NAUFRAGE — AU LARGE DE POINTE-D’ESNY : MV Wakashio : les grandes manœuvres

Depuis ces dernières 36 heures, le vraquier nippon, battant pavillon panaméen, avec le gouvernail endommagé, a changé d’angle sous les effets des houles

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Deux remorqueurs, le Standford Hawk, rejoint depuis hier par le VB Cartier de La Réunion, déjà sur place, avec un troisième venant d’Oman attendu à Port-Louis demain soir ou mardi matin

Un premier constat : l’Engine Room N°6 inondé par l’eau avec une opération de pompage dans de cuves vides enclenchées

Le ROV (robot avec caméra) d’Immersub Co. Ltd mis à contribution pour le constat de l’état de la coque du navire en détresse

 

Les premières grandes manœuvres de l’opération de renflouage du MV Wakashio, bulk carrier nippon, battant pavillon panaméen, drossé depuis une semaine sur les brisants au large de Pointe d’Esny, sont enclenchées. Un premier constat, visible à l’œil nu : le vraquier a changé d’angle depuis vendredi sous les effets des houles et des courants. Deux remorqueurs, équipés pour l’opération de sauvetage, le Standford Hawk et le VB Cartier venant de La Réunion, devaient être sur place à partir de ce week-end, avec un troisième, l’AHT Expedition, basé à Oman, et qui fait route vers Port-Louis, attendu sur les lieux du naufrage en début de semaine, soit lundi soir ou mardi. Entre-temps, une équipe de six salvors, menée par le capitaine Lars Telmar, héliportés depuis vendredi à bord du MV Wakahshio, ont déjà entrepris un premier survey de la situation, avec la confirmation que le gouvernail a été endommagé alors que l’état des hélices n’a pu être évalué en raison de l’état de la mer. Le programme de travail établi est que le comité de coordination sous la supervision du Director of Shipping, Alain Donat, devra pouvoir disposer ce week-end d’un premier rapport préliminaire en vue d’ajuster le refloatation plan soumis par la salvage team de Smit Salvage des Pays-Bas.

Dès leur arrivée sur le pont du vraquier, vendredi, le capitaine Telmar et les autres sauveteurs marins ont pris connaissance du general arrangement plan du MV Wakashio et procédé à une inspection systématique du navire. Des informations recueillies de sources sûres indiquent que lors des vérifications des quartiers réservés au capitaine du MV Wakashio, tous les équipements, notamment le radar, les moyens de communication externes et internes sont en état de marche, alors que la fourniture d’énergie électrique était assurée.

Cette équipe de salvors a obtenu la confirmation que le gouvernail du vraquier, qui faisait route vers le Brésil avec 3 800 tonnes de carburant, a été endommagé, avec des risques pour les hélices. Mais à hier après-midi, en raison des conditions météorologiques et de la topographie des lieux du naufrage en haute mer, aucun risque n’a été pris pour ces vérifications.

L’exercice d’évaluation a indiqué que l’engine room n’6 est inondée et la cause est qu’un tuyau d’alimentation est crevé. Jusqu’ici, des opérations de pompage d’eau de cette salle des machines sont en cours et pour éviter des risques de pollution, l’eau est transférée dans des cuves vides au lieu de la rejeter en mer. Le constat établi par les sauveteurs est que ce problème ne devrait pas affecter les autres étapes de la salvage operation.

Pas d’appréhension

Le seul unknown dans l’équation du renflouage concerne l’état de la coque du MVB Wakashio. Les plongées envisagées autour du vraquier depuis le début de la semaine écoulée avec les professionnels d’Immersub Co. Ltd. et ceux de la Special Mobile Force n’ont pu se dérouler par mesure de sécurité. Mais, les salvors affirment que l’on ne devrait pas trop entretenir d’appréhensions, car aucune fuite du vraquier ou d’entrée d’eau de mer dans les cales n’ont été relevées jusqu’ici.

Compte tenu que cette inspection de la coque constitue une condition sine qua non pour élaborer l’opération de renflouage, les spécialistes pourraient avoir recours à la mise en eau du ROV (robot avec caméra) de la compagnie Immersub Co. Ltd. Au cas où la coque du MV Wakashio serait en bon état et sans aucune possibilité de fuite, l’opération de sauvetage pourrait être envisagée sans avoir à dévider les réservoirs de carburant. Mais cette option dépendra davantage de l’aval des autorités mauriciennes par rapport à l’environnement.

Un aspect crucial de la mission des salvors sera de récupérer le voyage data recorder (boîte noire) du vraquier. Le décryptage de la mémoire de la boîte sera mené conjointement par les spécialistes de la National Coast Guard travaillant en étroite collaboration avec des officiels de la Shipping Division. Les sauveteurs pourraient pendre possession de cette piece of evidence aujourd’hui en vue de la remettre aux autorités compétentes.
Les autorités ont accusé réception hier, de nouveaux équipements antipollution et autres heavy equipments pour les opérations de renflouage. Ces conteneurs sont arrivés à Maurice par avion-cargo en provenance d’Afrique du Sud. L’hélicoptère de la police n’a pas été en mesure d’assurer le transfert de cette logistique en raison d’un problème de poids, mais un convoi de camions fut organisé jusqu’au NCG Command Post de Pointe d’Esny.
Ce dimanche matin, une réunion de coordination, regroupant des représentants de la Santé, de l’Environnement, de la Shipping Division, de la Pêche, de la police et des salvors à bord du Wakashio est prévue pour prendre connaissance des derniers développements sur les lieux du naufrage et décider des prochaines étapes.

En 2016
Dérive du MV Benita au large du Bouchon

Le 17 juin 2016, le cargo MV Benita échouait sur la côte du Bouchon. A bord du battant pavillon libérien, 24 marins et 174 tonnes d’huile lourde. Le bateau, mesurant 181m de long et 30m de large, construit en 1998, faisait cap sur Durban quand un incident a éclaté entre deux marins qui en sont venus aux mains. L’un d’eux a été gravement blessé. Le suspect, Taton Omar Palmes, un Philippin de 38 ans, s’était enfermé dans la salle des machines et a ensuite coupé tout le système du navire le laissant à la dérive.
La garde-côte nationale avait été alertée quant à un début de mutinerie sur le bateau dans la soirée du 16 au 17 juin. Au-devant des risques pour dégager le MV Benita qui était immobilisé sur les récifs, différentes unités internationales spécialisées en salvage operations ont été sollicitées. Plusieurs craintes avaient été soulevées du fait que le lit de rochers s’était retrouvé encastré dans la cale du vraquier nécessitant une perforation. Pour éviter un maximum de dégâts, une opération de pompage des tonnes de fioul du réservoir du MV Benita a eu lieu. C’est notamment l’hélicoptère Dhruv de la police qui s’est attelé à cet exercice minutieux pour la transportation de 22 000 litres, placées dans des cuves stockées sur un terrain de foot non loin du Bouchon. Une opération qui a duré plus de quatre jours avec également la participation des hélicoptères Alouette 3 et Le Fennec. Les 174 tonnes de carburants récupérés devaient être transférées par l’hélicoptère Squadron à la raffinerie Virgin Oil Ltd. Ce n’est qu’après ces quatre jours de travail et l’exercice de pressurisation des cales qu’a pu démarrer l’opération de renflouage. Opération menée par la Swire Salvage Emergency Response.
Trois remorqueurs ont été untilisés pour aider le MV Benita, après plus d’un mois bloqué sur les rochers du Bouchon, à prendre le large. Cela non sans que des habitants de la région aient alerté à plusieurs reprises la présence d’un liquide noirâtre, semblable à de l’huile lourde, dans le lagon. Si ce déversement « minime » avait été attribué à l’exercice de pressurisation des cales, avec pour résultat que des restes d’huiles lourdes se soient répandus dans le lagon, pour limiter les dégâts des Sea Booms avaient été installées par la NCG. Il y avait également un close-monitoring de la situation au large du Bouchon quotidiennement par les éléments du ministère de l’Environnement, ainsi que des experts grecs de la société Five Oceans Salvage S. A, sous les yeux des pêcheurs de la localité, pour nettoyer et préserver le lagon.
Après 38 jours, le MV Benita a repris le large, se heurtant toutefois à des difficultés lors de son remorquage vers le cimetière de navires d’Allant, dans l’ouest de l’Inde, plus précisément au Gujurat. Il a fallu un changement dans la stratégie de remorquage du navire abîmé qui a finalement sombré à 93,5 miles nautiques de Maurice à une profondeur de 4400m.

 

En 2013

Violente explosion à bord du MV Hansa Brandenburg

Sept ans de cela, à la même période, soit le 15 juillet 2013, une violente explosion s’était fait entendre à bord d’un porte-conteneurs, le MV Hansa Brandenburg, au large de Maurice. Cet accident est arrivé alors que le MV Hansa Brandenburg, en provenance de Hong Kong et se dirigeant vers Durban, se trouvait à 450 kms au large de Maurice avec à son bord 17 membres d’équipage. Un violent incendie s’en est suivi. Répondant à l’appel de détresse du Hansa Brandenburg, le Donau Trader, un cargo qui naviguait dans les parages s’est dérouté pour lui porter assistance, et a pu prendre à son bord les 17 membres d’équipage du porte-conteneurs. Par miracle, un seul de ses membres d’équipage a été blessé légèrement. L’équipage a été emmené à Maurice. L’intervention rapide des secours mauriciens a permis d’éviter la catastrophe et l’incendie a pu être maîtrisé, sans occasionner ni pollution ni fuite d’hydrocarbure.
Après une nuit de convoyage, le navire de 175 mètres de long pour 27 de large, construit en 2003, a pu être ramené à Port-Louis pour inspection et réparation. Deux sociétés de sauvetage Five Oceans et SMIT Salvage avaient alors été sollicitées pour commencer à travailler sur le sauvetage du MV Hansa Brandenburg et de sa cargaison. Le Hansa Papenburg, un navire jumeau du Hansa Brandenburg, se trouvant à proximité devait aussi surveiller la situation et apporter son soutien au besoin.

 

En 2011

Le pétrolier MV Angel, drossé  sur les récifs de Poudre d’Or

C’est dans la nuit du vendredi 5 août 2011, que le MV Angel 1, s’était drossé à un peu moins de trois milles nautiques de la côte de Poudre d’Or. De Singapour, le vraquier panaméen, long de 197 mètres, faisait route vers la Côte d’Ivoire avec une cargaison de 33 000 tonnes de riz quand il a eu une panne de moteur. Ce qui a contraint le capitaine de se rapprocher de Maurice pour des réparations. Mais trois jours après le capitaine devait constater que les hélices étaient endommagées et que la salle des moteurs se trouvait sous huit mètres d’eau. Les nombreux dégâts subis par ce vraquier ont fait craindre un risque de marée noire. Voulant éviter toute catastrophe environnementale, les autorités mauriciennes ont déployé de gros moyens pour rétablir la fourniture d’énergie électrique à bord du vraquier pour démarrer une semaine après le naufrage, le pompage des 1000 tonnes de carburant dans le Bunker Barge Minorque affrété d’une des compagnies pétrolières opérant à Maurice. En guise de mesures de précautions, un plan anti-marée noire avait été mis en place et plus d’un kilomètre de bouées anti-marée noire ont été placées autour du cargo et dans le lagon de Poudre d’Or. Outre l’appui logistique de la Police Helicopter Squadron pour pas moins de 200 rotations entre le hélipad improvisé sur le terrain de football de Belmont à Poudre d’Or au MV Angel 1 pour le transfert des techniciens matin et soir, aussi bien que des équipements susceptibles d’être héliportés, la coopération des pêcheurs de la région pour un monitoring de la situation avait aussi été sollicitée. Les remorqueurs de la Mauritius Ports Authority, le Labourdonnais et le Sir Gaëtan Duval, étaient aussi engagés dans l’acheminement de matériels plus lourds, notamment des compresseurs et des générateurs à être installés et opérés à bord du cargo en détresse.

Pour désenclaver le MV Angel 1 des récifs de Poudre d’Or, deux remorqueurs, le Mahanuwara, d’une capacité de 6 000 chevaux vapeurs, affrété d’un chantier naval du Sri Lanka, et le N’Dongeni du Mozambique, devaient faire partie du Salvage Plan et remettre à flot le MV Angel 1. Le fioul dans les cuves ainsi que du riz ont ainsi dû être enlevés du cargo pour le renflouer et ce n’est qu’après trois mois et demi de travaux assidus sur le MV Angel 1 dans des conditions difficiles que le bateau a été finalement désenclavé des récifs de Poudre d’Or. Toutefois, le MV Angel 1 n’avait pas tenu le choc suite à sa collision avec la barrière de corail de Poudre d’’Or.
Le navire se trouvait à 10 milles nautiques du littoral quand les plongeurs de la firme grecque chargée de son renflouage se sont rendu compte qu’il était irréparable, avec notamment des fissures sur une surface de 40 m de long et de 10 m de large sur la coque. La décision a alors été prise de le remorquer le plus loin possible de Maurice. Dans la soirée du samedi 26 novembre, le cargo panaméen a coulé par 4 400 mètres de profondeur à 36 milles nautiques de la côte sud-est, soit à 67 km au large de Pointe d’’Esny, 33 heures après avoir été extirpé des récifs.
Time line

Samedi 25 juillet

Aux alentours de 19h30, le navire battant pavillon panaméen MV Wakashio s’est échoué sur la côte sud-est de Maurice à Pointe d’Esny
Le bulker carrier faisant 299,95 m de long et 50m de large avec 3800 tonnes d’huile lourde à bord est alors placé sous haute surveillance par la NCG Enclenchement du National Oil Spill Contingency Plan

Dimanche 26 juillet
Activation du National Emergency Operations Command.
Point de presse du commissaire de police Khemraj Servansing aux Salines.
Discussion entamée par le directeur of shipping avec la compagnie japonaise Okiyo Maritime Corporation, propriétaire du navire pour activer la Salvage Operation.
Aucune trace d’Oil Spill détectée par les éléments de la police qui ont survolé la zone en hélicoptère.
Visite du vice-Premier, ministre, ministre des Collectivités locales, de la Gestion des catastrophes et des risques, le Dr Anwar Husnoo, à Pointe d’Esny, en présence des membres du NCG et de la SMF pour constater de visu la situation.

Lundi 27 juillet
Mise en place d’une Police Mobile Command Post à Blue Bay.
Quelque 200 mètres de Sea Booms placées aux alentours du Marine Park de Blue Bay pour palier tout Oil Spill.
Inquiétude grandissante des habitants et pêcheurs de la région.
Réunion sollicitée par la Federation of Fishermen Associations avec le ministre de la Pêche pour discuter de la situation.
Apparition de quelques Oils Slicks considérées comme des fuites minimes et normales cependant par les autorités, la cale du vraquier ayant pris l’eau.
Discussions entamées du côté de Singapour et Madagascar pour l’envoi de Tugs pour les besoins de l’opération de remorquage.

Mardi 28 juillet
Un établissement hôtelier identifié comme QG pour être la base d’opérations des Salvors et des besoins de renflouage et de remorquage du Wakashio et l’équipage du vraquier en détresse soumis à des tests PCR par deux officiers du ministère de la Santé, transportés à bord par l’hélicoptère de la police.
Compilation des informations par Okiyo Maritime, les sauveteurs et Rogers Shipping quant à l’état du navire.
Le vraquier considéré comme stable — aucune percussion des récifs notée.
Baisse, toutefois, du niveau d’eau dans les 11 réservoirs du bateau et constat d’un tuyau endommagé dans la salle des machines
Patrouilles régulières des bateaux de la NCG pour vérifier toute fuite d’huile.

Mercredi 29
Des traces d’hydrocarbures sous forme d’un liquide noirâtre constatées à Pointe-Jérôme et Pointe d’Esny soulèvent l’inquiétude des habitants et pêcheurs de la localité.
Le ministre de l’Environnement confirme, mais soutient que ces traces ne proviennent pas d’une fuite du navire, mais auraient été causées par une opération de pompage.
Tests PCR négatifs pour l’équipage du Wakashio.

Jeudi 30 juillet
Arrivée du Platform Supply Vessel Stanford Hawk à Port-Louis aux alentours de 7 h 30.
A son bord, 24 membres d’équipage, dont le capitaine Lars Tesmar spécialiste de la Salvage Constat de visu des éléments de la SMF et de la NCG avec les salvors des conditions du vraquier.
Davantage de mètres de Sea Booms installées à Pointe d’Esny comme mesure de précaution
Des échantillons de l’eau et des algues du lagon de Pointe d’Esny récoltés pour analyse par le Centre de recherches d’Albion.

Vendredi 31 juillet
Six Salvors du Standford Hawk héliportés de Port-Louis à bord du Wakashio.
Confirmation de l’équipage du vraquier que le gouvernail a été endommagé.
Constat de fin de semaine : le vraquier a bougé de deux à trois degrés de sa position initiale en raison des mouvements des marées.
Conférence de presse conjointe des ministres de l’Environnement et de l’Economie bleue.
Aucune trace d’huile dans les échantillons récoltés, soutiennent les autorités.
Réunion en vision-conférence du capitane Lars Tesmare du Stanford Hawk, les salvors et les responsables de la SMF et représentants des différents ministères impliqués dans l’opération de renflouage.

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