Commission d’enquête Caunyhe – Ameenah Gurib-Fakim : « Je considère ce rapport comme intellectually dishonest»

Week-End s’est entretenu avec l’ex-présidente de la république  Ameenah Gurib Fakim, hier après-midi, suite à la conférence du PM et la publication du rapport de la commission d’enquête Caunhye. Si elle dit ne pas comprendre pourquoi il y a tant d’acharnement sur sa personne pour des dépenses qui ne sont pas ‘l’argent du contribuable mauricien’, elle s’étonne qu’il n’y ait pas eu d’enquête pour faire la lumière sur des contrats qui ont été alloués de manière très douteuse pendant le Covid et d’autres….Elle affirme qu’elle va demander une Judicial Review sur ce rapport qu’elle qualifie « d’intellectuellement malhonnête »

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l Quel est votre état d’esprit après avoir pris connaissance de ce rapport, que vous attendiez d’ailleurs ?

C’est un rapport qui fait plus de 200 pages et je dois dire — après deux ans d’allers-retours en Cour suprême, entre août 2018 à février 2020 — d’emblée que, pour ce que j’ai lu jusqu’à maintenant, j’ai été choquée par la teneur du rapport. Je trouve cela vraiment triste, car les auteurs sont ce qu’ils sont, et j’ai été très étonnée de voir la teneur de ce rapport comme cela a été présenté. Il y a eu une tendance de conflate, comme on, dit le président et The office of the president. Je ne vais pas oser dire que peut-être il y a quelque chose derrière to pin everything on me. Mais quand je regarde tout ce qui a été dit dans ce rapport, je ne peux que revenir sur cette décision. Moi, je considère ce rapport comme étant intellectually dishonest.

Dans quelle mesure ?

Je ne sais pas si le rapport a pris en compte la fameuse lettre anonyme. Cela aurait été bien de savoir. Car à mon humble avis, cette lettre anonyme — dont aujourd’hui on connaît l’origine suivant le rapport d’un graphologue qui a indiqué son auteur — brandie au Parlement par le Premier ministre est à la base des sept points des terms of reference que l’Attorney General a rédigés pour la commission d’enquête instituée par le gouvernement à mon égard. Or, si nous étions partis avec les 15 points que moi j’avais mis au départ, on aurait tout su sur ce qui s’est passé exactement. Mais comme cela n’a pas été le cas, l’accent a été mis, encore une fois, sur la carte de crédit, sur les dépenses, etc… qui n’apportent rien  de nouveau. Tout ce qui a été dit dans la presse pendant la durée de la commission, c’est un peu cela qui a été repris dans le rapport.

 Que retenez-vous du rapport alors ?

Il y a eu des écrits dans ce rapport que je trouve « extraordinaires ». Il y a peut-être une mauvaise interprétation de certaines choses que j’ai faites… Je vous donne un exemple : il a été écrit que j’avais demandé au lendemain de la publication de mes détails bancaires d’ascertain l’identité de ce communiqué. Ils ont trouvé cela bizarre que je fasse cette demande. Pour vous expliquer, le lendemain, quand mes détails ont atterri dans la presse, j’ai pris le téléphone et j’ai appelé l’Attorney General pour lui dire de venir me voir et m’expliquer un peu ce que je devais faire. Il m’avait dit qu’il était occupé et ne pourrait pas venir. J’ai alors appelé Me Collendavelloo, car c’est une personne de mon école et  dans le passé il avait agi comme mon conseiller légal. Collendavelloo m’a conseillée et m’a dit qu’il faut dire à la presse d’ascertain l’authenticité de ces documents. C’est ce que j’ai fait. Et j’ai dit que cette requête a été validée par M. Collendavelloo. Or, cela n’a pas été rapporté comme tel dans le rapport de la commission. Je trouve bizarre qu’il y ait des manquements, comme aussi le fait que pas mal de témoins dont j’avais cité les noms dans mon affidavit qui n’ont pas été appelés.

Qui donc ?

Anerood Jugnauth. Parce qu’il était là pendant que je faisais ces activités et surtout du fait qu’il m’encourageait.. Il me disait que vous effectuez bien votre travail, vous ne prenez pas l’argent des contribuables, c’est très bien, continuez… Je pense qu’il aurait dû être appelé à la barre pour témoigner, du fait aussi que c’était l’une des dernières personnes que j’avais rencontrées quand il était venu me voir à la State House pour me dire de démissionner, de donner une date au Premier ministre parce que le conseil des ministres avait siégé ce jour-là et décidé de l’institution d’un tribunal. Je lui avais dit : « Allez de l’avant !»

Je note d’ailleurs que parmi les recommandations figure to set up a tribunal. Mais c’est déjà dans notre Constitution, c’est déjà dans nos lois. Il y a aussi des termes que je trouve extraordinaires dans un document de la sorte où les juges utilisent les termes comme laughable. What is laughable about all this?

Il fallait aussi appeler Ivan Collendavelloo. Parce que c’était par son truchement qu’il y a eu cette démarche pour Royal Park et les investissements, etc. Il fallait aussi appeler le Premier ministre qui a concédé dans la presse qu’il a rencontré M. Sobrinho en 2017. Il y a aussi tout le personnel qui était avec moi, des gens qui voulaient déposer, mais qui n’ont jamais déposé car ils n’ont pas été summoned.

Tous ces manquements dans ce rapport font réfléchir. Qu’est-ce que le rapport voulait faire au final ? Est-ce qu’il voulait rétablir la vérité ? Ou y avait-il autre chose derrière ? Est-ce que ce ne serait pas judicieux par rapport aux deniers de l’État, l’argent des contribuables, de faire la lumière sur des contrats qui ont été alloués de manière très douteuse pendant le Covid ? Je pense à Molnupiravir, Pack & Blister… Ne pensez-vous pas que le public mauricien devrait être mieux éclairé sur ce qui s’est passé pendant le Wakashio ? Ou comment les quatre personnes sont mortes avec le Sir Gaëtan ? Comment sont morts les patients dialysés ? Je pense que c’est plus juste de dépenser l’argent du public sur ce genre d’enquêtes que de savoir où j’ai été acheté mes jupes.

Que pensez-vous des remarques du Premier ministre…

Les remarques du PM, c’est son droit à la liberté d’expression. Mais la question que le public va lui poser c’est : vous parlez de voleur M. Le Premier ministre. Mais qui a volé qui ? Qu’en est-il des gens à qui des contrats ont été alloués de manière très douteuse dans un contexte spécifique durant le Covid avec l’argent du contribuable ? Moi, je n’ai rien pris du contribuable. L’argent du PEI n’était pas l’argent du contribuable. Il y a des communiqués de presse de l’institution concernée qui a accusé réception des remboursements. Je n’ai pas de compte à rendre ici, car ce n’est pas l’argent du contribuable. Par contre, l’argent qui a été utilisé pour acheter des médicaments, des appareils qui auraient dû être dans nos institutions de Santé, mais qui ne sont pas là, çà oui, il y a des comptes à rendre. Alors qui a volé quoi ? La question se pose. Et je crois que le public a déjà tiré ses conclusions.

La Commission vous reproche aussi d’avoir outrepassé vos prérogatives de présidente en instituant une commission d’enquête…

Je pose la question sous un autre angle. Il y a eu le sniffing gate et tous les regards étaient braqués sur le Premier ministre. Pour que le public voit plus clair — car personne ne sait ce qui s’est passé jusqu’aujourd’hui — à qui revient la prérogative d’instituer une commission d’enquête? Tenant compte que le conseil des ministres est dirigé par le Premier ministre, il revient donc au président d’instituer une commission d’enquête. Revenons à mon cas. Devant moi à l’époque, il y avait un conseil des ministres hostile. Ils avaient déjà statué qu’ils vont me mettre à la porte et instituer un tribunal. Quel choix j’avais pour clear my name. Je n’avais pas le choix. Une loi est sujette à interprétation. Les gens peuvent interpréter comme ils veulent. C’est pour cela que nous avons des légistes.

 L’affaire sera référée à la police, à l’ICAC… Quel est votre mood ?

Qu’ils le fassent. Moi je n’ai aucun souci. I will collaborate. I am a self-made-woman, personne ne m’a fait de cadeau dans ma vie. Ce que j’aurais dû avoir au niveau des institutions par rapport à ma carrière had been removed from me. Je ne dois rien à personne, donc, ne venez pas jeter de la boue sur moi. Tout ce que j’ai fait, ce que j’ai acquis, c’est à la sueur de mon front. Et si j’ai utilisé une carte de crédit qui m’a été donnée par une institution pour mes déplacements et autres et que j’ai remboursé mes dépenses — qui ne relèvent pas de l’argent des contribuables — excusez-moi, de quoi on se mêle-t-on ? D’autant que cela a été avalisé par l’exécutif d’antan. L’argent a été versé dans le compte de l’Accountant General.

Quelle sera la marche à suivre ?

Je vais procéder avec une judical review à partir de la semaine prochaine. C’est tout à fait légitime.

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