YAHYA PARAOUTY (UPSEE) : «La mixité va pervertir l’élite »

Avec le boycott des classes dans le secondaire privé mardi dernier, Yahya Paraouty, le président de la Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) pense avoir fait un premier pas pour faire reculer le Nine-Year Schooling. Si l’UPSEE a défendu son action en évoquant des raisons liées à l’emploi, le flou qui subsiste dans le projet de réforme, en revanche, on a peu entendu son président s’exprimer sur la question de mixité dans les futures académies. L’UPSEE est farouchement opposée à celle-ci au secondaire. Yahya Parouty en parle ici et affirme que « la mixité va pervertir l’élite ». Il prévoit même un soulèvement social en cas de mixité dans les futures académies.
 
L’UPSEE a réussi à perturber les classes dans quelques collèges mardi dernier. Pensez-vous avoir envoyé un signal fort aux autorités de l’éducation ?
Oui ! Étant donné l’ampleur que le mouvement a pris, il est clair que nous avons atteint les autorités. Quand un collège doit renvoyer ses élèves à 9h30 et qu’un manager appelle la PSSA à la rescousse parce qu’il ne sait pas comment gérer la situation, je crois que le message est passé. Qui plus est, le mot d’ordre donné aux employés du secondaire privé pour paralyser les classes n’a été lancé que quelques jours auparavant. Et nous n’avons pas fait de grand battage médiatique. Sans compter le rapport du Pay Research Bureau qui a grandement occupé l’actualité. Pour ma part, je suis satisfait du mouvement de mardi dernier. Près de 60% du personnel concerné ont respecté le mot d’ordre. Certains des enseignants qui se sont rendus dans leurs collèges ont même pris la décision de ne pas entrer en classe, mais de rester dans l’enceinte de leur établissement.
 
Vous avez affirmé à vos membres que le Nine-Year Schooling mettra en péril le travail des enseignants du Prévoc et de certains collèges qui n’arrivent plus à recruter en Form I. Ne poussez-vous pas le bouchon trop loin, sachant que le ministère de l’Éducation a l’obligation de redéployer les enseignants dans un tel cas de figure ?
Si Madame Dookun pense réellement à ce qu’elle a dit en affirmant qu’aucun enseignant ne perdra son emploi, qu’elle nous en donne la garantie ! En 2015 il y a eu le cas genuine de 10 enseignants référé à la PSSA, qui a par la suite confirmé qu’il y avait un excédent d’enseignants dans leur collège. Leur dossier a été soumis au ministère de l’Éducation pour qu’il approuve leur redéploiement. Ce n’est qu’en décembre de la même année que ces enseignants ont été redéployés, avec la pression de l’UPSEE. Le ministère est parfaitement au courant du nombre de collèges qui sont menacés de fermeture et se doit déjà de faire un plan de redéploiement. D’autre part, il y a des collèges d’Etat qui sont saturés et deux des collèges MEDCO, notamment Bhujoharry et Cassis, sont en over staff, tandis qu’à MEDCO Trinity, il y a sept ou huit enseignants pour 65 élèves. Le ministère de l’Éducation devrait considérer la proposition de l’UPSEE pour éviter que des enseignants ne se retrouvent au chômage et des enfants sans collège.
 
Quelle est cette proposition ?
La création de deux à trois collèges MEDCO dans l’Est et le Sud du pays respectivement. Le gouvernement n’a pas d’autre choix que d’ouvrir de nouveaux collèges !
 
Comme la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, vous êtes aussi un membre du MSM, parti au pouvoir. Vous êtes encore mieux placé pour discuter de ces préoccupations avec votre collègue…
J’ai essayé par tous les moyens possible de communiquer avec Madame Dookun. Depuis qu’elle est ministre, je pense ne l’avoir rencontrée que deux fois. J’ai eu l’occasion de lui témoigner ma compréhension pour l’immense responsabilité qui lui a été attribuée, car elle doit aussi s’occuper de l’éducation tertiaire. Mais pour résoudre nos problèmes, il faudrait résoudre ceux qui existent à la direction de la PSSA. C’est là-bas que se trouve la source de tous nos problèmes. Madam-la difisil konpran. Je me souviens quand James Burty David, du PTr, était ministre de l’Éducation et que moi j’étais membre du MMM, il m’avait convoqué quand les problèmes à la New Secondary School avaient commencé. On avait discuté et il comprenait vite les choses. Madame Dookun, elle, reste focalisée sur l’aspect légal, ce qui s’avère un blocage. Même James Burty David, Vasant Bunwaree et Steve Obeegadoo voyaient au-delà de cet aspect.
 
Dans le tract que votre syndicat a fait circuler contre le Nine-Year Schooling le 23 avril, l’UPSEE se dit contre la mixité après le Grade 6. Pourquoi être contre une éducation mixte au secondaire ?
A l’époque des Junior Secondary Schools, tous les collèges étaient mixtes. Pour une raison qu’on ignore, la mixité a été interrompue. Et quand le premier Form VI College, le sir Rampersad Neerunjun, est arrivé dans les années 1980, il était aussi mixte. Mais lui aussi a dû fermer ses portes après seulement une année d’opération pour céder la place à l’École Hôtelière SGD. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans des institutions du MITD où filles et garçons se côtoient et qui ne sont pas ébruitées. Dan enn kolez mix ou na pa kapav kone ki pe pase. L’adolescence est un âge difficile. D’autre part, un enseignant qui a eu l’habitude de ne travailler qu’avec des filles ou des garçons aura des difficultés à enseigner aux deux sexes. Vous savez, la communauté musulmane est contre la mixité en classe et elle n’acceptera pas ce concept si la réforme est appliquée. J’avais davantage mesuré cela lors d’une réunion qu’avait organisée le Muslim Citizen Council et à laquelle j’avais assistée sur l’éducation. La communauté musulmane ne voudra pas que les académies dans lesquelles l’élite, la crème de la crème de nos étudiants, doit étudier après le Grade 9, deviennent des établissements mixtes. Imaginez-vous le collège Royal ou encore le Queen Elizabeth College mixtes ? La mixité va pervertir l’élite.
 
Vous êtes en train de dire qu’il y aura un lobby contre la mixité ?
Le lobby est déjà là !

Comme l’a déjà fait ressortir la ministre Dookun-Luchoomun à propos de la mixité, le concept ne pose pas problème dans des classes des leçons particulières. En effet, quand il s’agit d’engager son enfant dans une compétition, on l’inscrit aux leçons privées les plus courues en étant peu regardant sur la question de mixité. L’ampleur dans les cours privés est différent qu’à l’école. Avant même la fin des leçons particulières, le parent musulman a déjà garé son véhicule devant la porte de l’enseignant privé. Ce qui laisse peu de liberté à l’enfant après les leçons particulières et plus de contrôle par le parent.
 
Les universités sont mixtes !
Quand un jeune entre à l’université, il est déjà mature. D’ailleurs, vous ne verrez pas les parents attendre leurs enfants à la sortie de l’université. Il y a des jeunes qui se marient à 18 ans, donc ils sont mûrs. Il y a une crainte qu’à cause de la mixité, le Nine-Year Schooling donne lieu à une manifestation sociale. Chaque réforme amène un débat. Quand Parsuramen était ministre de l’Éducation, il avait dû faire marche arrière avec son projet de réforme car l’Église catholique était contre. Lui, contrairement à Madame Dookun, il avait fait son pèlerinage !
 
Avec une telle vision sur la mixité, vous ne devez pas être emballé en pensant à l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école…
L’éducation sexuelle peut être introduite, mais pas dans des collèges mixtes. L’autre jour on m’a raconté comment une infirmière, formatrice à l’école de nursing, éprouvait des difficulté à s’exprimer devant l’assistance masculine quand elle parlait du corps humain. Elle était gênée par le regard des infirmiers. C’est pour vous dire qu’il faut faire très attention sur ce sujet et son enseignement.

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