CULTURE:Année noire pour l’histoire

2011 nous avait gratifié de deux séminaires internationaux consacrés à des aspects majeurs de notre histoire sans compter l’apport considérable du rapport de la Commission Justice et Vérité qui comptait tout un chapitre et de nombreuses annexes consacrés à l’histoire. 2012 serait plutôt à inscrire parmi les années de disette non seulement à cause du silence de l’Université de Maurice, qui semble être entrée en phase d’hibernation, mais aussi à cause de la disparition de plusieurs historiens qui ne comptaient pas leur énergie pour apporter de nouveaux éclairages sur l’histoire de Maurice.
L’île Maurice a perdu cinq historiens cette année. Le premier d’entre eux était malgache et bien connu à la paroisse Saint-Patrick de Rose-Hill, où il a été vicaire pendant plusieurs années. Le père Martial Rafolonjatovo a mené pendant plusieurs années de patientes recherches sur les traces de la communauté malgache à Maurice, dont il a rassemblé les données et conclusions dans un ouvrage en attente de publication. Après avoir achevé sa mission à Maurice, le prêtre était retourné au pays natal d’où il nous a quittés début 2012.
Souffrant depuis de nombreux mois, Amédée Nagapen a donné son dernier souffle en juin dernier, laissant en offrande de nombreux ouvrages sur l’histoire de la communauté et de l’église catholiques à Maurice, ainsi que le fruit de ses recherches sur l’esclavage et le marronnage auxquels il a consacré une compilation richement documentée et publiée par le Centre Nelson Mandela. Soucieux de rétablir la vérité historique et ainsi réparer les injustices de l’histoire, Amédée Nagapen était aussi responsable des archives du diocèse catholique. Publié en août dernier sous le titre « L’abbé Tristan Bardet, 1828-1884, lauréat de la bourse d’Angleterre », son dernier ouvrage témoigne à travers une biographie de son goût pour les joies de l’instruction.
Peu après, nous perdions une de ses fidèles collaboratrices en la personne de Lilian Berthelot qui avait d’ailleurs relu son ultime manuscrit. S’étant illustrée dans la fiction avec des romans et des contes, Lilian Berthelot a aussi écrit la première histoire de Rodrigues ainsi que l’histoire de la ville de Quatre-Bornes. Elle fait ainsi partie de ces personnes qui n’ont été fréinées ni par l’âge ni par la maladie dans leur ardeur et leur enthousiasme à enrichir le patrimoine intellectuel du pays. Elle venait d’ailleurs de mettre une dernière main à son dernier roman, La vie conjuguée.
Il faudrait également citer Camille Moutou, disparu le 9 décembre dernier, qui en parfait amateur passionné, a par exemple réalisé un who’s who mauricien ainsi que des cartes et guides touristiques, puis a oeuvré à faire connaître la culture tamoule de Maurice et favoriser les échanges intercommunautaires.
Le 15 décembre dernier, presque jour pour jour un an après sa soeur Marie-Madeleine, également historienne, Huguette Ly Tio Fane s’effaçait dans la plus grande discrétion. Grâce à ses compétences unanimement reconnues en recherche historique et dans le domaine des archives, Huguette Ly Tio Fane a jeté les bases de ce qui allait devenir le centre des études mauriciennes du MGI, ainsi que la valorisation des archives de l’immigration indienne, qui nous sont aujourd’hui enviées dans le monde entier. Après avoir publié sur la thèse qu’elle a consacrée à l’histoire de la diaspora chinoise dans le sud-ouest de l’océan Indien, Huguette Ly Tio Fane a notamment publié en 1984 une histoire des ouvriers de la canne à sucre, Lured away – the life history of cane workers in Mauritius, puis une histoire de l’Île de France en deux volumes en 1993, ainsi qu’un ouvrage sur Matthew Flinders en Île de France, In the grip of the eagle, au moment des célébrations mauriciennes et australiennes autour des explorateurs Flinders et Baudin.

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