Mr Bribe électoral

C’était le jeudi de tous les rendez-vous. Pendant que le Conseil des ministres délibérait sur le rapport du Pay Research Bureau, les rappels allaient bon train dans les médias quant à l’obligation de remplir sa fiche d’impôt 2021 avant le 15 octobre, faute de quoi de lourdes pénalités seraient appliquées.

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Dans les villes, ce même jeudi, les agents de l’ordre et ceux de la National Land Transport Authority étaient curieusement de sortie en nombre sur le terrain pour traquer ceux qui étaient garés sans la vignette de parking d’usage, les uns pour appliquer les sabots de Denver et les autres pour coller une contravention sur le pare-brise des automobilistes. Comme si des instructions avaient tété données de ramasser le plus d’argent possible. Le PRB, on le paie d’une main et on le récupère de l’autre, de tous les contribuables et, notamment, ceux du privé. C’était en tout cas un sentiment d’exaspération qui animait les usagers de la route ce jeudi jour de l’annonce, en grande pompe par le Premier ministre lui-même, du paiement de la nouvelle grille salariale du PRB dans l’administration publique et les corps para-étatiques, ces coûteuses sinécures pour la plupart inutiles et qui ne servent qu’à acheter proches et agents.

Pour ce qui est considéré comme les bonnes nouvelles, il faut souligner que c’est toujours Pravind Jugnauth qui monte en première ligne en s’assurant que les habituels taper latab accueillent chacune de ses annonces avec les applaudissements sonores d’usage. Pour les mauvaises nouvelles, comme la taxe de Rs 2 sur le litre d’essence pour acheter de gros volumes de vaccins qui ne sont reconnus que dans les pays qui les produisent, c’est annoncé ou, du moins, noyé, par le ministre des Finances dans un long discours du budget.

Lorsqu’un Premier ministre, qui vient de dire que le « pays est à genoux » et qu’il va quand même au-delà des préconisations d’un rapport venant d’un comité censé être indépendant et qu’il pratique une générosité déplacée avec les fonds publics, c’est qu’il a un agenda. Il est évident qu’il a dû repousser les municipales, qui devaient normalement se tenir en juin dernier, pour se donner le temps de trouver des cadeaux à distribuer avec l’argent public. Il doit avoir en tête l’organisation des municipales en décembre, juste après le paiement des arriérés payés en forme de lump sum à la fin de novembre.

Est-ce que le succès sera une nouvelle fois au rendez-vous pour Mr Bribe électoral, celui qui ne peut pas envisager un scrutin sur la seule défense de son bilan, de sa politique, d’un programme basé sur l’intégrité, la transparence et la bonne gouvernance, sur la fin de la corruption et du népotisme ? Comme il n’y a rien de ce côté-là à offrir à la population, aucune exemplarité à proposer pour obtenir l’adhésion, c’est plus facile de défoncer la caisse pour caresser l’électorat dans le sens du poil et essayer de recueillir des votes. Comme le coup de la pension !

Pas sûr toutefois que les électeurs des villes fantômes, crasseuses, défigurées, au réseau routier dégueulasse, à l’indigence culturelle et sportive sans précédent, se laisseront si facilement acheter, même s’ils sont nombreux à être suffisamment dépités pour dire qu’ils feront l’impasse sur ce scrutin régional qui, au fil des années et de l’ingérence politicienne quotidienne du gouvernement central, a perdu de son lustre d’antan. Les électeurs des villes pourraient peut-être rejeter la politique si outrancièrement clientéliste du MSM et de ses affidés. Et sanctionner le Premier ministre pour ses comparaisons inappropriées et malsaines selon lesquelles les salariés du privé ont eu une assistance Covid, leur «bout», pendant que le pays était à l’arrêt. Ce qui n’a rien d’exceptionnel, tous les pays ayant aidé leur machine industrielle à tourner, même au ralenti, pour qu’elle ne s’écroule pas.

Et que c’était maintenant au tour des fonctionnaires d’avoir leur «bout», d’être «récompensés». On ne parle d’abord pas de la même chose, là. Entre allocation de subsistance pour perte ou ralentissement d’activités et augmentations généreuses à ceux qui ont encore du chemin à parcourir pour démontrer leur efficacité, il y a de grosses nuances à introduire. Les idéologues aiment répéter que le privé est là pour faire des profits et que l’administration publique, elle, est un secteur de service avant tout. Justement pour le service: à quand la performance et l’efficacité ? Parce que 6,5 milliards de l’argent du contribuable, c’est pas rien !

Les milliards, il n’y a que ça qui intéresse ceux qui nous gouvernent suite à un accident de casting et de positionnement aux dernières élections générales. Jetées par la fenêtre, les Rs 1,2 milliard dans le bonanza des achats Covid de l’année dernière, les Rs 5,4 milliards de Betamax, les Rs 4,7 milliards de la Côte d’Or mal taillée parce que c’est la nouvelle capitale, celle où tout se passe parce que c’est dans la circonscription de Pravind Jugnauth.

Car, malgré le ton du Premier ministre lorsqu’il a énuméré jeudi la distribution des divers cadeaux aux fonctionnaires, comme si c’était de sa poche, de celle du MSM ou du Sun Trust que provient cette manne, le fait cru, brutal qui demeure, c’est que c’est le contribuable qui casque, celui qui, parfois, avec rage, a dû payer son impôt en pensant aux longues files d’attente dans lesquelles il doit patienter pour obtenir le plus petit service dans le public. Et que dire de ce paradoxe qui veut que les pénalités pour retard de paiement de la taxe s’appliquent immédiatement et que, pour récupérer leur argent, des retraités doivent longuement attendre avant d’obtenir leur dû.

Comme opinait quelqu’un qui est toujours en attente de son allocation du NSF pour pouvoir subir une intervention chirurgicale : peut-être qu’ils font exprès et qu’ils attendent que ces vieux meurent avant de débourser. Ce qui serait pousser le cynisme et la cruauté à l’extrême…

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