Ne jamais s’habituer

Ne jamais s’habituer. À la mentalité mesquine et anti-démocratique qui consiste à faire parler le dernier orateur de l’opposition un vendredi pour qu’à la prochaine séance de mardi, soit quatre jours après, ce soit exclusivement des intervenants de la majorité qui monopolisent le micro de l’Assemblée Nationale.

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Les raisons derrière cette entorse répétée aux traditions parlementaires qu’a introduite le MSM, c’est non seulement cette inclinaison dictatoriale, qui se confirme de jour en jour, mais c’est aussi pour donner du temps à Leela Devi Dookun-Luchoomun, à Alan Ganoo, à Maneesh Gobin et à Pravind Jugnauth de préparer leurs arguments sur le Financial Crimes Commission Bill.

Et le résultat de cette honteuse combine, c’est qu’après les interventions souvent tout à fait dignes et bien argumentées de plusieurs membres en vue de l’opposition sur ce projet très controversé, on aura droit à un genre de meeting du 1er mai du leader du MSM précédé de ses suppôts qui n’ont plus d’échine et dont le rôle ne s’arrête plus qu’à parfaire leur statut de paillasson.

À ceux-là, il ne faut surtout pas suggérer le plus petit examen de conscience, c’est inutile, parce qu’ils n’en ont plus tout simplement. Il ne faut pas, non plus, s’aventurer à leur rappeler ce qu’ils laisseront dans l’histoire. Ce serait un exercice vain dans la mesure où ils n’ont pour seule obsession que la poursuite de la jouissance de leurs privilèges. D’autant que le temps presse et que les échéances sont proches.

Les débats sur le Financial Crimes Commission vont, donc, prendre fin ce mardi et le texte, porté par Pravind Jugnauth, sera voté sans amendement parce qu’il est probablement et malheureusement le seul Premier ministre post-Indépendance à n’avoir jamais accepté la plus petite proposition, fut-elle de simple bon sens, d’un élu de l’opposition.

Ce type, avec son Sooroojev Phokeer, et leur piétinement continu, organisé et sans limite de la démocratie parlementaire sont des insultes permanents aux traditions les plus élémentaires de Westminster. Et lorsqu’on voit ces députés à qui on refile des questions plantées et des allocutions orientées, on a définitivement une armée de godillots qui n’ont jamais une critique à faire ou une idée à proposer. Voilà à quoi est réduit l’Assemblée Nationale version MSM.

Ne jamais s’habituer aux coups de canif donnés à l’indépendance des institutions. Une bonne institution, selon la version du MSM nouveau, est celle qui se couche, qui est aux ordres et qui exécute sans broncher même si cela flirte avec l’illégalité.
L’épisode du député Eshan Juman au Parlement, mardi dernier, est symptomatique de ce désir de tout contrôler. C’est limite pathologique et révélateur d’une absence d’assurance et de confiance en soi et de quelqu’un qui a peine à s’imposer et à convaincre par la justesse et la force de ses arguments.

Lorsqu’il s’agit d’un élu de l’opposition, qui aurait effectué une visite dans le port, le Premier ministre peut brandir son case file et son itinéraire dans le plus petit détail, de la police au bureau du DPP, à l’Assemblée Nationale, jusqu’à mettre en doute la décision ultime de ne pas le poursuivre, mais lorsque cela concerne un crime, celui de son agent du numéro 8 Soopramanien Kistnen, là, il n’est au courant de rien.

Gageons qu’il n’a pas, non plus, pris la peine de s’intéresser au dossier du fils du commissaire de police pour s’enquérir des raisons de ses déplacements fréquents à l’étranger après avoir gracieusement bénéficié d’une annulation de peine par la commission de pourvoi en grâce en pleine procédure d’appel.

Le leader du MSM travaille, en fait, patiemment depuis son installation dans le fauteuil de Premier ministre en janvier 2017 à la mise sous tutelle du bureau du DPP et du judiciaire. La tentative de rogner ses prérogatives exclusives au moyen d’une Prosecution Commission ayant échoué, il s’emploie à le faire par des procédés dérobés, lorsqu’il ne fait pas preuve d’une inqualifiable lâcheté en le critiquant sous le couvert de l’immunité parlementaire.

Comme mardi dernier. La réplique du DPP, elle, ne s’est pas faite attendre. Elle a été clinique, explicite et cinglante. La Financial Crimes Commission est la dernière tentative de s’attaquer aux pouvoirs du DPP. Sous le prétexte risible de vouloir combattre la corruption selon les intervenants de la majorité. Le MSM et la corruption, un joke permanent !
Mais il n’y a pas que le DPP qui dérange Pravind Jugnauth qui se croit et se comporte comme le propriétaire exclusif de l’île Maurice, de Rodrigues et d’Agaléga. Lorsqu’il ne s’attaque pas au “jugement bancal” d’une magistrate “incompétente” qui a pris une décision qui ne lui a pas plu, il s’en prend aussi au Bar Council qu’il accuse de procéder à des réactions sélectives.

La raison de son courroux public, c’est que le conseil de l’ordre des avocats s’émeuve des dispositions de la FCC, mais qu’il n’ait pas réagi à un commentaire de Navin Ramgoolam – son plat préféré, décidément – sur un juge. Le parallèle est aussi enfantin que ridicule.
Même si la comparaison ne tient absolument pas, pourquoi, étant lui-même membre de ce Bar Council, il ne l’a pas saisi d’une demande de réaction publique ? On ne sait pas si les membres du Bar Council auraient attribué quelque poids à l’avocat de nom mais pas de pratique, mais il avait tout le loisir de le faire. Il ne l’a pas fait. Alors, basta…

Il ne faut pas s’habituer à l’inhabituel, à la vampirisation de la MBC pour en faire une horrible et dégoûtante caisse de résonance quotidienne du régime. Voilà pourquoi même s’il cela peut être considéré comme inutile et vain, il faut toujours s’indigner de la confiscation de nos libertés et dire non aux délires de potentat d’un Premier ministre qui n’avait qu’un peu plus d’un tiers de l’électorat derrière lui, mais qui croit pouvoir exercer une mainmise totale et sans partage sur le pays tout entier. S’il faut tous les jours dénoncer, soit!
JOSIE LEBRASSE

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