Tourisme – 2019, année décevante

  •   “Nous connaissons un nouveau coup d’arrêt”,dit l’AHRIM
  •   La suite à partir de 2020 demeure très incertaine

Après le rapport accablant de l’Inbound Tourism Statistics Mauritius 2018 dans lequel nos lagons, nos plages, notre sens du civisme ont été durement et négativement soulignés par les visiteurs, le constat est: les touristes boudent la destination. Du moins, au vu des dernières statistiques, la situation dans le secteur est incertaine. Que ce soit en termes d’arrivées touristiques ou de recettes. Avec une croissance zéro, bien loin des prévisions officielles de 1,8%, 2019 est une année décevante, disent les opérateurs.  

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Au premier trimestre déjà, les opérateurs tiraient la sonnette d’alarme. En mai dernier, dans une interview accordée à Week-End, le directeur de l’Association des hôteliers mauriciens (AHRIM), Jocelyn Kwok, faisait aussi ressortir que “le tourisme ne va pas très bien en ce moment”, avec notamment une véritable tendance à la baisse en matière de fréquentation et de dépenses. Cinq mois plus tard, l’incertitude est grandissante dans l’industrie et les derniers chiffres n’augurent pas de belles perspectives.

C’est, en effet, avec amertume que les opérateurs notent la régression de 2% des arrivées touristiques en septembre 2019: 100,377 contre 102,849 en septembre 2018. Avec également une décroissance de 0,1% notée pour les 9 premiers mois de l’année – les 975,066 arrivées entre janvier et septembre 2018 chutant à 973,642 pour la même période en 2019.

Parmi les 7 principaux marchés, seuls 2 affichent une croissance positive jusqu’en 2019: la France et l’Allemagne à 5,9% et 0,7%, respectivement. Il faut toutefois tenir compte que les arrivées en provenance d’Allemagne par avion ont en réalité diminué de 5,7% par rapport à l’année dernière. Parallèlement, la Chine, l’Inde, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et La Réunion ont diminué, respectivement, de 37,3%, 16,6%, 3,9%, 2,6% et 1,5%. Avec une croissance de 13,7% à ce jour, l’Italie se positionne comme notre 8e marché et la Suisse se porte bien également avec une croissance de 4,2%. L’Arabie Saoudite se positionne comme notre 10e marché avec près de 20,000 touristes, soit une croissance de 40% par rapport à 2018.

Baisse de 4,9% des revenus touristiques à fin juillet

Dans l’ensemble, la situation en 2019 est décevante, soulignent les opérateurs, qualifiant la croissance de 0,1% pour les 9 premiers mois de 2019 de “flat growth.” D’autant que les recettes touristiques des 7 premiers mois de 2019 ont diminué de 4,9% par rapport à l’année dernière. Ce qui représente un déficit de près de Rs 2 milliards pour le secteur.

Étudiant les dernières statistiques, l’AHRIM note que, fin septembre, le nombre d’arrivées touristiques stagne. “Nous sommes au même chiffre qu’en 2018 et bien loin des prévisions officielles de Statistics Mauritius d’une croissance attendue de 1,8%. Les revenus touristiques publiés à fin juillet montrent également une baisse, de l’ordre de 4,9%, soit un écart de presque Rs 1,9 milliard. On ne peut pas dire que c’est encore une mauvaise surprise car, depuis fin 2018, on s’attendait à une année 2019 relativement compliquée”, dit Jocelyn Kwok. Dans la foulée, ajoute-t-il, il faut tenir compte que l’accessibilité aérienne souffre aussi avec environ 75,000 sièges de moins vers la destination. “C’est bien la première fois depuis l’année 2010 que nous subissons une baisse du nombre de sièges d’avion effectivement mis à disposition vers Maurice”, dit-il.

Et de faire ressortir que le tourisme de vacances balnéaires vers une destination éloignée reste toujours un secteur complexe. “Pour avancer, il lui faut des interactions effectives et viables entre la demande du marché en question, l’accessibilité aérienne, l’offre effective envers le client à travers les différents canaux de commercialisation et surtout face à la concurrence, et enfin la destination visitée doit surtout répondre aux attentes dans tout son ensemble afin de faire perdurer les prescriptions positives et favorables”, dit Jocelyn Kwok. Cet équilibre entre des forces agissant de manière concomitante peut très bien fonctionner, selon lui. “Cela a été le cas pour Maurice avant la crise de 2009, et entre 2014 et 2018. Il y a, en dehors de ces dates, des périodes moins favorables comme la lente sortie de crise entre 2010 et 2014 et en cette année 2019, nous connaissons à nouveau un coup d’arrêt”, note-t-il. Ainsi, dans la conjoncture, la suite à partir de 2020 demeure très incertaine avec les crises à l’international dont nous sommes témoins en ce moment, estime Jocelyn Kwok, rappelant que le prix du baril du pétrole demeure le premier facteur de compétitivité de Maurice dans ses différents marchés-source.

Pour le directeur de l’AHIRM, les explications possibles de notre performance à ce jour en 2019 se retrouvent obligatoirement dans ce qui est évoqué plus tôt. Mais il insiste que chacun de nos marchés-source a un comportement bien spécifique à lui. À titre d’exemple, notre premier marché, la France, fait très bien avec 5,9% de croissance à ce jour et cela après les contrecoups dus au phénomène des gilets jaunes. L’autre marché positif, l’Allemagne, n’est pas vraiment en hausse car derrière une croissance affichée de 0,7%, on retrouve une baisse des arrivées par avion de l’ordre de 5,7%. “Dans le cas de ce marché, plusieurs phénomènes sont notés, notamment un plafonnement suite à l’excellente croissance connue depuis 2014 où le marché a plus que doublé en quatre ans pour atteindre 133,000 touristes en 2018. En 2019, on note plus de croisiéristes allemands et on retiendra aussi la compétitivité amoindrie de Maurice pour les transporteurs aériens qui s’y sont lancés, sans oublier la chute de Thomas Cook”, analyse Jocelyn Kwok.

Quant aux cinq autres marchés qui composent avec ces deux pays précités, environ 70% de nos arrivées touristiques – soit le Royaume Uni, La Réunion, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine, tous en baisse –, diverses raisons sont évoquées, commente l’association. Et d’expliquer qu’en outre, le marché anglais, qui a progressé de 53% de 2013 à 2017 pour atteindre 150,000 touristes, plafonne depuis 2018 et aujourd’hui, le Brexit commence à faire voir ses effets négatifs.

Pour l’AHRIM, il faut aussi considérer La Réunion, qui n’a pas connu de baisse due à la crise en 2009, l’attrait actuel de l’aide de continuité territoriale ainsi que la stratégie de croissance à l’international d’Air Austral qui réduit les transits sur Maurice, l’économie ralentie en Afrique du Sud, le plafonnement pour l’Inde après le pic atteint en 2017 avec 86,000 touristes, et le dilemme du marché chinois (qui a connu un pic de près de 90,000 touristes en 2015 mais est redescendu à 66,000 en 2018, même si ce dernier chiffre reste largement supérieur aux 21,000 touristes chinois que nous avions accueillis en 2012 au tout début de nos opérations plus agressives en Chine).

Croissance remarquable de l’Italie

Poursuivant son observation, le directeur de l’AHRIM avance que des autres marchés qui suivent, la croissance remarquable de l’Italie à 13,7% et la Suisse à 4,2% sont à retenir. “Dans les deux cas, les évolutions sont bien différentes. Le nombre de touristes italiens reste beaucoup plus faible que durant les meilleures années antérieures ; plus de 69,000 en 2006 et 2007 contre un peu plus de 43,000 attendus cette année. La Suisse, elle, est en progression quasi ininterrompue depuis toujours et n’a connu qu’un léger ralentissement en 2009”, dit-il.

Et d’ajouter que l’Arabie Saoudite, enfin, s’affirme solidement comme notre 10e marché-source avec un taux de croissance de 40% jusqu’ici et près de 20,000 touristes accueillis à ce jour. “Ici, le modèle de service aérien est bien spécifique avec Saudi Airlines investissant dans 3 vols hebdomadaires sans interruption depuis septembre 2017. Si ces vols sont maintenus, ce marché pourrait nous apporter autour de 22,000 touristes pour l’année”, pense l’AHRIM.

“La promesse est-elle tenue par notre destination dans son ensemble?”

Dans un autre temps, il faut aussi tenir compte que notre performance de 2019 s’explique en partie aussi par l’efficacité de nos efforts de promotion envers nos différents marchés ainsi que la performance du produit, insiste Jocelyn Kwok. Soit, se demander: est-ce que la promesse est tenue par notre destination dans son ensemble, et sur tous les touch points avec nos touristes, depuis l’aérien et l’aéroport en passant par l’hébergement, les activités et toutes les autres composantes de notre île? “Nous n’avons pas toutes les réponses malheureusement”, dit-il.

Dès lors, pour la destination Maurice, il s’agit de maintenir le cap. Le Plan Stratégique du ministère fait état de nombre d’actions correctives et d’amélioration de la destination, et cite également des objectifs à l’horizon 2030, soit 2 millions de touristes nous rapportant Rs 120 milliards de recettes. “Nous en sommes à 1,4 million en 2018 pour Rs 64 milliards de recettes. Il est clair que des actions fortes et déterminantes seront nécessaires afin de pouvoir atteindre ces objectifs dans l’échéance proposée”, conclut l’AHRIM.

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