Vaste chantier

Si l’intention de l’alliance de l’opposition parlementaire était de faire parler des 20 mesures qu’elle a annoncées, c’est un pari réussi. Même après la présentation d’un budget, il n’y a pas eu autant de débats organisés sur des propositions de politique fiscale et sociale. De débats, il y en a eu et c’est bien qu’il en soit ainsi. Ils ont même occasionné le retour inattendu des ministres sur les plateaux radios/direct Facebook.  C’est un signe éloquent de la nature de la portée des mesures annoncées le 1 er mai à Port-Louis.

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Ce qui est, par contre, regrettable c’est que l’attention n’ait été focalisée que sur des annonces considérées comme populaires. Or, il y a d’autres mesures qui ont été présentées qui devraient aussi susciter des discussions.

En sus de réforme électorale, d’inclusion d’un tiers de femmes sur la liste des candidats pour les élections générales et d’une bonne loi sur le financement des partis politiques, ce dont on parle depuis des décennies déjà et qui tarde à se matérialiser, faute de consensus et de majorité de trois-quarts pour les matérialiser, c’est surtout l’annonce d’un nouveau mode de désignation du/de la Président/e de la République et du Speaker par un collège électoral, et non pas sur une simple motion du Premier ministre proposant un de ses agents les plus serviles.

Si un tel collège électoral – composé de grands électeurs issus de l’Assemblée Nationale, mais aussi des conseils municipaux et villageois et d’autres instances neutres – existait, on n’aurait, sans doute, pas eu un Loudspeaker au perchoir dans l’hémicycle ni un Président qui, lui, est mutique sur toutes les grandes questions touchant à la Constitution, dont il est  pourtant le premier garant et celui chargé d’en faire respecter à la lettre les clauses fondamentales.

Dans la réclame révélée en attendant le film du programme complet, il y a un renforcement de l’indépendance et des pouvoirs du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), mais aussi une loi anti-transfuges.

Depuis que cette maladie du retournement de veste – contre avantages de nominations, de postes et de poches aussi, certains se satisfaisant de mallettes bien garnies – empoisonne la sphère politique, il n’y a eu que de timides tentatives pour endiguer ce qui, en fin de compte, est un détournement inacceptable du vote populaire.

S’il y avait une telle législation, Salim Abbas Mamode, dans l’actualité en ce moment, n’aurait pas détenu le triste record du seul transfuge de la présente mandature, puisqu’il a allègrement déserté le PMSD pour rejoindre les rangs du MSM et obtenir la présidence du comité parlementaire sur la… Financial Crimes Commission (FCC). Quelle ironie !

L’alliance PTr/MMM/ND propose la formule seychelloise de Constitutional and Other Appointments Authority pour la désignation des directeurs d’organismes publics. Vivement, parce que cela nous débarrassera de l’incompétence de faux gestionnaires venus pour s’enrichir et exécuter les directives de leurs parrains, allouer les contrats et recruter les agents du Premier ministre et des ministres.

Pour les institutions, on a pu avoir des Premiers ministres décents qui étaient soucieux de ne pas les souiller et qui nommaient des gens jouissant d’une certaine respectabilité à leur tête, mais on a aussi connu récemment une vampirisation systématique et un verrouillage partisan de tous les organismes d’État par de dangereux autocrates.

Si un tel organisme indépendant de nominations existait, nous n’aurions pas eu un commissaire de police plus occupé à batailler avec le DPP ou à créer des monstres inefficaces comme la Special Striking Team, dont la tâche prioritaire est de persécuter les opposants politiques plutôt que de lutter vraiment contre la drogue et à démanteler les gangs qui opèrent avec la bénédiction des gens du pouvoir, comme on a pu le voir, récemment, à Camp Yoloff.

Si les nominations étaient moins teintées de touche partisane, on aurait évité, par exemple, le ridicule d’une organisation comme la State Investment Corporation (SIC), qui se démène pour trouver un repreneur pour ses casinos déficitaires pendant qu’elle injecte Rs 400 millions dans le projet de Smart City de Yihai au Domaine les Pailles.

Si cela était, on aurait fait l’économie de la promotion personnelle que se permet l’ancien candidat battu du MSM à Belle-Rose/Quatre-Bornes, Vikash Peerun qui s’étale ces jours-ci dans les médias, alors qu’il n’est que le président du National Insurance Group /Company (NIC), cette entité qui s’est approprié les compagnies de la défunte BAI.

On ne se souvient pas avoir vu la photo énorme du président lorsque la NIC enregistrait des pertes colossales, malgré les injections massives de l’argent des contribuables. C’est dire la qualité de l’exercice des nominations politiques !

Si cette structure existait, on n’aurait certainement pas assisté au triste spectacle qu’offre Air Mauritius depuis le débarquement de Megh Pillay en 2016. Depuis son éviction, rien ne va plus au sein de la compagnie nationale d’aviation. Valse de directeurs, patronage politique, vente d’aéronefs neufs pour aller louer les mêmes à des prix astronomiques, renvoi du personnel qualifié pour faire de la place aux agents pistonnés pendant que le tout nouveau CEO, lui, se distingue par l’organisation d’un grande virée familiale.

L’alliance PTr/MMM/ND a aussi annoncé la télévision privée, long overdue, de même que la suppression de la redevance télé, une taxe imposée arbitrairement que les propriétaires d’un poste de télévision regardent ou ne digèrent pas la propagande du MSM. C’est injuste et c’est inéquitable.

La MBC n’a qu’à faire comme les journaux et autres radios privées et aller se débrouiller pour générer des revenus, ou alors introduire un service payant à la demande avec un boîtier d’accès pour ceux qui auraient de l’argent à jeter sur des émissions d’une grande médiocrité du service audiovisuel public. Les 20 mesures, c’est un vaste chantier, donc, qui attend ceux qui aspirent à prendre le relais du MSM.

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