« Il est plus que nécessaire que le personnel navigant dispose d’un lieu pour effectuer sa quarantaine au lieu du self isolation »
« Les membres du personnel navigant craignent que s’ils ne se font pas vacciner, ils soient pénalisés par la compagnie, comme c’est le cas pour ceux qui refusent le self-isolation »
« Nous aurions voulu savoir combien de sacrifices chaque personne d’Air Mauritius, from top to bottom, est en train de faire »
Yogita Babboo Rama, présidente de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA), a sans relâche mené un combat acharné pour ses membres depuis le « crash » d’Air Mauritius aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan économique. Elle avait, entre autres, mis en garde sur l’auto-isolement et aujourd’hui, l’actualité penche en faveur de sa vision de la dangerosité de cette pratique avec la contamination d’un commandant de bord qui a contraint tous les contact tracing d’être mis en quarantaine. Dans cette interview où elle explique les risques encourus par ses membres pour la Covid-19, elle s’interroge sur les sacrifices économiques imposés à ses membres, alors que les employés ne savent pas dans quel état financier se trouve la compagnie et si les gros salaires et les administrateurs sont aussi régis par le régime à sec « du fer sakrifis ankor pou sov Paille-en-queue ».
Avec la contamination à la Covid-19 d’un commandant de bord la semaine dernière, la question de protocole sanitaire pour le personnel navigant de MK revient sur le tapis. Quel est le sentiment de vos membres ?
Comme nous l’avons depuis longtemps signalé, le risque d’être infecté est réel et permanent malgré toutes les mesures prises en termes de précaution par l’individu et le protocole sanitaire mis en place actuellement. Et pour nos membres, cette contamination ravive les inquiétudes. On espère que des mesures correctives seront prises rapidement, car jusqu’ici, même si nous ne savons pas comment et quand ce pilote a été contaminé, nous craignons les loopholes.
Quelle est la faille dans le protocole sanitaire qui a causé cette contamination à la Covid-19 ? Est-ce dans l’avion, au moment du transfert à l’étranger ou à l’arrivée à Maurice ?
Difficile à dire, car le virus est invisible…. Mais le risque est présent à chaque étape, dès que l’équipage quitte Maurice. Les protocoles ne sont pas les mêmes à l’étranger. Certes, on porte le Personal Protective Equipment (PPE) pour arriver jusqu’à l’hôtel, mais on circule quand même dans les aéroports et on prend un transport public pour arriver à l’hôtel. Au retour à Maurice, l’équipage doit enlever le PPE pour passer la sécurité à l’aéroport. On nous demande de mettre notre PPE dans des bacs. Et on le remet après avoir traversé la sécurité. À toutes ces étapes, il y a des risques de contamination, d’autant que lorsque l’on passe la sécurité, il y a souvent aussi des équipages d’autres compagnies aériennes. Même à bord de l’avion au retour, nous sommes en contact avec les passagers… Cela peut être n’importe où. Rien n’est à 100% sans risques. C’est pourquoi nous avons toujours demandé de revoir le protocole et d’augmenter également le nombre de PPE et de désinfectants par équipage, principalement sur les vols long-courriers de l’aller au retour.
Vous avez déjà dénoncé dans nos colonnes les sérieuses lacunes dans le protocole sanitaire et la contamination de ce pilote la semaine dernière vous donne raison à l’effet que l’isolement à la maison constitue un danger potentiel de contamination pour les autres membres de la famille. Pensez-vous que suite à cette affaire, les autorités vont enfin accéder à votre demande ou vont-elles continuer à camper sur leur position pour des économies de bout de chandelle sur la santé du personnel de MK ?
Les faits sont là. D’ailleurs, tout l’équipage et leurs proches ont dû aller finalement en quarantaine. On espère être pris au sérieux, car il est évident qu’il y a faille. Surtout qu’en dépit du protocole établi pour le personnel de santé, qui sont d’autant plus des professionnels qui, de par leur métier, ont l’habitude de travailler dans des environnements contagieux et de garder leur lieu de travail stérile, ont quand même été contaminés. Les risques de contamination sont tout aussi grands pour nous que pour nos familles avec l’auto-isolement. Les autorités ont le devoir d’y remédier rapidement.
Les variants anglais et sud-africains de la Covid sont plus contagieux. Ne nécessitent-ils pas des précautions supplémentaires ?
Effectivement, ces variants semblent encore plus contagieux. Raison de plus pour que le personnel navigant ne mette pas à risque sa famille et par ricochet la population. Il est plus que nécessaire que le personnel navigant dispose d’un lieu pour effectuer sa quarantaine au lieu du self-isolation.
Au lieu d’agir chacun de son côté, ne pensez-vous que les pilotes et les autres membres du personnel navigant devraient faire cause commune sur la question du protocole sanitaire afin que votre protection soit maximisée ?
Chacun essaye de faire bouger les choses à sa façon. Même si nous travaillons dans le même environnement, nous sommes deux corps de métier différents. C’est aux autorités de maximiser les efforts pour assurer la santé et la sécurité de chaque citoyen.
Pour se protéger et protéger la population, le personnel navigant compte-t-il se faire vacciner ?
À ce jour, la vaccination n’est pas obligatoire, qu’on soit frontliners ou pas. L’arrivée des vaccins donne une lueur d’espoir, mais c’est un choix difficile à faire. Et les membres du personnel navigant craignent que s’ils ne se font pas vacciner, ils soient pénalisés par la compagnie, comme c’est le cas pour ceux qui refusent le self-isolation. Nous sommes dans le flou et n’avons aucune information d’Air Mauritius quant aux conséquences d’un refus du personnel navigant de se faire vacciner.
Depuis la fin de l’année dernière où la politique radicale mise sur pied par les administrateurs a touché fortement bon nombre de vos membres sur le plan économique, où en est-on aujourd’hui ?
Nous avons subi des coupes de salaire drastiques, certains membres ont été mis en congé sans solde du jour au lendemain. Parmi, certains pour trois mois en période de fin d’année et cela parce qu’ils ne voulaient pas mettre à risque leur famille. Les Cabin Crew sont à la disponibilité de MK tout au long du mois, en stand-by, mais ne perçoivent que la moitié de leur salaire. Dans le cas de ceux qui travaillent, le self-isolation n’est ni payé ni pris en charge par la compagnie ou les institutions gouvernementales… Ce qui n’est pas normal, car c’est notre métier qui requiert la mise en auto-isolement. Nous sommes obligés de subvenir comme on peut à nos besoins. Des besoins qui augmentent du fait que nous avons des dépenses supplémentaires en étant en isolement et dans l’incapacité de sortir. Il nous faut payer des gens pour amener les enfants à l’école, faire nos courses, etc. On dépend des autres. Le self-isolation a un coût qui n’est pas pris en compte par la compagnie. En gros, avec la réduction de salaire, ce qu’il nous reste, c’est pour payer les frais de self-isolation.
La multiplication de vols sur Rodrigues a-t-elle influencé positivement la situation du personnel navigant ou pas ?
La situation reste la même. Cependant, avec la fermeture des frontières, c’est au management de savoir bien exploiter cette route qui profite non seulement aux finances d’Air Mauritius, mais aussi à l’économie rodriguaise.
Vous avez adressé récemment une lettre aux administrateurs concernant la situation financière de la compagnie dans le cadre d’une possible vente du Paille-en-Queue Court et dans le sillage de celle des quatre avions. Vous semblez dire qu’il y a toujours de l’argent pour « l’administration élargie », mais que pour les employés, il y a toujours des difficultés à en trouver. Qu’en est-il exactement ?
Il n’y a pas de transparence dans ce qui est fait dans la compagnie. On entend des bruits de couloir et nous pensons en tant qu’employés et créanciers de MK, c’est notre droit d’avoir des informations sur ce qui se passe. On entend dire que des sommes astronomiques sont payées aux administrateurs. D’où provient cet argent ? Surtout que la période d’administration volontaire a été étendue jusqu’en juin 2021 au lieu de décembre 2020. Les petits employés d’Air Mauritius doivent faire face à des conditions d’emploi difficiles, dont les baisses de salaire, la mutation sur le part-time job… Tout cela nous est imposé, mais qu’en est-il des conditions de travail du management et ces employés qui sont considérés comme essential par les administrateurs et qui eux travaillent et sont payés en full time ? Surtout pour ceux qui perçoivent plus de Rs 500 000 par mois ? Ces gens-là ne sont-ils nullement affectés par la mise sous administration volontaire ? Nous aurions voulu savoir combien de sacrifices chaque personne d’Air Mauritius, from top to bottom, est en train de faire. Nous pouvons consulter le dernier annual report publié par MK pour vérifier les comptes s’agissant des paiements au Chairman, au CEO, etc. Zordi pé vinn dir nou, travayer, fer ankor plis sakrifis pou sov nou Paille-en-queue !