Les pourritures recyclées

Qu’est-ce qui se passe dans ce pays? D’un côté, un gouvernement honni et, de l’autre, des oppositions qui présentent un visage tout aussi lamentable. Nous disons bien les oppositions parce que, à bien voir et malgré les critiques récurrentes contre les partis dits traditionnels, ceux qui aspirent à prendre leur place présentent, avant même d’obtenir le plus petit mandat électif, les mêmes tares et les mêmes travers que ceux qu’ils dénoncent.
Entre les partis parlementaires qui peinent à trouver un terrain d’entente, ne serait-ce que sur la tenue d’un rassemblement conjoint à Quartier Militaire/Moka et les valses à mille temps au sein des formations extraparlementaires, c’est difficile d’être rassuré.
Si l’exercice d’hier à la Place Bissoondoyal peut être considéré par son initiateur comme étant satisfaisant, la question est de savoir comment organiser la suite. Ce n’est pas avec un attelage disparate et des individualités connues pour leur aversion réciproque et des pourritures recyclées que l’on bâtit un projet d’avenir et que l’on construit une équipe de gestionnaires nationaux.
Hier, à Port Louis, les “citoyens” qui ont eu un accueil chaleureux étaient le Pandit Sungkur, celui qui, en 2012, avait obtenu un terrain sur les Pas Géométriques à Trou aux Biches pour construire son restaurant, Sherry Singh, pas vraiment bien maquillé et plutôt chiffonné pour l’occasion et des personnes qui ont été étrillées pour leur proximité avec des trafiquants de drogue lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes soupçonnés de trafic de stupéfiants.
Il ne manquait, en fait, que Heman Jangi pour compléter ce tableau aussi rare qu’exceptionnel, lui qui a été invité par Bruneau Laurette à venir prendre la parole au rassemblement d’hier. Mais qu’on se rassure, le spectacle était quand même au rendez-vous.
Avec cette passe d’armes entre Percy Yip Tong et Georges Ah Yan, le premier, dont on connaît la constance, refusant de céder son micro pour saluer l’arrivée de Navin Ramagoolam. Dans le genre comédie stand up, on peut difficilement faire mieux!
Bruneau Laurette est certes quelqu’un qui sait mobiliser même s’il n’est pas près de rééditer l’exploit, véritablement citoyen, du 29 août 2020. Mais il n’arrête pas de susciter des interrogations quant à son véritable agenda.
Malgré ses annonces fracassantes, il n’a jamais été en Ukraine combattre contre la Russie. L’important pour lui étant de balancer un truc assez gros pour capter l’attention même s’il n’y aucune suite à ses effets d’annonce.
Il a été un membre fondateur enthousiaste de Linion Pep Morisien avant de démissionner avec fracas au beau milieu d’un rassemblement public de cette formation. Il a piqué une grosse querelle avec Ivann Bibi allant même jusqu’à lui réclamer Rs 25 millions pour diffamation.
La raison étant qu’Ivann Bibi l’avait traité “d’agent du MSM”, décidément l’insulte la plus insupportable du moment, de “raciste” et “d’opportuniste” et qu’il pratiquait même du “dirty politics” en raison de son financement allégué par une grosse firme. Ils se sont réconciliés depuis. Et ce sont ceux-là qui dénoncent les petits arrangements entre amis des formations mainstrean? Non!
La seule bonne nouvelle du moment, c’est celle qui provient des prétoires. Après le travail consciencieux accompli par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnauth dans l’affaire Kistnen, quelques décisions récentes devraient venir mettre un peu de baume au coeur de ceux qui ont complètement perdu confiance dans tout, y compris le judiciaire.
Il y a eu la condamnation de l’Etat et de la police “pour faute lourde” par la Juge Rita Teeluck dans une affaire de brutalité et de torture. La victime: un pêcheur de Tamarin qui fut menotté et qui a eu les pieds enchaînés sur son lit d’hôpital. L’affaire remonte à janvier 2009.
La juge a ordonné à l’Etat de dédommager le torturé de la police à hauteur de Rs 100,000. Ce n’est peut-être pas grand chose mais l’affaire revêt un symbolisme particulier dans la mesure où il s’agit d’un citoyen lambda sans grands moyens ni influence qui a lutté, avec son avocat Me Yayha Nazroo, pour faire respecter ses droits.
Cette affaire indique aussi que les méthodes n’ont pas beaucoup changé et on ne peut que regretter, qu’en son temps, l’affaire n’avait pas eu autant de retentissement que de tels procédés ignobles auraient aujourd’hui suscité.
Le pêcheur a obtenu justice et cela envoie un signal fort à tous ceux qui croient que l’uniforme leur donne tous les droits, dont ceux d’aller perquisitionner chez n’importe qui sur la base d’informations farfelues ou de traiter des prévenus comme des moins que rien.
Jeudi, Ivann Bibi a obtenu du Juge Nicolas Ohsan-Bellepeau une injonction interdisant à la police de procéder à son interrogatoire “under warning”. La police voulait l’interroger sur sa participation alléguée à la manifestation dite “tank vid” au front de mer de Mahébourg le 21 mai dernier.
Autre décision récente qui a retenu l’attention, celle de la juge Johan Moutou-Leckning d’ordonner à la compagnie People Turf PLC Ltd, sponsorisée et dopée à coups de permis express par le gouvernement, de ne plus installer son “eyesore” d’échafaudage enveloppé de bâches, ou des sac-poubelles plutôt, devant les loges de la MTC, empiétant ainsi sur ce qui constitue sa propriété privée.
Le réveil du judiciaire est, pour dire le moins, lent. Des arrêts cruciaux comme sur la plainte de Resistanz ek Alternativ concernant l’obligation de la qualification ethnique pour se porter candidat à une élection générale, ont beaucoup déçu.
Il faut maintenant espérer que ce qui se passe au niveau des jeunes juges n’est que le début d’une ère nouvelle faite d’audace et de décisions qui vont dans le sens du progrès et de la véritable équité.
Savoir qu’il peut encore exister un dernier rempart contre les dérives d’un gouvernement et de ses lois scélérates et une protection ultime contre la perversion des institutions est réconfortant. Pourvu que ça dure.

- Publicité -

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -