Les prix de consolation

Non, ce n’est pas normal. C’est, contrairement au justificatif de l’animateur, l’auditeur qui avait raison lorsqu’il est intervenu sur une radio privée hier matin pour déplorer que le candidat battu du Muvman Liberater Seety Naidoo ait été réinstallé par son leader, qui présidait le conseil des ministres, vendredi, au poste de président du Central Electricity Board. Poste qu’il avait abandonné pour être candidat aux dernières élections générales dans la circonscription de Rose Hill/Stanley aux côtés précisément de son leader Ivan Collendavelloo. Si ce dernier a pu se hisser à la troisième place et que son élection est doublement contestée devant la Cour suprême par un candidat du Reform Party et par le MMM qui demande un recomptage des voix, la marge entre lui et la troisième candidate mauve Jenny Adebiro n’étant que de 92 voix, Seety Naidoo, lui, est sorti bon sixième à cette élection. Or, on dirait que c’est ce qui le qualifie d’office pour retrouver son poste, réservé, de président du CEB.

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Stéphane Hessel doit se remuer dans sa tombe s’il savait que ceux qui sont censés aider à une saine réflexion sur la conduite des affaires publiques ne sont plus capables de s’indigner devant pareil scandale. Parce que c’en est un. Pourquoi ce protégé du leader du ML doit-il absolument être casé dans un des services qui relèvent de sa tutelle ? Nous ne disons pas qu’il est capable de se tromper de câbles et provoquer l’explosion d’un transformateur du CEB, mais il s’était quand même bien mélangé les pinceaux lors d’une intervention publique lors de la campagne électorale en parlant de “Lalians MMM-ML”. Les propos racistes qu’il a tenus lors d’une réunion politique auraient dû, par ailleurs, le disqualifier de toute responsabilité à la tête d’une institution publique, mais non, cet agent est du ML, il doit obligatoirement avoir une place de choix dans le réseau de son leader. S’il est jugé si compétent, il aurait pu et dû être affecté ailleurs. Comment présider aux destinées d’un important organisme d’État lorsqu’on est toujours activement engagé dans la politique partisane ? La réponse à cette question est sans doute dans la devise du ML “Government is Government and Government decides”.

Ce n’est pas parce qu’il y a un gouvernement fraîchement reconduit que l’on doive platement s’écraser devant tous ses décrets et ses décisions, même celles qui ne vont ni dans le sens de l’assainissement du fonctionnement des institutions ni dans celui de la bonne gouvernance. À ce rythme, certains pourraient même considérer comme judicieux que Prakash Maunthrooa devienne un des commissaires de l’ICAC et que Kalyan Tarolah soit fait protecteur des jeunes filles en détresse.  Ça doit relever du même degré élevé de l’éthique et de la morale que de suggérer, comme l’a fait un vociférateur patenté, hier, que ce soit l’auteur de la désormais fameuse formule “femel lisien” qui soit nommé Attorney General. On aura tout entendu ! Il y a des jours où l’on peut comprendre ceux qui sont d’avis que les radios, pour utiles qu’elles soient, poussent parfois à l’abêtissement général plutôt qu’à une élévation du niveau du débat public. C’est, il est vrai, la saison postélectorale des prix de consolation aux déchus, aux battus, aux oubliés, aux écartés, aux affamés, aux frustrés, mais cela ne devrait pas constituer un exercice de provocation et un moment de grande indécence. Cela commence avec le président de la République, le vice-président, le Speaker, dont on commence à avoir enfin des bribes de son passage mouvementé à l’ambassade mauricienne au Caire de 2001 à 2004, et cela s’étend même à tous les postes de responsabilité dans le public.

Le lundi 2 décembre était, à ce titre, contrasté pour ceux qui se font une idée un peu utopique de la notion de nation et celle de l’État. Juste après le rendez-vous partisan de la State House, on a vite zappé pour voir la cérémonie d’hommage aux Invalides aux 13 militaires français morts au Mali et celle organisée à Londres pour saluer les victimes de l’attaque terroriste de la semaine dernière. Un moment de vraie communion avec la participation de tous les dirigeants politiques. Dev Manraj, un contractuel, qui a donc le statut d’un nominé politique et qui l’a été sous les gouvernements successifs de Navin Ramgoolam, de SAJ et de Pravind Jugnauth, et qui n’avait pas hésité à se rendre au Sun Trust, alors que l’on aurait pu croire qu’il exerce un devoir de réserve, est celui qui remplace le fonctionnaire Nayen Kumar Ballah comme Cabinet Secretary. Il n’y a plus de hiérarchie dans le service public ? Om Kumar Dabidin, qui avait joué un rôle non négligeable dans l’affaire MedPoint, vient d’être nommé Senior Chief Executive à la Défense et aux Affaires intérieures au mépris de la méritocratie et de la hiérarchie.

Rudy Veeramundur, celui qui avait été remettre à Navin Ramgoolam les enregistrements des conversations tenues lors du tea party chez Madame Manrakhan visant le directeur d’Air Mauritius Nirvan Veerasamy, a réussi son pari de s’installer à la tête du Gouverment Information Service. Au terme d’un bras de fer légal, le fonctionnaire Lutchmeeparsad Ramdhun, qui était le directeur par intérim du GIS, a fini par jeter l’éponge et c’est ce qui a permis au nominé politique de prendre la direction de ce département. Et là, curieusement, on n’entend pas les syndicats de fonctionnaires. On leur a cloué le bec avec une avance de Rs 1 000 payable fin janvier 2020. Quant à ceux qui justifient l’injustifiable au motif que l’équipe dirigeante a tous les droits parce qu’elle a eu un nouveau mandat, il serait peut-être utile qu’on se souvienne que les plus grands fascistes de l’histoire avaient eux aussi obtenu un mandat populaire. Une élection, d’autant plus qu’elle est à majorité relative, ne donne pas tous les droits. Surtout celui de l’exercer à l’excès.

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