Nos champions, ces trentenaires, et ensuite…

Les sportifs mauriciens, notamment les quelques rares privilégiés qui ont eu l’opportunité d’aller se perfectionner à l’étranger, ont été exacts au rendez-vous cette année. Même que le boxeur Richarno Colin est passé tout près d’un exploit aux Jeux du Commonwealth en août dernier, à Birmingham en Angleterre. À défaut de médaille d’or, il s’est contenté de l’argent face au Gallois Reese Lynch. Il faudra donc encore patienter pour voir si un deuxième mauricien sera en mesure d’émuler l’ancien boxeur Richard Sunee. Le seul à être monté, à ce jour, sur la plus haute marche du podium à ces Jeux. C’était en 1998 à Kuala Lumpur en Malaisie.

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Ce que Richarno Colin a réalisé est phénoménal et mérite toute notre appréciation. À 35 ans et alors qu’on lui disait plus proche de la retraite que de la perfection, le boxeur d’Henrietta a surpris plus d’un en s’affirmant, une fois encore, au plus haut niveau. Des 17 combats internationaux disputés en 2022, il n’en a perdu qu’un ! Devinez lequel ?
Cette année, le boxeur a brillé lors d’une compétition aux Pays-Bas, puis au tournoi de la zone 3 africaine et en dernier lieu aux Championnats d’Afrique de septembre dernier. Comme dirait l’autre, Richarno Colin s’est bonifié avec le temps, comme le bon vin ! Désormais, c’est aux Jeux olympiques de 2024 qu’il espère s’affirmer une dernière fois. Lui qui n’a pu aller chercher cette médaille tant convoitée par beaucoup et que seul Bruno Julie a pu jusqu’ici décrocher. L’ancien boxeur avait obtenu le bronze en 2008 à Pékin en Chine.

Richarno Colin, l’AS de la persévérance

Espérons que Richarno Colin, l’AS de la persévérance, parviendra enfin à réaliser son rêve. D’autant qu’il le mérite amplement pour l’ensemble de sa carrière. Lui qui, ne l’oublions pas, avait pratiquement touché le fond après une blessure au genou qui l’avait privé des Jeux olympiques de 2016 à Rio au Brésil. Même s’il avait, à un moment donné, baissé les gants, sans pour autant abdiquer !

Hormis Richarno Colin, deux autres médaillés d’argent ont fait honneur au pays aux Jeux du Commonwealth. Il y a d’abord l’haltérophile Roilya Ranaivosoa qui, comme en 2018 — elle avait été du reste la seule médaillée mauricienne —, a encore décroché l’argent. Une dernière pour la route après sa décision de mettre un terme à sa carrière. Elle qui a, pendant de longues années, fait honneur à la République de Maurice, non seulement en Afrique, mais aussi aux Jeux olympiques de Rio (Brésil) en terminant 8e. Non sans oublier ses prouesses aux Jeux des Iles de l’océan Indien.

Chapeau également à Rémi Feuillet pour sa médaille d’argent à Birmingham. Il aurait même pu envisager mieux s’il avait pu bénéficier des précieux conseils d’un technicien au bord du tatami. Malheureusement, tel n’avait pas été le cas en raison du port d’un kimono qui n’était pas frappé de l’inscription Maurice !

Forcément, c’est à la Fédération mauricienne de judo que revenait la responsabilité de s’assurer de ce détail qui, au final, a coûté très cher à Rémi Feuillet. Pas pour le président de cette fédération, Josian Valère, en tenant compte de sa déclaration de presse suivant une sortie du Comité olympique mauricien. Des explications guère convaincantes, alors qu’il aurait mieux fait de se taire tout en reconnaissant la faute…sportivement !
En judo toujours, il y a eu la médaille de bronze de Christiane Legentil et surtout celle du Rodriguais Sébastien Perrine. Ce dernier était l’unique médaillé de Birmingham à avoir préparé ces Jeux avec des moyens rudimentaires à Rodrigues. Chapeau à son courage, mais aussi au travail mis en place par l’encadrement technique de l’île, dont celui de son entraîneur Eddy André, lui-même un ancien judoka international.

Il n’y a pas eu que les Jeux du Commonwealth, cette année. On retiendra ainsi la bonne performance de nos cyclistes aux Championnats d’Afrique et la médaille d’or remportée dans le relais mixte. Annaëlle Coret s’est aussi distinguée avec un titre de championne d’Afrique en kick-boxing. Le jeune haltérophile Khelwin Juboo a, lui, été brillant en s’imposant d’abord chez les juniors, puis aux Championnats d’Afrique seniors.
Aussi, comment ne pas évoquer la performance phénoménale de Noa Bibi et ses 19”89 réalisés au 200m, le propulsant au 10e rang des meilleurs performeurs mondiaux de la distance ! Son camarade d’entraînement, Jérémie Lararaudeuse ayant lui battu le record vieux de 30 ans de Judex Lefou (13”91) au 110m haies, avant de l’améliorer par deux fois (13”70) !

Noemi Alphonse, handisportive souffrant d’une déficience physique et spécialiste en fauteuil (T54), a aussi marqué l’année de son empreinte. Celle qui veut briller aux Jeux paralympiques de 2024 à Paris a, sur conseil de son entraîneur (Jean-Marie Bhugeerathee), opté d’adjoindre les 42 km à sa préparation. Tout comme les meilleures mondiales sur piste et autres recordwomen. Une méthode malheureusement très mal comprise au ministère des Sports et dont certaines remarques avaient même suscité la colère de son entraîneur.
Au final, les performances de Noemi Alphonse lui ont donné entièrement raison. Cette dernière a terminé troisième au marathon de Duluth au Minnesota aux États-Unis, puis deuxième au Sanlam Marathon de Cape Town en Afrique du Sud ! Tous cela en moins de deux heures et, qui plus est, derrière les stars mondiaux avant de boucler l’année avec cinq médailles d’or sur piste aux IWAS World Games au Portugal.

Des performances suffisantes pour fermer le clapet à ces détracteurs bureaucratiques ! Ces mêmes personnes qui, malheureusement une fois encore, prouvent qu’ils sont loin de comprendre la réalité du terrain et le fonctionnement du sport. Tout aussi bien que la complexité de la préparation ! Heureusement que Maurice dispose des entraîneurs et autres administrateurs compétents et capables surtout de faire avancer le sport face à ceux qui croient détenir la clé du savoir !

Que retenons-nous de ceux qui ont brillé cette année ? D’abord, qu’ils ont eu l’opportunité de parfaire leur préparation à l’étranger et que d’autres, à l’image de Rémi Feuillet et Priscilla Morand — championne d’Afrique cette année — y vivent déjà. C’est justement cela qui a fait toute la différence, sauf pour Sébastien Perrine. Quant aux autres qui n’ont pas eu cette chance, ils ont eu du mal à suivre la cadence.

Des athlètes d’une autre structure !

Aussi, est-il très important de préciser que nombreux de ceux cités ont atteint 29, 30, 32 et 35 ans ! Ils ne sont pas éternels et sont pratiquement en fin de carrière. De plus, la grosse majorité est issue du Trust Fund for Excellence in Sports version Michael Glover, ancien patron de la structure et aussi ancien ministre des Sports. Ce même Glover dont le contrat n’avait pas été renouvelé sous l’ère de l’ancien ministre Yogida Sawmynaden. Alors même que les résultats parlaient pourtant en sa faveur et de ses proches collaborateurs.
Au moins, à l’époque de Devanand Ritoo — titulaire aux Sports jusqu’en 2014 et ancien sportif qui comprenait la chose sportive —, Michael Glover avait eu le soutien nécessaire pour mener à bien son projet. Cela, en étant ensuite capable, de par sa vision du sport de haut niveau, à accompagner les athlètes et ce, de façon méticuleuse, basée surtout sur un plan de travail bien ficelé.

Certes, l’actuel ministre des Sports, Stephan Toussaint, a assuré une certaine pérennité en ce qui concerne le suivi financier. Sinon même qu’il a pu revoir des aides et récompenses à la hausse. Et ça, il faut le saluer. En revanche, ce qui est désormais très intéressant à suivre, c’est la prestation des jeunes devant constituer la relève. Ceux représentants les jeunes pousses de l’ère Toussaint, de celles de son prédécesseur et sur lesquelles ils seront jugés.

Récemment, la nageuse Gabrielle Bathfield a remporté cinq médailles d’or aux Jeux de la Commission de la Jeunesse et des Sports de l’océan Indien. D’autres ont également brillé, et saluons ces performances à leur juste valeur. Parviendront-ils toutefois à briller au plus haut niveau et surtout marcher dans les pas d’un Richarno Colin ou encore d’un Bruno Julie ?

Force est malheureusement de constater qu’un vide s’est créé derrière Richarno Colin et consorts prouvant, si besoin est, que la décision de « virer » Michael Glover a été la mauvaise et surtout anti-sportive ! Elle confirme aussi que ceux qui ont pris la main n’ont pas été en mesure d’assurer un suivi digne de ce nom.

Forcément, des doutes subsistent quant à la stratégie qui a été adoptée, afin de permettre l’émergence d’une nouvelle élite. Car, au train où vont les choses, il n’est pas à écarter que le sport local connaisse, lors des années à venir, un passage à vide. Cela, faute d’action convaincante, d’autant que l’Athlete Assistance Scheme — sorti par magie par le gouvernement à l’orée même de la fin du premier confinement en juillet 2020 — n’a guère convaincu.

Un plan visiblement pondu dans l’empressement, alors qu’il n’y avait pourtant pas urgence en considérant le contexte de la désormais “New Normal” ! D’ailleurs, où ce trouve le fameux plan, deux ans après avoir obtenu l’assentiment du Conseil des ministres ? C’est la raison pour laquelle nous estimons et ce, sans vouloir être pessimiste, que l’avenir s’annonce, pour l’heure, en pointillé.

Dans ce contexte, le rêve de Stephan Toussaint de voir des Mauriciens décrocher des médailles aux Jeux olympiques de 2024 est-il toujours accessible ? À ce stade, nous pensons qu’il est difficile d’y penser, pour ne pas dire impossible. À moins que Richarno Colin ne parvienne à nous sortir un dernier coup de génie et tirer le sport mauricien, une fois encore après 2008, vers les hauts sommets olympiques.
Sur ce, la rédaction sportive de Week-End dit bravo à tous les sportifs et leur souhaite un Joyeux Noël en famille.

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