Pas au courant

Lorsqu’on touche de l’argent public se montant à un demi-million de roupies par mois, cela implique d’énormes responsabilités. Un Premier ministre qui vient avouer qu’il ne sait pratiquement rien de ce qui se passe au niveau de son équipe ministérielle et qui reprend tout ce qu’elle pond, ce n’est juste pas acceptable en démocratie.

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À moins que ce ne soit une posture commode, un pirouette trouvée pour se débiner et jouer à celui qui ne sait pas, qui ne sait rien, donc n’est ni responsable ni coupable.
Pas au courant de ce se qui se trame à la Santé, dit-il, autant que le ministre qu’il y a placé, mais nous avons quand même appris par le consul honoraire de Maurice à La Réunion, qui n’a aucune raison de pratiquer l’omerta, comme ici, qu’il a facilité l’expédition urgente d’une commande de Tocilizumab pour le compte du ministère de la Santé, par le biais de la compagnie CPM, la même qui est au coeur du scandale du Molnupiravir
Mieux, le consul Younous Savate a aussi révélé à un confrère que le ministre Kailesh Jagutpal, “m’a personnellement appelé par la suite pour me remercier et m’a dit que votre Premier ministre m’en était bien reconnaissant et qu’il était au courant.” Pour le Tocilizumab de CPM et de la Santé, il était au courant, mais pas pour le Molnupiravir. Et on est censé avaler ce boa!

Pas au courant, peut-être, de ce qui se passe à la MBC où trône un directeur par intérim qu’il maintient à son poste, malgré l’accumulation de fautes et de bourdes, bien que ce soit son Permanent Secretary Premode Neerunjun qui préside le conseil d’administration de l’audiovisuel étatique et qu’il y aussi une flopée d’agents et d’inconnus qui composent cette instance de direction.

L’affaire du caveau du Père Laval, il n’était pas au courant, mais lorsque l’affaire a fait scandale et qu’il a été mis au courant, il n’a rien fait. Puis est venue une interpellation de l’Église par une squatter en quête d’un logement social, sans que l’institution visée ne puisse donner sa version. Et ce n’est qu’après une plainte officielle auprès de cette IBA, qui vient de se découvrir une vertu de pluralité et de neutralité, que le diocèse a pu réfuter l’argument prôné par l’invitée de la MBC.
Le dernier épisode du feuilleton est encore plus grave. La MBC a cru bon de censurer le message de Noël du Cardinal Piat. Des passages entiers de l’allocution, qui n’avait rien de bien contestable si ce n’est un rappel de la situation difficile dans laquelle se retrouvent les Mauriciens, ont été tout simplement supprimés.

Après que l’affaire a pris des proportions fâcheuses et que la réprobation s’est généralisée, ce n’est pas le directeur qui est venu de l’avant, mais le responsable de production Sanjay Ghoorah qui s’est fendu d’une déclaration qui mérite de figurer dans des cas à étudier aux cours de journalisme. Pour sa singularité et son coté absolument burlesque.
Voilà quelqu’un qui n’a aucune compétence rédactionnelle qui nous apprend que la MBC a “une ligne éditoriale”. Première nouvelle! Puisqu’on a beau la chercher au JT quotidien de 19h30, on ne la trouve pas.

Il a aussi été question de la “balance” à trouver. Sanjay Ghoorah voulait, sans doute, parler d’équilibre à observer lorsqu’il s’agit du traitement d’un sujet. Et ce n’est certainement pas la “balance” qui est le maitre-mot à la MBC, mais plutôt la bascule et la bassesse.’
L’envoyé au front de la MBC a tenté de justifier la suppression des propos du Cardinal en disant qu’il ne s’agissait pas de “censure”. Faudrait qu’il aille un peu se renseigner parce que la définition largement acceptée de la censure est celle-ci : “Interdire tout ou partie d’une communication destinée au public…censurer un article de journal.” Et c’est exactement ce que la MBC avec sa fameuse “ligne éditoriale” a fait.

En terme de “censure” et de “mot fort”, on a eu droit à toute une palette sur les ondes de la MBC. Depuis des lustres, sans que cela ne dérange la rédaction ou le responsable de la production.

Le “Katori” déformé de Navin Ramgoolam diffusé en long et en large, agrémenté de commentaires de Somduth Dulthumun, à la veille d’une élection générale, ou les propos diffamatoires des élus de la majorité contre l’opposition avaient été jugés conformes à la “ligne éditoriale” et aucun mot fort ou offensant décelé. Le meeting télévisé de Monsieur Perrine contre Roshi Bhadain ne respectait pas, non plus, la “ligne éditoriale” et la logique de la “balance” de la MBC. Le ridicule a, quand même, des limites.

Toujours est-il que les mots forts, la balance et autres vues de l’espoir ont été jetés par-dessus bord dès qu’il y a eu protestation et la menace du diocèse de saisir l’IBA. Le message a finalement été diffusé dans son intégralité le mercredi 29 décembre. Et aucune tête n’est tombée à la MBC. Dans le cas de Manisha Jooty, les décisions ont été expéditives juste parce qu’un député MSM n’était pas satisfait qu’on ne lui accorde pas l’importance qu’il n’a pas.

Mais toute cette mascarade, inacceptable dans une démocratie qui se respecte, dure et perdure parce que le PM – celui qui, il y a quelques jours, justifiait que ce soit lui qui nomme pratiquement toutes les personnes qui siègent dans les organismes publics – viendra nous dire qu’il n’est pas au courant et que ses protégés ont la mauvaise manie de lui faire des enfants dans le dos.

La farce a assez duré. Et son propos pas crédible du tout. Avec le PM, c’est simple: il ne sait rien, même si jeudi la Cour suprême a administré une claque à sa Gambling Regulatory Authority abonnée aux remonstrances judiciaires contre son nid d’agents politiques. Et il en est de même de la FSC et autres organismes où il a placé ses protégés.
Nous entamons une nouvelle année 2022. Vous avez eu 60 ans, monsieur le Premier ministre. Le temps de la responsabilité et celui d’assumer pleinement vos choix et vos décisions est arrivé.

Josie Lebrasse

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