Rodrigues : l’appel des urnes

Rodrigues se met à partir d’aujourd’hui à l’heure de la campagne électorale en vue des élections régionales, qui sont prévues pour le 13 février prochain. Aujourd’hui, les membres des différents partis déposent leurs candidatures.

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Pour la première fois, un candidat, et pas des moindres, manquera à l’appel des urnes pour les élections régionales. Alors que tous les regards étaient braqués sur Serge Clair, le leader historique de l’Organisation du peuple de Rodrigues, âgé de 80 ans, a en effet décidé de ne pas briguer à nouveau les suffrages électoraux, et surtout le poste de chef commissaire.

« Après 45 ans d’engagement politique au service du peuple de Rodrigues, je sens qu’il est temps pour moi de passer la main sereinement à l’équipe de l’OPR, avec qui j’ai cheminé durant de longues années et en qui j’ai pleinement confiance », écrit-il dans son message publié dans le programme électoral de l’OPR en vue du prochain scrutin. Et c’est tout à son honneur, quelles que soient les raisons qui l’ont motivé. Au fil des années, Serge Clair aura réussi à amener les Rodriguais à prendre conscience de leur identité et de leurs spécificités propres, et aux non Rodriguais de les respecter.

L’accession au statut d’autonomie, en 2002, fait partie de ce processus. L’OPR avait dès 1987 lancé le slogan « L’autonomie, c’est le changement », tout en insistant sur le fait que « autonomie » ne signifiait pas « indépendance ». Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger, à leur arrivée au pouvoir en 2000, avaient d’ailleurs soutenu la démarche de Serge Clair, d’Antoinette Prudence et d’autres. Ils avaient donné au juge Robert Ahnee le soin de préparer la législation sur l’autotomie. Raison pour laquelle le nom de Serge Clair reste associé à celui de l’autonomie de Rodrigues. De plus, la loi sur l’autonomie est citée aux Nations Unies, surtout lorsqu’il s’agit des droits des minorités.

L’histoire du monde nous enseigne que l’affranchissement d’un peuple est une chose, mais la mise en œuvre de cet idéal politique, dans la pratique, en termes économique et social, est une autre paire de manches. Le gouvernement régional de Rodrigues, sous Serge Clair, aura permis de jeter les bases de la modernisation de Rodrigues, tout en permettant à l’île de prendre sa place au sein de la République. Les parlementaires rodriguais, qu’ils soient au gouvernement ou dans l’opposition, sont d’ailleurs souvent cités en exemple et participent activement à la vie de la République.

Toutefois, la méthode et l’administration de Serge Clair ne sont pas exemptes de critiques. Ce qui est tout à fait normal d’ailleurs dans une démocratie. Ses adversaires lui reprochent notamment son autoritarisme. Nicolas Von Mally, leader du Mouvement Rodriguais, ou Ange Perrine, du PMSD Rodrigues, considèrent ainsi que Rodrigues a enregistré un retard « considérable » sur le plan du développement économique. Le problème aigu de l’eau, de même que le recul du développement agricole et de l’élevage, ou encore le chômage des jeunes et l’exode vers Maurice sont quelques-uns des thèmes récurrents évoqués par l’opposition rodriguaise.

Quoi qu’il en soit, la fièvre électorale a déjà gagné l’île. Ceux qui connaissent Rodrigues savent en outre que les Rodriguais affichent librement leurs couleurs. Les débats politiques sont souvent dominés par l’émotion et la passion, ce qui explique parfois des dérapages verbaux et un certain degré d’intolérance. Il faut dire que les enjeux sont non seulement de savoir qui remplacera Serge Clair comme chef commissaire, mais aussi qui pourra mettre Rodrigues sur la voie d’une nouvelle phase du développement économique et social.

Il existe ainsi un courant de pensée à l’effet que l’autonomie doit être élargie afin que Rodrigues s’ouvre davantage sur la région et sur le monde. Dans tous les cas, tout laisse croire que les élections se joueront entre l’OPR, le MR et un collectif de partis de l’opposition, qui était en voie de création durant la journée de vendredi. Souhaitons que la campagne électorale se déroule dans la paix et le respect des adversaires. Le 13 février, au soir, nous saurons alors quelle sera la composition de la nouvelle Assemblée régionale et qui sont ceux « ki pou tase dan kasiet ».

Jean Marc Poché

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