestation pacifique que nous voulions organiser le 29 novembre à Port-Louis. Pour lui, cette manifestation devait être interdite ,parce que « there are reasonable grounds to believe that the holding of the pacific march is likely to cause disruption of the life of the community in the region of Port-Louis ». Vous savez quel était l’objectif de la marche ainsi décrite dans notre demande ? « In a view to protest and sensitive the public against the injustices towards police officers regarding their rights, conditions of work, welfare and non-application of the provisions of the PRB report.» Comment cette manifestation pacifique des policiers pouvait-elle « cause disruption of the life of the community in the region of Port-Louis? » Nous avons alors consulté nos hommes de loi qui ont décidé de faire appel à la Cour suprême et, je tiens à le souligner, ils l’ont fait gratuitement.

Le commissaire de Police a demandé un avis légal avant de prendre la décision d’interdire la marche et surtout avec la raison invoquée ?

Je ne crois pas que Mario Nobin a sollicité un avis légal. S’il l’avait fait, on lui aurait déconseillé de prendre cette décision qui ne pouvait que le ridiculiser, une fois de plus. Mais ce que le commissaire voulait, c’était faire taire le syndicat qui ne fait que dénoncer son incompétence. N’oubliez pas que la manifestation avait pour but de dénoncer son incompétence sur une série de points précis. Alors, il s’est dit qu’en interdisant la manifestation, il allait pouvoir museler le syndicat, car une des caractéristiques de la force policière, c’est d’obéir sans protester aux ordres de la hiérarchie. Mais la POSU est un syndicat indépendant. Nous sommes donc allés en Cour pour défendre notre droit à la parole.

Que s’est-il passé en Cour suprême mardi ?

Il faut surtout savoir ce qui s’est passé avant. Lundi matin, quand le commissaire a appris que nous étions allés en Cour suprême où le juge l’avait convoqué pour qu’il explique les raisons de son interdiction, il a essayé de contourner le problème qu’il avait créé. Lundi après-midi, un officier de police est venu chez moi pour me remettre une lettre que j’ai refusé de réceptionner. Le lendemain matin, à 6h, un autre officier était devant ma porte avec la même lettre. C’était la lettre d’autorisation de la manifestation pacifique que j’ai refusé de prendre. Le commissaire n’a même pas eu la décence de se présenter en Cour, ni aucun des hauts officiers des Casernes centrales. C’est un officier du Parquet qui est venu remettre la lettre d’autorisation de la manifestation sans aucune explication, sans aucune justification. En plus, la lettre n’était pas signée du commissaire ou d’un de ses adjoints, mais d’un ASP qui ne travaille même pas aux QC des Casernes. Donc, Mario Nobin a annulé mardi une décision qu’il avait prise samedi. Pour être plus exact, il a été obligé de se corriger lui-même publiquement, de se rétracter, de faire marche arrière une fois de plus. Il a été obligé de s’administrer une claque magistrale qui démontre qu’il ne peut plus diriger la force. Il doit démissionner.

Parce qu’il ne s’est pas présenté en Cour suprême mardi dernier ?

Si les hauts gradés de la police ne répondent pas aux convocations d’un juge de la Cour suprême, que peut-on attendre d’un simple citoyen ? Lors de notre marche pacifique, jeudi, nous avons réclamé la démission de Mario Nobin et dit que son numéro deux, M. Jugroo, n’avait pas les compétences requises, n’a jamais travaillé sur le terrain, ne connaît pas les rouages de la police. Pis, il est passé sur la tête de six DCP pour devenir numéro deux et il est le cousin d’un actuel ministre.

C’est le président de la POSA qui doit choisir le prochain commissaire de police ?

Je suis le président de la POSU, qui représente la majorité des membres de la force policière. Ces policiers, qui vont travailler avec le prochain commissaire, doivent avoir le droit de dire ce qu’ils pensent. Ils demandent un commissaire qui connaît le fonctionnement de la police et comprend la souffrance des policiers. Nous disons aux décideurs que nous sommes à la veille de l’année des élections et que chaque décision prise aura des répercussions au moment du vote.

Vous dîtes que si les policiers ont un prochain commissaire qui ne les satisfait pas, ils pourraient voter contre ceux qui l’auraient choisi ?

Tout à fait. Il ne faut pas oublier que non seulement les policiers votent, mais aussi leurs familles et leurs proches, ce qui représente un nombre de voix appréciable dans toutes les circonscriptions. La frustration au sein de la force augmente. L’année dernière, nous avions eu 40 policiers à notre marche pacifique et jeudi dernier nous étions 150, qu’est-ce que ça veut dire ?

Que par rapport aux 12 000 policiers ils n’étaient pas nombreux à marcher avec la POSU jeudi dernier !

Dans une force policière où nous sommes syndiqués que depuis deux ans ; où nous avons été habitués à ne pas nous exprimer ; où les représailles pour ne pas soutenir la POSU existe, cela veut dire que le nombre de policiers prêts à se battre pour la reconnaissance de ses droits est en train d’augmenter. Cela veut aussi dire que la POSU est un syndicat qui means business, n’est pas une marionnette, comme d’autres, entre les mains du commissaire. Avec ce qui s’est passé en Cour mardi, nous allons continuer notre action, même si le commissaire refuse de nous recevoir.

Il n’y a pas que le commissaire de police qui refuse de recevoir les dirigeants de la POSU. Le Premier ministre et le ministre mentor figurent aussi sur la liste des dirigeants qui ne vous reçoivent pas.

Vous avez raison. Nous avons envoyé trois lettres au Premier ministre et au ministre mentor pour solliciter une réunion d’urgence sur les problèmes de la police, nous n’avons pas encore eu de réponse. En septembre dernier, onze membres de notre syndicat ont manifesté avec des pancartes devant l’Hôtel du gouvernement et des lettres ont été déposées de nouveau pour réclamer une réunion d’urgence. Toujours pas de réponse à ce jour. Je le redis : nous allons entrer dans l’année pré-électorale, les policiers et leurs parents votent et il ne faut pas les traiter comme des paillassons. Le Premier ministre et le mentor doivent réaliser qu’il existe une frustration grandissante dans la police et prendre les mesures nécessaires pour régler les problèmes et mettre fin, entre autres, aux transferts punitifs.

Et, pourtant, le commissaire de police a récemment déclaré qu’il n’y avait pas de transferts punitifs dans la police.

Pas plus tard que lundi dernier, un ASP a été transféré sans raison officielle, mais officieusement parce qu’il aurait été proche de l’ancien gouvernement. La POSU va revenir bientôt plus en détail sur ce transfert. Je renvoie le commissaire de police à la déclaration faite par le ministre mentor au Parlement dans le cas de la policière Toinette. Il avait déclaré que c’était un cas de transfert punitif et avait réclamé l’ouverture d’une enquête rapide, dont on attend toujours la conclusion. Voilà le type de commissaire qui dirige la police de la République : il est obligé d’annuler ses propres décisions, il ne répond pas aux convocations de la Cour suprême et dément les déclarations de son ministre de tutelle au Parlement. Et vous vous étonnez que la POSU réclame la démission de ce commissaire ?

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