Relire le rapport de 2021

Il n’y a pas de petits ou de grands scandales. Ils sont pareils et témoignent de cette même culture d’abus, de passe-droit, de corruption et de velléités dictatoriales. Un transfuge nommé Salim Abbas Mamode, spécialiste en retournement de veste, fait arrêter et incarcérer un électeur mécontent pour quelques mots déplacés qui lui ont été adressés et un billet de Rs 25 balancé dans sa berline. Oui, en 2023, c’est possible.
Et cette police est toujours prompte à agir dès lors qu’il s’agit d’un plaignant proche du pouvoir. Elle est, par contre, toujours très lente et lourde lorsque les rôles sont inversés. Ainsi, malgré les images d’un Kenny Dhunoo, le néo-promu PPS, agressant un membre du personnel de la clinique Wellkin, pas même un petit interrogatoire de l’élu du MSM.

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Ceux qui s’attendent que sa toute dernière sortie indélicate ainsi que ses propos sexistes et injurieux à l’encontre des conseillers municipaux de Curepipe aient des conséquences peuvent toujours attendre.Parce que, lorsque c’est un Salim Abbas Mamode, récipiendaire d’un misérable lot de consolation sous la forme d’une participation au Public Accounts Committee, qui se sent “humilié”, l’auteur du geste est immédiatement interpellé, mais pour les remarques douteuses et humiliantes de Kenny Dhunoo en direction des conseillers, c’est probablement un incident qui sera classé sans suite. Si un assassinat, celui de Soopramanien Kistnen, a pu être maquillé en suicide, c’est dire qu’il n’a rien à attendre de l’État de droit sous le soleil du MSM.

En terme d’attente, il vaut mieux, ces-jours-ci, se tourner vers le judiciaire. Le mardi 12 septembre, la juge Karuna Gunesh-Balaghee a administré un cinglant camouflet à la Financial Intelligence Unit en annulant l’ordre de gel des avoirs de Dinesh Ellayah et de ses compagnies, obtenu en mars dans le sillage des investigations faites sur la gestion de l’ancien directeur de Mauritius Telecom, Sherry Singh.
Le motif ? C’est que la FIU a, selon la juge, omis, dans ses prétentions pour obtenir le gel en mars dernier, de révéler qu’une bonne partie des “avoirs” de Dinesh Ellayah et de ses compagnies ne sont apparemment pas de sources illicites ni constituent un acte de blanchiment dans la mesure où une somme, Rs 760 millions, l’essentiel de ses contrats juteux, provient du bureau du Premier ministre et de sa Security Division.

La manœuvre pour cibler, par ricochet, un adversaire politique, est revenue comme un boomerang à la figure de Pravind Jugnauth. Et toute cette affaire ramène au fameux projet Safe City, avoisinant la bagatelle de Rs 20 milliards, sur lequel le Premier ministre et leader du MSM a toujours voulu maintenir une chape de plomb. Comme si tous ces milliards sortaient de sa poche ou de son trésor de guerre de la rue Edith Cavell.

Et comment, au moment où les paiements généreux du PMO sont révélés au grand jour, ne pas revenir au rapport du directeur de l’audit de 2021 ? Celui qui dispose d’un mandat constitutionnel dénonce, en termes diplomatiques, certes, mais dans un phrasé sans équivoque, le fait que l’accès aux documents et autres contrats de Safe City lui a été refusé.

Sunil Romooah évoque les contrats précis dont il n’a pu établir ni les tenants ni les aboutissants, celui signé le 19 décembre 2017, quelques mois seulement après l’installation de Jugnauth fils sur le fauteuil de chef de gouvernement, portant sur une somme de 410 millions de USD (Rs 18 milliards) l’aménagement du centre de contrôle, l’acquisition de caméras et le gros des installations.

Et, comme pour tous les contrats publics et, à fortiori, lorsqu’ils sont frappés du sceau du secret, il y a les inévitables “rallonges” à prévoir.  Elles seront de 55 millions de USD supplémentaires (Rs 2,4 milliards) pour financer les poteaux en acier et le système de communication radio.

Le directeur de l’audit d’alors, qui voulait faire son travail et voir comment cette volumineuse somme de fonds publics avait été dépensée, s’était heurtée à une clause de confidentialité contenue dans le contrat passé entre la police et Mauritius Telecom.

Il n’est évidemment pas question d’être wise after the event, mais dans d’autres circonstances, Sunil Romooah aurait pu, au lieu d’être invité à rechercher le point de vue de l’Attorney General, saisir directement la Cour suprême pour obtenir, dans l’intérêt public, qu’il ait au moins, lui, personnellement, accès à ses contrats. À un moment où le Privy Council autant que nos propres tribunaux posent de sérieuses limites au sacro-saint secret bancaire, ce genre de recours n’est plus tabou.
L’affaire, qui a rebondi devant la justice cette semaine, avait aussi été l’objet d’une Private Notice Question de Xavier Duval le 30 mars 2021. Le leader de l’opposition avait évoqué comme “sans précédent” les critiques d’un directeur de l’audit sur l’opacité entretenue à dessein sur ce dossier de Safe City. Pour lui, il s’agissaitt de dissimuler les transactions douteuses de certains. Et on comprend aujourd’hui encore mieux pourquoi…

Il avait aussi relevé que la police, sous le PMO, a conclu un accord avec Mauritius Telecom, dont le CEO était aussi un Senior Advisor de Pravind Jugnauth. Une quadrature du cercle qui n’est pas sans rappeler ce qui se fait de plus glauque dans les régimes mafieux.
Maintenant que Danesh Ellayah a pu récupérer tout l’argent, dont une bonne partie en euros, sur des comptes bancaires à Dubai qui lui a été remis par le PMO, c’est au tour de l’ICAC d’entrer en scène avec, cette fois, un dossier sur le projet My. T Money.

Si l’ICAC veut aller à la source de ce projet dont le budget aurait été gonflé de manière démesurée, elle peut également visionner la cérémonie de son lancement en août 2019 présidée par nul autre que Pravind Jugnauth.
Le sketch en compagnie de son bon ami Sherry Singh – qui arborait un nœud papillon pour l’occasion – et d’un marchand de dholl puri payé au moyen de My. T Money ne mérite, certes, pas la palme des blagues fines, mais elle illustre la proximité, voire la belle complicité des protagonistes. Tous liés, on vous dit…

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