Dans une poignée de jours encore, 2019 fera partie de vieux souvenirs. Bons comme mauvais, l’important sera de savoir tirer les leçons. Comme chaque fin d’année donc, toute remise en question est nécessaire pour un avenir meilleur. Il s’agira alors de consolider les acquis et pour certains, savoir reconnaître ses erreurs, afin de repartir sur de nouvelles bases.
Cette année, le sport local, voire l’île Maurice multiculturelle, a vécu des moments très intenses à l’heure de l’organisation des 10es Jeux des Iles de l’Océan Indien. C’était en juillet dernier, soit du 19 au 28, pour être exact. Hormis toute la ferveur engendrée autour de ces Jeux, le Club Maurice s’est fait un point d’honneur de marquer les 40 ans des JIOI de la plus belle manière qui soit. Jamais vainqueur depuis les premiers Jeux de 1979 à La Réunion, Maurice s’est non seulement offert son premier succès, mais a aussi établi un record de 92 médailles d’or.
Record également au niveau du coût organisationnel d’un événement aux dimensions exagérées, nécessitant un investissement colossal, d’un peu plus de Rs 6 milliards ! Du jamais vu dans l’histoire des Jeux. Nous voyons d’ailleurs très mal un autre pays investir autant d’argent pour des Jeux des îles de l’Océan Indien de cette ampleur ! Les infrastructures ont aussi été rénovées et le complexe sportif de Côte d’Or livré à temps. Désormais, on attendra de voir les méthodes réalistes qui seront mises en œuvre pour rentabiliser un tel complexe et avoir un retour sur investissement.
Au total donc, 92 médailles d’or ont été remportées par les athlètes, qui ont justifié la confiance placée en eux, à travers un soutien financier de grande envergure. Bravo à tous ces athlètes, à qui l’île Maurice toute entière, indistinctement de sa couleur et de sa religion, ne finira jamais de remercier. Qu’ils soient médaillés, non médaillés, mais aussi tous ceux qui ont fait partie des différentes présélections. Le travail des entraîneurs et de leur encadrement technique mérite aussi d’être salué, tout comme ce formidable public.
L’État, à travers le ministère de la Jeunesse et des Sports, a joué pleinement son rôle de facilitateur, tout en récupérant ensuite, politiquement, ce succès sportif à l’heure de la campagne électorale ! Il y a également eu cette démarche du Premier ministre, Pravind Jugnauth, de récompenser tous les athlètes. Les primes ont été doublées et même ceux qui n’ont pas été médaillés y ont trouvé leurs comptes. Tant mieux pour eux.
Reste maintenant à savoir si ces performances et ces résultats reflètent la réalité du sport mauricien, ou encore, si nous avons progressé comme le clamaient haut et fort certains après les JIOI. Pas si sûr. Nous avons décroché 92 médailles d’or certes, mais what next ? Comme nous l’écrivions dans ces mêmes colonnes pendant les JIOI, il fallait penser au jour d’après et non pas se limiter à des Jeux à dimension régionale. Une réalité que de nombreux entraîneurs et dirigeants, les vrais, ont compris.
Pour nous, comme pour eux, c’est à l’échelon supérieur que le sport mauricien devra désormais jouer son va-tout, à commencer par le continent africain. C’est là justement qu’il faudra commencer par être reconnu avant de voir plus loin et plus haut. Un peu à l’image de ce que fait actuellement Madagascar et les Comores en éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations de football de 2021.
Malheureusement, un simple coup d’œil dans le rétroviseur indique que le sport local a encore un très long chemin à faire. N’en déplaise à certains. Les Jeux d’Afrique, tenus au Maroc, le prouvent d’ailleurs. L’écart est toujours aussi conséquent et il n’y a qu’à comparer les résultats. Prenons l’haltérophilie, par exemple, qui a obtenu 23 médailles d’or aux JIOI, mais trois seulement aux Jeux d’Afrique ! Record de sept médailles d’or en boxe, mais une seule obtenue au Maroc ! L’athlétisme, avec ses 18 médailles d’or, n’a pu que prendre une médaille de bronze ! Le judo, six médailles d’or aux JIOI et que deux médailles de bronze, alors que la natation, avec ses 9 médailles d’or aux JIOI, n’a pas été en mesure de faire un seul podium aux Jeux d’Afrique !
C’est cela la réalité du terrain et ça, personne ne peut le nier. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Stephan Toussaint, qui s’est vanté de la performance de Maurice aux JIOI gagnerait donc à ne pas s’emballer au quart de tour. Le chemin est encore très long et désormais il va falloir investir judicieusement, même si nous maintenons que ces milliards dépensés pour faire plaisir aux voisins n’étaient nullement nécessaires.
Des Jeux à dimension raisonnable et dans l’humilité — comme l’ont d’ailleurs fait les autres îles dans le passé et Maurice aussi en 1985 et 2003 — auraient largement suffi. Et ce, tout en respectant l’esprit des JIOI. Les milliards dépensés inutilement auraient, eux, permis d’enclencher une vaste campagne de préparation d’une ampleur jamais réalisée pour les prochains Jeux olympiques de 2020 à Tokyo.
Malheureusement aujourd’hui, il est clair que le MJS, sous la baguette de Stephan
Toussaint, a manqué de lucidité. Alors que nous sommes à sept mois des JO, Maurice ne compte toujours pas de qualifiés, contrairement aux Jeux de 2016, à Rio au Brésil ! à quoi attribuer cette réalité si ce n’est qu’à une absence totale de planification ou encore, d’un manque évident de vision. à moins que pour certains, se qualifier à ce genre de compétition repose sur le hasard ou autre chose y ressemblant…
En revanche, le MJS s’est déjà lancé dans la préparation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris, en France. Un comité de suivi a même été institué, en catimini, et placé sous la direction de Dominique Filleul, gérant d’une chaîne de magasins d’équipements sportifs. Tant mieux donc pour les athlètes qui, soi-dit en passant, auront une très grosse pression sur les épaules. Le ministre Toussaint ayant déjà placé la barre très haute, visant pas une, mais des médailles à ces Jeux Olympiques ! Téméraire qu’il est, avec un brin soit-il d’arrogance, on attendra donc avec impatience les Jeux de 2024 pour un bilan plus élargi.
Saluons tout de même le sens avant-gardiste de Stephan Toussaint même si peu d’intérêt semble avoir été accordé aux JO de 2020. Reste à savoir combien d’argent sera investi derrière ce projet d’envergure qui, qu’on le veuille ou non, nécessitera des milliards, tel qu’il est présenté. Car autant que nous le sachions, le haut niveau trouve toujours sa source à travers des investissements énormes, un encadrement de très haut niveau et tout ce qui va avec, y compris une alimentation adaptée, des soins médicaux appropriés et une participation régulière à des compétitions à l’étranger. L’à-peu-près n’est pas permis. Conséquemment, ceux se trouvant dans l’anti-chambre de l’excellence, ne devront pas être négligés comme ça l’est malheureusement dans certains cas.
Viser la lune, c’est bien. Rêver aussi. Espérons tout simplement que le ministre Toussaint “means business”. Mais en attendant, il gagnerait à mettre un peu d’ordre autour de lui et surtout régler quelques dossiers toujours en suspens. à commencer par celle de la légalité de la Mauritius Football Association par rapport à la Sports Act 2016 dont on attend toujours une réponse depuis septembre 2018. Il y a aussi la récente affaire liée aux réductions des pensions accordées aux anciennes gloires pour ne citer qu’eux et qui fait des mécontents.
Rappelons aussi au ministre son devoir de sanctionner ces fédérations qui sont en perpétuels conflits, celles qui sont inactives ou encore celles qui ne sont pas productives. Car, le haut niveau rime avec professionnalisme et un mélange de ces trois éléments, entre autres. Certes, Stephan Toussaint ne peut s’ingérer dans les affaires fédérales, mais il a quand même le pouvoir de couper les vivres. Un peu comme il l’a fait dans le cas de la MFA, mais avec beaucoup plus de vigueur et non soutenir ensuite les mêmes clubs issus de cette même MFA ! L’argent doit être dépensé judicieusement et ça, Stephan Toussaint le sait mieux que nous. Il ne peut donc continuer à jeter l’argent du contribuable par la fenêtre pour financer des fédérations qui n’ont jusqu’ici, démontré aucun intérêt réel pour le bien-être de ses athlètes.
Fixer des objectifs pour les JO de 2024, c’est bien, mais faut-il encore que le ministre Toussaint ait le courage, de rappeler à l’ordre, quand il le faut, ces dirigeants qui font plus de tort que de bien au sport mauricien. Sur ce, on souhaite une bonne et heureuse année 2020 à la communauté des sportifs et surtout à nos très estimés lecteurs.