Un an après le 7 novembre – Presque un annus horribilis pour Pravind Jugnauth

Après une victoire ténue et contestée, que de la poisse avec le Wakashio et le Sir Gaëtan

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Nominations litigieuses, scandales de corruption interminables et retour des réflexes sectaires

Comme cadeau d’anniversaire, l’affaire Angus Road dont se délecte l’opposition qui rivalise “d’éléments”

Un an déjà. Eh oui, c’est le 8 novembre 2019 que Pravind Jugnauth profitait d’une lutte à trois, le MMM comme parti ayant choisi de briguer seul les suffrages et, de l’autre, une alliance PTr/PMSD et celle du MSM avec des groupuscules émanant du MMM, le Mouvement Liberater, celui de la poire d’Alan Ganoo et la Plateforme militante de Steven Obeegadoo pour se frayer le chemin d’une victoire ténue et contestée. Une première année qui est presque un annus horribilis pour le Premier ministre et leader du MSM.

La poisse a passé par là avec la Covid, le naufrage du Wakashio et du Sir Gaëtan, la plus grande protestation populaire enregistrée depuis des décennies, des nominations litigieuses, des scandales interminables, le retour des réflexes sectaires, la faillite des institutions. Et il ne peut même pas revendiquer un petit confort personnel ou une tranquillité d’esprit, puisque le calendrier veut que son cadeau d’anniversaire prenne la forme de l’affaire Angus Road dont se délecte une opposition qui rivalise “d’éléments”, alors qu’il promet des “éléments” depuis des lustres et que les explications tant attendues tardent à venir.

Pour célébrer l’an 1 de Jugnauth 2, arrivé aux affaires en même temps que Donald Trump en janvier 2017, on pourrait utiliser la propagande officielle telle que déballée sur la MBC vendredi, le Premier ministre s’autocongratulant pour ses exploits au lieu d’affronter la presse pour un échange contradictoire comme cela se fait dans les vraies démocraties. Oui, il y a eu quelques mesures sociales introduites conformément aux promesses faites durant la campagne électorale, mais sur l’essentiel, sur ce qui a permis au MSM et à ses acolytes de récolter des suffrages, il y a eu carrément duperie.

Au lieu de l’augmentation annuelle de Rs 1000 devant culminer avec les Rs 13 500 en 2024, c’est une contribution sociale généralisée qui a été infligée aux salariés du secteur privé. Et, en lieu et place de la solidarité avec les plus vulnérables, c’est une opération brutale d’évacuation de squatteurs qui interviendra en plein confinement et au coeur de l’hiver. Mais ce que l’on retiendra de cette année, c’est le nombre de sujets qui ont suscité colère et indignation.

Après les pétitions électorales logées par des candidats de l’opposition qui se sont retrouvés en quatrième position avec parfois moins d’une cinquantaine de voix d’écart, il y a eu une forme d’arrogance manifestée qui ne tenait pas en ligne de compte le faible score obtenu, soit les 37% qui ont permis à Lalians Morisien de remporter l’élection de 2019. Pas étonnant, dès lors, que les mouvements d’humeur de la population se soient fait entendre très tôt au début de ce nouveau mandat. Les nominations provocantes de proches ont exaspéré la population, Sandhya Boygah imposée au Mauritius Standards Bureau, le frère du ministre Hurdoyal à la Mauritius Shipping Corporation, l’épouse de Maneesh Gobin auprès de Mahen Seeruttun, le père à la présidence du MGI qui a suscité une vague d’indignation, telle que le père Gobin a dû battre en retraite et renoncer à la nomination.
Marée noire et marée humaine

Il faut dire que les choses n’ont pas bien commencé pour Pravind Jugnauth et son équipe de novices. La pandémie de la Covid lui est tombée sur la tête dès janvier et s’en est suivie une période délicate d’approximation jusqu’au confinement et la fermeture des frontières qui ont permis d’endiguer les contaminations, mais le bilan n’en est pas moins lourd avec quand même 10 décès.

A peine la pandémie contenue qu’un autre drame frappait le pays. C’est Week-End qui annonçait, le 25 juillet, la présence d’un navire immobilisé au large de Pointe d’Esny. C’était parti pour la catastrophe après plus de dix jours d’inertie, et ce qui devait arriver est arrivé, le beau lagon du Sud-Est a été souillé par une marée noire. Si les autorités ont brillé par leur impréparation et leur laisser-aller, les citoyens, eux, se sont très vite organisés pour contenir la pollution du lagon.

Le Wakashio devait être le théâtre d’un drame humain cette fois. Le 31 août, s’échouait à Poudre d’Or, le remorqueur Sir Gaëtan de la Mauritius Ports Authority qui revenait d’une opération sur l’épave du Wakashio et qui a causé la mort de trois personnes, alors que le capitaine Mosadeck Bheenick est toujours porté manquant. Deux jours plus tôt, c’est une autre marée qui s’était manifestée. Plus de 100 000 personnes étaient descendues dans les rues de Port-Louis pour exprimer leur ras-le-bol et la manière de gouverner de Pravind Jugnauth. Une initiative de Bruneau Laurette, qui s’était signalé par ses interventions auprès des squatteurs. Même mobilisation importante le 12 septembre à Mahébourg, la première victime du naufrage du Walkashio.

Si, abasourdi par l’ampleur du mouvement du 29 août, Pravind Jugnauth félicite les Mauriciens descendus en nombre battre le pavé, les récriminations contre les “marches” ne vont pas manquer ensuite. Le Premier ministre y est allé de son petit couplet sur les marches en annonçant qu’il marche pour la Journée internationale dédiée à cette activité, mais l’initiative se révélera plus conforme à la chanson de Jean-Jacques Goldman, «“Je marche seul” dans le caro kann de ma circonscription».

Le ministre de la Culture Avinash Teeluck a, dans une déclaration d’une grande finesse faite le 2 novembre, jour de la commémoration de l’arrivée des immigrants, déclaré que “marse komie ou anvi, nou nou ena enn larout a fer”. Il faut dire que le “nou” et le “zot” reviendront dans pas mal d’interventions publiques des dirigeants donnant ainsi une coloration communale aux initiatives des uns et des autres. Pas étonnant qu’avec de tels discours, il y ait eu un retour des réflexes sectaires noté, lequel avait pointé le bout de son nez à l’Assemblée nationale avec l’instrumentalisation du terme “zako” pour justifier une campagne raciste et le Code noir brandi en plein hémicycle.

Le point vraiment noir du bilan de la première année de ce gouvernement est la corruption. Et bien qu’il en soit devenu fashionable de mettre tous les partis traditionnels dans le même panier, il faut admettre que c’est elle qui a porté sur la place publique le scandale des achats d’équipements médicaux et de produits pharmaceutiques effectués durant le confinement dans des conditions frauduleuses. Alors que Pravind Jugnauth a justifié ces acquisitions faites en urgence, le scandale a néanmoins abouti à l’interpellation de trois personnes.

La liste noire et la déroute de la diplomatie mauricienne

Si l’ancien numéro 2 Ivan Colledavelloo a été révoqué, parce que son nom figure dans un rapport de la Banque africaine de Développement sur la centrale de Saint-Louis et qu’il avait refusé de démissionner parce qu’il est mentionné “dans un bout de papier”, il doit ces jours-ci rigoler sous cape avec l’affaire Angus Road qui tombe comme un drôle de cadeau d’anniversaire pour celui qui l’a congédié. Mardi dernier, Pravind Jugnauth a confirmé au Parlement qu’il y a bien une enquête sur l’affaire Angus Road et il a refusé d’envisager un retrait le temps de l’enquête comme le lui suggérait le leader de l’opposition Arvin Boolell.
C’est précisément la corruption et ses dérives annexes, ainsi que la faillite des institutions, qui ont conduit l’île Maurice sur la liste noire de l’Union européenne. Ajoutez à cela la déroute de la diplomatie mauricienne, on est vraiment mal barré. Le Premier ministre, qui se révèle pire diplomate que son père, est parti en guerre contre ces “hypocrites” d’Américains et de Britanniques et a même été jusqu’à dire que les Etats-Unis s’étaient mis en tête de “couler” notre bateau pour les Chagos, tout en se lamentant de ne pas avoir reçu de l’aide lors du naufrage du Wakashio. Une déclaration qui a été fermement démentie par l’ambassadeur des States à Maurice.

De l’aide pour le Wakashio, on a bien reçu de la France qui a dépêché ses équipements depuis La Réunion, mais son ministre des Outremers, Sébastien Lecornu, ne s’est pas embarrassé pour parler “des conditions de naufrage assez inexplicables”, jetant ainsi un pavé dans la mare d’huile lourde. C’est à se demander si la République de Maurice a encore des amis dans le monde!

Sur le plan économique, l’arrivée d’un ministre des Finances sans aucune expérience, parlementaire notamment, a donné l’impression d’un parcours à tâtons. Entre chiffres constamment revus et corrigés et une gestion des deniers publics pour dire le moins opaque en passant par un manque cruel de vision et d’imagination en ces temps cruciaux, il va s’en dire que tous les doutes sont permis quant au redémarrage de l’économie.
A un moment où l’on parle d’un possible rebond du tourisme pas avant 2023, Randanaden Padayachy a toujours des idées lumineuses pour sortir de l’impasse. Si au moment des restrictions sur les voyages il avait proposé aux Réunionnais, par exemple, de venir à Maurice, parce qu’il avait décidé de liquider les stocks de boissons alcoolisées de la Mauritius Duty Free Paradise, en doublant le quota des achats hors-taxes et qu’il avait cru que cela révolutionnerait le tourisme, il vient de découvrir une autre parade pour doper la consommation et l’activité économique: les droits de douane à la baisse pour l’achat de véhicules.

Avec de telles initiatives, il n’est pas sûr que le tableau soit plus rose en l’an 2…

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