Santé mentale : Comment prévenir les troubles psychologiques chez les jeunes ?

Quatre ans après la pandémie, les études sur l’impact psychologique de cette dernière sur l’humain commencent à porter leurs fruits. Sur la santé mentale des enfants et ados, les derniers chiffres d’une récente étude menée en France sont plutôt alarmants, mais les professionnels assurent qu’il est possible d’agir de différentes manières. Nous vous partageons un article du Professeur Antoine Flahault qui vient de publier Prévenez-moi – Une meilleure santé à tout âge, aux éditions Robert Laffont et qui a été repris sur le site d’informations Slate.fr. Cet article met en lumière les résultats découlant de l’Enquête nationale sur le bien-être des enfants (ENABEE) de la Santé publique française.
Depuis quatre ans, à la faveur des confinements nécessités par la pandémie de Covid-19, la question de la santé mentale des enfants et des adolescents est plus que jamais mise sur le devant de la scène. Les chiffres sont inquiétants. Selon les premiers résultats de l’étude Enabee sur le bien-être et la santé mentale des enfants en France métropolitaine, 13% des 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale.

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En outre, selon le bulletin mensuel de Santé publique France du 4 mars 2024, les passages aux urgences des moins de 17 ans pour des idées suicidaires se maintiennent à des niveaux plus élevés en 2024 que lors des trois années précédentes, et l’ensemble des passages pour des troubles mentaux demeure important. Face à cela, les autorités sanitaires mettent en place des études observationnelles visant à un suivi rapproché et déploient des mesures qui reposent essentiellement sur l’initiative des jeunes et de leurs proches, avec des campagnes de communication ou des dispositifs d’écoute comme le Fil Santé Jeunes. Elles soutiennent également des modules de formation Premiers Secours en Santé Mentale spécifiques, destinés aux adultes qui sont quotidiennement au contact d’adolescents.

Malgré tout, peu semble être fait en termes de dépistage et de prévention des troubles psychologiques chez les jeunes. Il est, pourtant, possible non seulement de repérer précocement des signes de malaise chez les jeunes, mais aussi de mettre en place des mesures efficaces pour réduire les facteurs responsables d’un éventuel mal-être et de troubles psychologiques.

Améliorer le dépistage des troubles psychologiques
La première action utile serait de promouvoir un dépistage plus systématique de la dépression chez les jeunes, celle-ci passant souvent sous les radars des parents, des enseignants et éducateurs. La dépression, avec ce qu’elle peut supposer d’idées suicidaires, demeure un impensé bien ancré. On imagine encore trop souvent, à tort, qu’un enfant ou un ado ne saurait être dépressif ou ne pourrait pas avoir d’idées noires. En outre, les signes de dépression chez les jeunes sont parfois différents : on retrouve moins souvent l’hypersomnie ou l’appétit accru chez les adultes, par exemple. On a, par ailleurs, tôt fait de tout mettre sur le dos d’une crise d’adolescence, voire même d’un manque d’éducation.

Afin de dépister la dépression chez les jeunes par la médecine de premier recours, il existe des échelles dédiées et traduites en français, recommandées par la Haute autorité de santé (HAS) et validées scientifiquement. C’est le cas de l’échelle Adolescent Depression Rating Scale (ADRS), qui interroge le jeune sur dix éléments comme le degré d’énergie pour l’école, le découragement ou encore l’envie de mourir.

Cela permet, le cas échéant, de l’orienter vers un spécialiste pour confirmer le diagnostic et mettre en place une prise en charge adaptée.
On peut également citer l’échelle TSTS-CAFARD, qui contient cinq questions d’ouverture sur la traumatologie, le sommeil, le tabac et le stress. Chacune de ces thématiques est associée à un niveau de gravité en cas de réponse positive, à travers cinq questions portant sur les cauchemars, les agressions, le fait de fumer, l’absentéisme à l’école et le ressenti désagréable familial. Il existe également le test Bullying Insomnia Tobacco Stress (BITS), une version actualisée et améliorée du TSTS-CAFARD, validée en conditions réelles en 2020.

Outre la dépression, il ne faut, évidemment, pas mettre de côté d’autres troubles qui peuvent lui ressembler ou qui peuvent également être vus comme des signes de « crises d’adolescence ». On pense notamment à la bipolarité, dont on sait qu’elle est difficile à diagnostiquer chez les ados, mais aussi aux troubles du comportement alimentaire, au refus scolaire, ou bien encore aux troubles anxieux.

Lutter contre le harcèlement scolaire
Si le dépistage permet d’instaurer une prise en charge précoce adaptée au diagnostic, il faut aussi tout mettre en œuvre pour réduire en amont les facteurs qui favorisent la survenue de tels troubles. C’est le cas de la lutte contre le (cyber) harcèlement scolaire et les discriminations, dont on connaît les conséquences parfois dramatiques.

Concernant les harcèlements, l’UNESCO a publié en 2019 un rapport qui détaille des recommandations basées sur des études concrètes, évaluant à travers le monde les interventions à mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau. En envisageant les mesures qui ont fait leurs preuves, l’UNESCO recommande, ainsi, de :
• Veiller à ce que soient mises en place des législations permettant de protéger les droits des enfants, et soutenir les politiques pour prévenir la violence et le harcèlement à l’école et y répondre.
• Améliorer la disponibilité de données précises et fiables et mettre en œuvre les initiatives fondées sur des preuves scientifiques et sur des recherches rigoureuses.
• Former et soutenir les enseignants pour qu’ils puissent non seulement prévenir la violence et le harcèlement à l’école, mais aussi y répondre.
• Promouvoir des approches à l’échelle de l’école qui impliquent l’ensemble de la communauté éducative : élèves, enseignants, autres membres du personnel, parents et autorités locales.
Une politique de réduction des risques autour des substances psychoactives

Pour réduire le risque de troubles psychologiques chez les jeunes, il faut aussi développer la prévention les addictions et déployer une politique de réduction des risques en matière d’usage de drogues. Même si, selon les chiffres de l’OFDT, les jeunes semblent délaisser davantage qu’il y a quelques années les substances psychoactives, il n’en demeure pas moins que leur usage (notamment l’alcool et le cannabis) n’est pas sans conséquence sur la santé psychologique des jeunes. Un usage chronique de cannabis favorise les troubles du sommeil qui font le lit de la dépression et de l’anxiété, et sa consommation, même ponctuelle, peut précipiter l’apparition d’épisodes psychotiques chez des personnes qui peuvent y être sujettes. L’enjeu n’est pas de soutenir une politique moraliste et répressive, mais d’informer sur les risques et de fournir aux jeunes une écoute et une aide visant à réduire les consommations problématiques.

Pour terminer, nous aimerions mettre en avant les leçons tirées d’une expérience menée aux États-Unis, dans un district scolaire du Bronx. Celle-ci met en avant, pour améliorer la santé mentale des jeunes, des mesures consistant à instaurer plus de connections avec la communauté, à donner aux jeunes davantage de pouvoir décisionnel et à améliorer leur développement social et émotionnel.

On voit que la prévention ne concerne pas seulement l’alimentation ou l’activité physique : elle a fait ses preuves aussi pour réduire les risques associés au harcèlement scolaire. La prévention vise à réduire les chances de voir survenir des problèmes en amont. Elle est trop souvent ignorée, négligée, délaissée dans le domaine de la santé mentale, au prix de souffrances évitables, de scolarités amputées, de bascules des parcours de vie et de délitement de la cohésion sociale et familiale des enfants concernés.

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