Provocante désinvolture

On dirait que la population et ceux qui composent le conseil des ministres ne vivent pas dans le même pays. D’un côté, des préoccupations légitimes sur tout un tas de problèmes au quotidien, cherté de la vie, dont le prix de l’essence est devenu le symbole le plus parlant, une violence choquante, la rareté de l’eau, une Banque centrale qui enregistre des pertes de Rs 11 milliards et une police qui suscite de plus en plus de suspicion et, de l’autre, aucune réponse adéquate aux attentes du citoyen. Comme une provocante désinvolture.

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Le gouvernement aura beau faire la sourde oreille à la demande de justice fiscale de Nishal Joyram, porte-parole de milliers d’automobilistes en colère, aucun des arguments que ses ministres invoquent pour justifier le prix élevé du carburant ne passe auprès de la population. Les automobilistes ont payé Rs 10 milliards sous forme de taxes ces derniers quatre ans. Et qu’est-ce qu’ils ont eu en retour ? Quelques autoponts à l’architecture rédhibitoire, mais de nombreuses routes dangereuses parce qu’elles n’ont pas été entretenues depuis 2015. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir quel est le montant de la Road Tax payée par les automobilistes sur la même période 2018 à 2022. Ces « roads » seraient, en fait, plus aptes à la pratique du rodéo qu’au confort de la conduite.

Les milliards que pompe sans vergogne la State Trading Corporation ont surtout servi à payer les gabegies d’un régime vengeur qui n’avait pas vu venir le retour de la manivelle dans l’affaire Betamax. Pour tenter d’expliquer l’absence de baisse des produits pétroliers alors que les cours mondiaux s’affaissent, on entend tous les jours, des thèses les unes plus farfelues que les autres. Le directeur de la STC, manifestement plus efficace dans le commerce de l’huile et des gros pois, a sorti une nouvelle trouvaille. Les nombreuses et aberrantes taxes qui alourdissent le prix du carburant à la pompe comme sur les vaccins qui ne sont plus administrés sont, selon lui, nécessaires pour payer… les pensions.

Ce n’est pas son gouvernement qui a, du jour au lendemain, démantelé le Fonds national de pension pour le remplacer par la Contribution sociale généralisée, qui est tellement généralisée qu’elle a fait entrer des milliards dans les caisses du gouvernement. Et là aussi il faut, sans distinction, piquer dans le réservoir de l’usager motorisé de la route et lui défoncer la poche ? On a aussi laissé entendre que les prix exorbitants de l’essence et du diesel seront maintenus pour assurer le paiement de la compensation salariale. Bientôt ce sera aussi pour le paiement des déplacements ministériels à Dubaï, pour un nouveau satellite ou pour récompenser la Striking Team de ses « exploits ».

Est-ce qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils provoquent davantage les automobilistes et qu’ils se rendent en même temps très ridicules ? Mais ce n’est pas tout ça qui retient l’attention de celui qui dirige le gouvernement qui, lors de ses sorties, joue le rôle d’un sous-officier affecté à l’intendance. Ses préoccupations premières sont l’opposition. Lorsque ses diverses composantes font bande à part, il les critique. Lorsqu’ils amorcent une entente en vue des municipales, et plus si affinités, voilà qu’il sort son bestiaire en affublant chaque dirigeant de parti d’un nom de bête féroce.

Or, il y a des dossiers urgents qui auraient dû retenir son attention après les arrêts d’autobus, quelques équipements sportifs, une salle même vide à moitié d’un conseil de district ou une ancienne usine qui change de vocation. La violence domestique a pris des proportions dramatiques et le nombre inquiétant de féminicides, les uns plus atroces que les autres. Comme réponse, il faut bien plus que le lancement d’un Family Support Scheme. Que le gouvernement ne puisse être tenu responsable pour les problèmes de couple ou pour le comportement de maris violents, même lorsqu’ils sont policiers, c’est indiscutable.

Mais comment est organisé le suivi de la femme qui vient dénoncer un époux ou un concubin violent ? Un Protection Order prononcé et on en a fini, on s’en lave les mains ? Est-ce qu’il y a vraiment le respect de l’ordre d’éloignement du conjoint tapeur ou vient-il tranquillement roder autour de sa proie pour se venger à la première occasion ? Pour éviter d’autres drames, il est urgent d’intervenir avec des mesures d’accompagnement psychologiques pour la victime et aussi pour son bourreau probablement quelqu’un qui croit que c’est normal de taper sa femme ou sa copine. En amont, il y a la question essentielle de l’éducation des garçons. Un premier pas dans la bonne direction a été franchi avec l’avènement des académies mixtes. Mais cette mixité garçons/filles arrive un peu tard dans l’adolescence, à un âge où on a peut-être déjà pris un mauvais pli qui ne s’exprime pas nécessairement en classe. Tant que l’on considérera qu’il y a des sujets tabous, que l’on préférera mettre sous le tapis certaines questions délicates, on ne pourra pas venir à bout de ces crimes barbares.

Il y a un débat qui fait rage en ce moment sur le rôle de la police. En tant que ministre de l’Intérieur qui utilise le Statement Time à l’Assemblée nationale pour se flatter d’un classement quelconque à l’échelle africaine, il aurait dû trouver du temps pour clarifier et surtout rassurer sur le rôle du commissaire de police et des agents de la sécurité publique. Non, en parfait embusqué, il profite de l’hémicycle pour commenter des affaires de drogue en cours et se transforme en procureur et juge à la fois. Cela ne peut pas être acceptable en démocratie. Il doit enfin réaliser qu’il est le Premier ministre de ce pays, qu’il ait été propulsé à ce poste-là par accident ou qu’il soit arrivé par une imposte qui lui a permis de mettre un pied à l’étrier et à assurer son maintien au top job.

Il y a ceux que la fonction grandit et puis il y a ceux qui n’ont pas conscience de la responsabilité de la charge parce qu’ils ont comme usurpé le rôle.

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