Radioscopie du niveau de vie : L’emprise de l’endettement des ménages

-Statistics Mauritius révèle qu’un foyer sur deux arrive difficilement à joindre les deux bouts en fin de mois
-Une majorité de familles, soit 59%, n’a pas vu d’amélioration dans le «standard of living» au cours de ces cinq dernières années
-La Banque de Maurice, sans être alarmiste, souligne que depuis janvier dernier, la croissance du recours domestique à des emprunts bancaires a été supérieure à la progression du PIB

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À la veille de la conclusion des négociations tripartites en vue de décider du quantum de la compensation salariale à être accordée aux salariés à partir du 1er janvier, deux rapports officiels viennent confirmer le malaise quotidien dont sont confrontés les ménages à Maurice. D’abord, Statistics Mauritius, dans sa radioscopie du niveau de vie, affirme sans ambages qu’un ménage sur deux n’arrive pas à joindre les deux bouts à chaque fin de mois. De ce fait, une détérioration du niveau de l’endettement, que ce soit auprès des banques commerciales ou d’autres sources peu conventionnelles, est aussi palpable dans la conjoncture. La dernière édition du Financial Stability Report de la Banque de Maurice, sans vouloir adopter une approche alarmiste, souligne que depuis le début de cette année, la croissance de l’endettement des ménages est supérieure au taux de progression du Produit intérieur brut (PIB), même si le pourcentage consacré pour la construction immobilière est en régression. La période de fin d’année, avec une marge de manœuvre moins étroite en raison du paiement du boni de fin d’année, devrait davantage accroître la propensité à la consommation, avec des risques accrus de dérapage pour le porte-monnaie.

L’analyse découlant du Living Conditions Survey pour 2018-19 de Statistics Mauritius est sans appel en ce qui concerne la capacité financière des Mauriciens de vivre avec leurs revenus mensuels. Ainsi, 51%, soit un ménage sur deux, confirment devant faire face à de graves difficultés pour boucler le budget familial à chaque fin de mois compte tenu des obligations minimales à honorer et du coût de la vie. Mais plus grave est le fait qu’au moins un ménage sur cinq ajoute devant faire face à des difficultés pour se nourrir, avec une grosse majorité, soit de l’ordre de 59%, ne percevant aucune amélioration dans le niveau de vie au cours de ces cinq dernières années.
Les plus perfides des observateurs de la société trouvent que la publication de ces key findings de Statistics Mauritius arrive avec du retard par rapport aux dernières élections générales. Mais d’autres, plus réalistes, notent qu’avec seulement 41% des ménages consultés par Statistics Mauritius dans le cadre de cet exercice axé sur la quality of life statistics pour marquer l’African Statistics Day 2019, soutenant que leur niveau de vie a connu une amélioration durant ces cinq dernières années, le mood en général dans le pays est validé. En effet, un peu moins de 40% de l’électorat a voté pour le renouvellement du mandat de cinq ans du gouvernement sortant en élisant des candidats de l’Alliance Morisien le 7 novembre dernier.
Par ailleurs, si trois ménages en difficultés financières sur quatre (75%) peuvent compter sur leur entourage familial et autre voisinage pour garder la tête hors de l’eau que ce soit pour les finances ou la nourriture, l’endettement auprès du secteur bancaire demeure un phénomène incontournable. Comme l’atteste le dernier rapport de la Banque de Maurice, également publié au lendemain des dernières élections générales. « Credit extended by banks to households grew on the back of increasing housing credit and credit granted to household for other purposes », note la Banque centrale dans ce rapport détaillé.
Alors que les crédits alloués par les banques à leurs clients pour des besoins de construction immobilière n’ont progressé que de 5,8% à la fin de juin dernier, « year-on-year growth in credit to households for purposes other than housing went up from 14,3% as at end-December 2018 to 21,5% as at end-June 2019. » Un autre facteur à tenir en ligne de compte est que les ménages ont de moins en moins recours à des facilités de découverts bancaires, avec une baisse dans le taux d’overdraft facilties passant de 4,7% de la dette des ménages à 3,7% au cours de la période correspondante.
L’une des explications derrière cette fièvre d’endettement bancaire de la part des ménages se résume à l’abolition de la limit on loan-to-value (LTV) depuis juillet 2018. « The growth in economic activity and the abolition of the Limit on Loan-to-Value supported credit expansion over the period under review but the Bank of Mauritius has maintained the cap on household debt service to disposable income with a view to containing build-up vulnerabilities in the household sector ». Plus attrayant pour se laisser tenter par la spirale de la dette est le fait que « borrowing cost has remained low with the weighted average rupee lnding rate hovering at around 6,2% in June 2019 ». La prochaine réunion du Monetary Policy Committee de la Banque de Maurice de ce mercredi sera appelée à décider si le key repo rate sera maintenu à son niveau ou encore être relevé en raison du contexte avec un taux d’inflation sous la barre de 1% pour cette année.
« Relative poverty is increasing »
En dépit du fait que « indebtedness of households, as measured by the ratio of household credit to GDP, edged up to 21,8% as at end-June 2019, from 20,9% as at end-December 2018 », la Banque de Maurice ne voit aucune urgence « for cause of concern ». Et pour cause, quand l’endettement bancaire des ménages est aggloméré avec les facilités financières obtenues auprès des non-bank deposit taking institutions, les compagnies d’assurance et de leasing, le taux enregistre une légère dimunition, passant de 34,2% à la fin de l’année dernière à 33,4% en juin dernier.
Force est de constater que depuis le début de cette année, la croissance des crédits bancaires aux ménages a été supérieure à la moyenne en général. « Growth of bank credit to the private sector increased to 9,5% year-on-year in June 2019 from 7,5% in December 2018. Credit extended by banks to households increased from 8% in December 2018 to 10,9% in June 2019, while credit extended to corporates rose from 7,4% to 8,8% over the period », constate le Financial Stability Report de la Banque de Maurice.
D’autre part, un autre finding majeur de Statistics Mauritius au chapitre de « proportion of persons below poverty line » est que « relative poverty is increasing over time », passant de 8,2% en 1996-97 à 8,5% dix ans après, pour crever la barre des 10%, soit 10,3% en 2017. Mais le Mauricien peut compter sur ses proches vu que « the availability of help when needed from relatives, friends and neighbours ». Que ce soit pour des besoins financiers ou alimentaires, 75% des ménages en difficultés peuvent compter sur ce soutien.
Néanmoins, le Living Conditions Survey de Statistics Mauritius ne s’arrête pas au seul aspect monétaire de l’équation de la qualité de vie du Mauricien moyen. Le soutien et la solidarité de la famille ne se limitent pas à la dimension pécuniaire étant donné que les enfants en bas âge, soit de moins de cinq ans, sont sous la garde de leurs parents et autres connaissances à hauteur de 78%, avec les 22% restants sous le régime de « paid care », soit des crèches et autres facilités de nounous.
Une tendance quasi similaire est notée au chapitre du traitement accordé aux aînés, nécessitant un encadrement pour leurs activités quotidiennes. 72% de ces personnes âgées bénéficient de l’attention d’autres membres de la famille, alors que seulement un sur cinq, soit 16%, est placé dans des homes ou sous la responsabilité des gardes-malades. L’on constatera également que dans le groupe d’âge de 61 à 75 ans, 10% des hommes et 13% des femmes affirment ne pas jouir d’une bonne santé, avec le taux en progression, soit 14% d’hommes et 37% de femmes dans la tranche d’âge de 76 ans à monter. Mais en général, le Mauricien dit jouir d’une bonne santé avec 93%, alors que seulement 7% font état de problème de santé. Deux Mauriciens sur trois, soit 67%, se disent satisfaits du « perceived health status ,» contre 17% qui ne partagent pas cet avis.
Empreinte carbone en hausse de 50%
Néanmoins, un indicateur devrait faire froncer les sourcils. Presque deux adultes sur trois ne pratiquent aucune activité physique ou sportive, même si dans le groupe d’âge de 16 à 25 la chose sportive semble intéresser 55%. La tendance inverse est notée à partir de 31 ans à monter. Sur la base des données recueillies sur le terrain, Statistics Mauritius s’interroge avec raison : « Why 64% do not practice any kind of physical exercise ? » La principale raison avancée est un manque de temps pour 45% d’entre eux ou encore l’âge et des problèmes de santé (31%). D’autre part, seulement un sur cinq, qui s’adonne à des activités pratiques, s’y met quotidiennement, avec la grosse majorité, 70%, qu’une fois la semaine. Et tout cas, le ministre des Sports, Stephan Toussaint, qui a été reconduit dans ses fonctions au Cabinet se retrouve avec du pain sur la planche.
Difficile à dire s’il y a une relation de cause à effet si l’on dresse en parallèle le fait que 69% de ceux suivis dans le cadre de cet exercice de Statistics Mauritius indiquent être sujets à des problèmes de stress en raison de leurs activités et responsabilités quotidiennes. 25% d’entre eux attribuent le problème de stress au travail et 23% à des préoccupations financières. Les conditions de stress prévalent dans 13% des cas en raison des problèmes de santé et un pourcentage similaire pour des raisons familiales. Ce qui n’empêche pas une grande majorité, soit 76%, de déclarer être « somewhat satisfied » et 12% « very satisfied » au titre de la « life satisfaction ».
Même si l’environnement est perçu comme étant le deuxième plus important facteur du point de vue de la qualité de la vie après la santé, le carbon footprint du Mauricien n’a cessé de se détériorer au cours de ces 20 dernières années. La carbon dioxide emission par tête d’habitant est passée d’un peu moins de deux tonnes en 2000 à environ trois tonnes en 2018, soit une augmentation de 50%.
En conclusion, la perception de l’importance de la qualité du niveau de vie comprend en ordre de priorité pour les différents groupes d’âge les préoccupations de santé, d’environnement, d’éducation, des activités personnelles, dont le travail, les relations sur le plan social, l’insécurité, l’economic sustainability, la political voice and governance, et dans une moindre mesure la religion et la spiritualité.
Et comme la flèche du Parthe comment oublier que, selon Statistics Mauritius, dans une journée de 24 heures, un homme consacre entre autres 4,4 heures à des activités professionnelles, 4,4 heures à des loisirs, détente et autres sports, et 10,8 heures au self-care and maintenance, y compris le sommeil.

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